Lors d’une conférence organisée, mercredi 29 novembre 2023, à l’initiative de Solidar Tunisie, une étude portant sur un projet d’implémentation en Tunisie du Nexus eau-énergie-alimentation, – une approche qui a fait son apparition depuis 2011 dans le monde entier- , pour mieux gérer l’interdépendance entre ces trois secteurs stratégiques. Cela exige un renforcement des capacités et une action concertée de la communauté scientifique, des décideurs et des praticiens sur le terrain, jumelé avec une volonté politique de haut niveau soit soutenue par un système de gouvernance saine.Dans son entretien avec Réalités, Amel Jrad, consultante en environnement et développement durable a souligné l’importance d’adopter ce concept en Tunisie à l’échelle locale, mais elle a appelé à réfléchir avant tout comment travailler d’une manière intégrée et comment peut-on lier ces trois éléments l’un à l’autre dans un système qui ne peut être que compliqué à son démarrage. Elle a par ailleurs expliqué cette complexité par le fait de se retrouver devant trois systèmes nécessitant une politique de mise en œuvre cohérente et qui requièrent à ce que tous les ministères travaillent ensemble avec une plus grande synergie.
De son côté, Iheb Ben Salem, expert en développement durable, stratégies et études socio-économiques, nous a expliqué que la situation actuelle en Tunisie impose l’implémentation de ce projet, citant les problèmes de stress hydrique et de dépendance énergétique et alimentaire conjugués à des problèmes au niveau de la qualité des sols tunisiens qui sont, selon lui, en détérioration en termes de productivité et de qualité. Ajoutons à cela, les difficultés liées aux changements climatiques.
Il a dans le même contexte, indiqué que l’étude a révélé que les politiques sectorielles systématiques ne suffisent plus aujourd’hui et qu’il faut passer à un autre pallier parce que nous avons des problèmes de cohérence dans ces politiques qui font que nous ne pouvons pas arriver au bout de nos stratégies d’où l’idée du Nexus eau-énergie-alimentation qui est un ensemble de trois éléments strictement interdépendants.
Ben Salem a toutefois indiqué qu’un travail de vérification de la logique Nexus a été déjà entamé en Tunisie en collaboration avec Solidar Tunisie et a révélé que pour mettre en place un système efficace en Tunisie, il faut partir de l’échelle locale.
Ce travail de vérification a permis aussi de révéler l’existence de plusieurs entraves à l’échelle nationale, empêchant la mise en place institutionnelle de ce projet. Ces problèmes sont principalement dus à l’absence de stratégie de mise en cohérence de politiques publiques, des problèmes aussi pour assurer une gouvernance optimale de ce système au niveau institutionnel. De plus, le problème de l’eau, de l’énergie et de l’alimentation au niveau local varie d’une région à l’autre.
Tout en se basant sur cette étude, l’approche systémique entend la considération de l’eau, l’énergie et l’alimentation comme un ensemble indissociable et interdépendant dans les stratégies et les programmes nationaux.
L’approche Nexus, présente dans les sphères politiques et académiques depuis les années 40 s’est illustrée comme une piste rationnelle par son fondement théorique qui définit l’eau, l’énergie et l’alimentation comme un triptyque étroitement interconnecté et dépendant. Selon l’approche Nexus, une gestion intégrée du triptyque permet de mettre en place des compromis et des arbitrages efficaces et durables.Mais la mise en œuvre institutionnelle de cette approche se trouve confrontée à divers obstacles. Les plus importants sont l’absence d’un cadre politique cohérent pour la mise en œuvre de l’approche systémique, l’absence d’un modèle de gouvernance approprié et le manque de précisions sur le concept Nexus.
Les travaux menés récemment par Solidar Tunisie et la fondation Heinrich Böll ont abouti à la nécessite et la pertinence d’aborder la mise en œuvre du Nexus à une échelle locale pour l’élargir, ultérieurement, à l’échelle nationale. Le recours à l’échelle locale permet de tester la faisabilité de l’approche sur un périmètre limité.
Pour réussir en local, l’étude de Solidar recommande, à court termes, de démarrer une campagne d’expérimentation de l’approche Nexus à l’échelle locale avec l’adoption de la gestion communautaire et de l’économie sociale et solidaire au niveau d’un échantillon de régions pilotes à travers une nouvelle génération de programmes nationaux. Il faut aussi mener une réflexion sur les textes juridiques régissant l’économie sociale et solidaire afin de faciliter l’expérimentation du concept Nexus local et mettre en place les mécanismes de financement adéquats à l’expérimentation.
A moyen terme, il faut instaurer un débat participatif décisionnel sur la vision 2050 pour les ressources en eau et mettre en cohérence les politiques publiques d’inclusion sociale avec les politiques publiques ayant trait à la sécurité nationale des ressources. Accélérer la concrétisation du partenariat public/privé et notamment le PPP social a été aussi fortement sollicité.
KT