Le monde retient son souffle en attendant la date fatidique du 30 juin, jour où la Grèce doit rembourser 1,6 milliard de dollars au FMI. Le problème est que la Grèce ne dispose pas de ce montant et en l’absence d’un accord avec les trois institutions en charge de la négociation avec ce pays, à savoir le FMI, la Commission de l’UE et la Banque centrale européenne, elle ne pourra pas payer cette somme. Du coup, la Grèce sera techniquement en cessation de paiement. Une situation qui pourrait mettre la Grèce, l’Europe et l’économie mondiale au bord de l’abîme et créerait un branle-bas de combat sans précédent pour sauver le soldat Grèce.
D’ailleurs, lors de ces derniers jours, on commence à percevoir des indications sur ce que pourrait être une crise majeure en Grèce avec la panique financière et la course des épargnants grecs pour retirer leur épargne auprès des banques grecques. La BCE s’est empressée de venir en aide à ses banques pour empêcher un blocage total et une faillite annoncée. Mais, ce mouvement risque de s’amplifier dans le futur avec une grande incertitude sur la capacité de la BCE à poursuivre son appui financier.
L’inquiétude est d’autant plus importante que les réunions se suivent et se ressemblent. Les deux camps sont déterminés à défendre leurs positions bec et ongles et l’impasse semble définitive. Les réunions des ministres des Finances de l’Eurogroupe comme les sommets, n’ont pas débouché sur des progrès notables et laissent prévoir le pire. En effet, en dépit des appels à la sagesse et au pragmatisme d’importants responsables politiques comme le Président Barack Obama, le fossé semble encore important entre les différents partenaires. Pire, il semble que les blocages ont laissé la voie libre aux cassandres des deux camps pour faire de la surenchère et mettre le monde au bord de la crise de nerfs.
Certains responsables n’hésitent plus à parler ouvertement d’un défaut de la Grèce et de sa sortie de l’Union. Pour eux, cette sortie n’aura pas de conséquences graves sur l’économie mondiale. En effet, la Grèce reste une économie de petite taille et toutes les mesures ont été prises pour éviter les effets de contagion qui pourraient mettre l’Europe et le monde en difficulté. Un raisonnement qui nous paraît des plus dangereux, car personne ne peut prévoir ni maîtriser les effets d’un choc aussi important que le défaut de paiement d’un pays membre de l’Union européenne. Ce raisonnement rappelle à bien des égards celui effectué par certains à la veille de la faillite de la Lehman Brothers en septembre 2009. Pour eux, toutes les précautions ont été prises et la faillite de la célèbre banque ne devrait pas avoir d’effets majeurs sur l’économie américaine. On connaît la suite et surtout on sait que la faillite de la Lehman a accéléré la crise financière qui a mis l’économie mondiale au bord du gouffre. Et, jusqu’à aujourd’hui, responsables politiques, notamment les différentes commissions du Congrès américain qui ont eu à se pencher sur la crise financière de 2009, experts et responsables politiques se demandent encore comment une décision aussi importante a été prise avec autant de légèreté. Le précédent de la Lehman Brothers confirme l’effet Papillon mis en avant par les théories du chaos et qui met l’accent sur l’imprévisibilité des effets d’un phénomène aussi mineur et qui peut remettre en cause la stabilité des systèmes et devrait amener les uns et les autres à une plus grande modération.
Les conséquences d’un défaut de paiement de la Grèce ont été évoquées depuis quelques temps par beaucoup d’experts. Certes, il est difficile de les évoquer de manière précise et de prévoir avec certitude l’impact d’un choc aussi important sur l’économie mondiale. Mais, les experts ont commencé à évoquer les effets financiers à court terme d’un défaut de paiement de la Grèce qui sera à l’origine d’une grande perturbation boursière. Certains évoquent même la possibilité d’une fermeture des marchés, si les bouleversements sont d’une grande ampleur. Par ailleurs, le défaut grec pourrait avoir un effet de contagion sur d’autres économies de l’Union qui connaissent des problèmes d’endettement notamment l’Espagne et dont les effets sur l’Europe seront beaucoup plus importants compte-tenu de la taille de cette économie.
Les effets financiers ne se limiteront pas à l’Europe mais vont également s’étendre à l’économie mondiale et notamment aux pays émergents dont la Tunisie. Le premier effet sera lié à une accélération de la sortie des capitaux des pays émergents et à une défiance de plus en plus importante vis-à-vis de ces pays. Les capitaux vont chercher à privilégier la qualité par rapport au rendement et vont s’orienter vers les bons du trésor américains ou d’autres pays de l’UE notamment l’Allemagne. Cette tendance va poser des difficultés de financement pour les pays émergents sur les marchés et les dernières sorties de certains pays comme l’Egypte confirme cette évolution dans la mesure où le pays n’a levé que 1,5 milliard de dollars sur les deux qu’il visait. Un autre effet important pour les pays émergents concerne l’augmentation de la prime de risque. L’incertitude croissante se traduira par des coûts plus importants pour les sorties sur les marchés internationaux pour financer les déficits des finances publiques.
Mais, les effets d’un défaut de paiement de la Grèce ne se limiteront pas à la sphère financière et à moyen terme, ils se prolongeront à la sphère réelle. En effet, l’incertitude et l’inquiétude croissante vont peser de tous leurs poids sur les investissements et remettre en cause une croissance convalescente dans la zone euro. Cette nouvelle panne d’investissement et de croissance dans la zone euro vont aggraver la compétitivité et la situation de l’emploi. Ces effets négatifs vont s’étendre aux pays émergents et à des pays comme la Tunisie où les exportations vers l’Europe constituent une importante locomotive de la croissance économique.
En définitive, le défaut de la Grèce peut provoquer des effets incommensurables non seulement sur l’Europe, mais sur l’économie mondiale touchant les pays émergents et partenaires de l’UE notamment la Tunisie. Cette défection pourrait à nouveau remettre une économie mondiale encore convalescente dans l’œil du cyclone. Il est urgent d’agir et de donner aux pragmatiques, l’occasion de trouver un consensus acceptable par tous y compris en prenant en considération la crise sociale sans précédent en Grèce. C’est à ce prix que le monde pourra retrouver des chemins plus stables pour recouvrer la croissance, l’emploi et une prospérité partagée.