Le monde a besoin de culture

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Un simple Oscar attribué à un documentaire réalisé par un Palestinien et un Israélien sur la vie intenable en Cisjordanie occupée a mis le feu aux poudres dans les rangs des dirigeants israéliens, tandis que l’occupation et l’oppression de tout un peuple depuis plus de sept décennies, et aujourd’hui son extermination en cours, par un colonisateur vorace et génocidaire n’arrivent toujours pas à trouver le chemin de la paix.
Basel Adra et Yuval Abraham, deux réalisateurs, récipiendaires de l’Oscar du meilleur documentaire lors de la 97e cérémonie des Oscars tenue ce 2 mars 2025 à Hollywood (Los Angeles) ont réussi à démontrer aux dirigeants politiques du monde entier qu’une autre voie que l’apartheid et une autre vie que la force des armes sont possibles pour les Palestiniens et les Israéliens vivant côte à côte et en paix.
Les deux cinéastes ont pu, eux, se rapprocher, s’associer, agir ensemble et imaginer une autre Palestine et un autre Israël plus fraternels et apaisés. Ce que les dirigeants les plus influents de ce monde sous l’emprise d’idéologies extrémistes, racistes, xénophobes et immorales ont été incapables d’imaginer et de concevoir pour réaliser ce qui relève de leur devoir : la paix dans le monde et le droit des peuples de vivre libres et indépendants. L’exploit de ces deux jeunes cinéastes est d’avoir éveillé la conscience des créateurs de rêves du cinéma international en leur racontant une des histoires de la colonisation les plus injustes et les plus douloureuses dans l’histoire contemporaine.  L’hommage recueilli par « No Other Land » a fait sortir le ministre israélien de la Culture de ses gonds, voyant dans ce film « pro-palestinien…une déformation de la réalité ». La réalité vue par le prisme israélien n’est pas celle que les populations du monde entier ont vue à travers les innombrables vidéos et images qui ont documenté et immortalisé les atrocités de la guerre israélienne contre Gaza après l’attaque du 7 octobre 2023 par le Hamas et sa prise de centaines d’otages.
Si les honnêtes consciences  trouvent des justifications à l’attaque des combattants palestiniens du Hamas qui ne trouvent pas d’autres moyens que de défendre leur peuple et leurs terres occupées par les armes, elles peuvent aussi comprendre la rage des dirigeants politiques et militaires sionistes face à l’échec cuisant subi ce 7 octobre 2023 par « l’armée la plus morale du monde » et la plus forte dans le Proche et le Moyen-Orient, mais ne justifient pas pour autant la punition collective de tout le peuple de Gaza, victime d’une épuration  ethnique en guise de vengeance à l’attaque, aussi meurtrière soit-elle, du 7 octobre.
Basel et Yuval portent un projet de paix et de mémoire en documentant les injustices subies par les Palestiniens vivant en Cisjordanie occupée, les exactions des colons, les déplacements et aujourd’hui une extermination comme cela a été le cas à Gaza pendant 15 mois et où la guerre menace encore de revenir.
Parce qu’elle interpelle les consciences, la culture peut faire des miracles que la politique est incapable de réaliser ; la première promeut les valeurs universelles tandis que la seconde subit et développe à la fois les ego de dirigeants mythomanes, schizophrènes, aveuglés par le pouvoir. D’où les désastres qui se déroulent sous les yeux incrédules du monde entier tels que la rencontre inouïe d’une extrême violence qui a eu lieu dans le bureau ovale de la Maison-Blanche entre les présidents américain et ukrainien ou encore le prétendu sommet arabe du 4 mars au Caire pour valider un plan de reconstruction de Gaza (politique, urbain et économique) concocté par une poignée de pays arabes. Un plan non inclusif mais qui a besoin d’être soutenu par l’ensemble des pays arabes (22) avant d’être présenté à Donald Trump en lieu et place de son projet de déportation des Gazaouis hors de Gaza.
L’initiative arabe est sans nul doute à louer et à encourager, d’autant que les pays qui ont conçu le plan seront les premiers reconstructeurs de Gaza mais de ce plan dépendra aussi l’avenir des Palestiniens, de la Palestine et de la cause palestinienne que des pays arabes ne sont pas prêts à sacrifier pour servir les intérêts insatiables des Israéliens sionistes, en particulier Netanyahu et son gouvernement extrémiste. Il y a des clauses dans le plan autour desquelles il sera difficile d’aboutir à un consensus tel que le désarmement de Hamas. Autre point qui va, à coup sûr, être source de différends, celui portant sur l’administration de la bande de Gaza qui, selon ce plan, ne doit pas être partisane du Hamas ou de l’autorité palestinienne.
Il y a donc lieu de s’interroger sur la portée de ce plan, sur ses chances d’être adopté et exécuté par les différentes factions de la résistance palestinienne et sur le probable et imminent retour de la guerre à Gaza d’autant que Netanyahu, qui ne cesse de monter la barre de ses exigences, a déjà de nouveau interdit l’acheminement des aides humanitaires vers l’enclave sinistrée en ce début du mois de Ramadan afin de faire pression aussi bien sur ses alliés que sur ses ennemis arabes.
C’est dire que notre monde d’aujourd’hui a plus besoin de culture que de politique et, surtout, d’artistes engagés que de dirigeants politiques enragés.

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