Le monde arabe et les défis à venir (1)

Le monde arabe traverse une grande période de turbulence au cœur d’une forte instabilité des institutions héritées de la période post-coloniale et de l’Etat national.
La période nationale a été marquée dans un grand nombre de pays arabes par la domination d’un Etat moderniste fort, qui est devenu progressivement autoritaire. Mais, ce régime politique a commencé à connaître ses premières crises à partir de la fin des années 60 et la défaite des Etats nationalistes face à l’ennemi israélien à partir de la guerre des Six Jours.
Mais, la période de la rente pétrolière que le monde arabe a connue à partir du milieu des années 1970 avec la hausse des prix de l’or noir, lui a permis de dépasser les premières manifestations de la crise du régime post-colonial. La plupart des Etats ont alors poursuivi le processus de modernisation autoritaire et ont été en mesure de poursuivre leur domination du système politique et poursuivre l’exclusion de manière de plus en plus répressive des forces d’opposition et de contestation politique.
Mais, ces crises vont revenir de manière beaucoup plus marquée, annonçant la fin de ce régime politique hérité des luttes de libération nationale. Face à ces crises multiformes, politiques, économiques et sociales, les régimes arabes vont alors se renfermer sur eux-mêmes et exclure de manière violente toute opposition et toute contestation de leur hégémonie. Au niveau économique, la plupart des régimes arabes vont rester fortement liés à l’économie rentière et incapables d’opérer les transitions nécessaires dans leurs modèles de développement, pour passer à des économies diversifiées, basées sur les nouvelles industries. Au niveau social, et après l’âge d’or des périodes de l’indépendance qui a été marqué par un développement sans précédent des classes moyennes, la plupart des pays arabes ont connu des crises sociales suite à l’extinction des contrats sociaux de l’Etat post-colonial qui sera à l’origine de la montée de la pauvreté, des inégalités et de la marginalité sociale.
La crise du régime arabe post-colonial a ouvert l’ère nouvelle des révolutions arabes qui a commencé en Tunisie en 2011 et qui va s’étendre dans un grand nombre de pays, ouvrant une nouvelle ère de forte instabilité et de grandes peurs et inquiétudes face aux grandes transformations que notre monde est en train de traverser.
Le monde arabe fait face aujourd’hui à cinq grands défis et inquiétudes qui sont au cœur de l’incertitude et d’un horizon obscurci par les nuages.
Le premier concerne les conflits et la montée du terrorisme, des courants populistes et d’une grande instabilité politique. En effet, la crise du régime arabe post-colonial a eu des effets majeurs sur la situation politique dans la plupart des pays. Nous avons connu au cours des dernières années une montée des conflits qui se sont transformés en guerres, emportant les bases de l’Etat national comme c’est le cas en Libye, en Syrie et au Yémen. Les effets de ces conflits ne se sont pas limités à ces pays, mais ont également touché les pays avoisinants et l’ensemble des pays arabes avec d’importants mouvements de populations, ainsi qu’une large circulation des armes.
La chute du régime arabe a été à l’origine de la fin du contrôle de l’Etat de la violence légitime. Ainsi, a-t-on assisté à la montée des groupes terroristes qui ont contrôlé pendant de longues périodes de larges territoires, particulièrement en Syrie, en Irak et en Libye.
Les pays arabes ont également connu, à l’instar du monde global, la montée des forces populistes et un important rejet des élites politiques et économiques.
L’ensemble de ces évolutions ont été à l’origine d’une grande instabilité politique et d’une incertitude sur le futur qui constituent un défi majeur pour le monde arabe dans les années à venir.
Parallèlement à la situation politique, ces pays sont également influencés par les crises mondiales et les guerres commerciales qui remettent en cause la globalisation. En effet, l’une des principales sources d’inquiétude dans le monde d’aujourd’hui est liée à la fragilité de la croissance mondiale qui s’est renforcée au cours des derniers mois. Selon les estimations du FMI, la croissance globale sera en recul au cours de l’année passée et baissera de 3,6% en 2018 à seulement 3% en 2019.
La baisse de la croissance globale aura des effets sur les pays arabes, non seulement exportateurs de pétrole mais également ceux à économies plus diversifiées comme la Tunisie ou le Maroc. Les estimations mondiales indiquent que la croissance dans la région arabe ne dépassera pas 0,5% en 2019, le plus faible niveau de croissance par rapport à toutes les autres régions du monde.
Parallèlement à la faiblesse de la croissance, l’économie mondiale vit également au rythme des guerres commerciales entre les plus grandes puissances économiques mondiales comme la Chine et les Etats-Unis ayant des effets sur la croissance mondiale.
La fragilité de la croissance globale ainsi que son recul et les guerres commerciales, ont des effets sur le monde arabe et renforcent l’incertitude et l’instabilité régnantes. n     

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