La présentation du premier livre de Mehdi Zaghdidi est un évènement qui ne pouvait aucunement passer sous silence. Ce fût une véritable rencontre littéraire où « des feuilles d’un siècle arabe éparpillé » nous ont été narrées, mais ont tout autant été exprimées et décortiquées.
L’évènement a eu lieu hier soir dans un café culturel à Tunis. La présence a été massive à un point que certains invités ont dû rester debout. Et dans une salle où seul le drapeau palestinien régnait en maître, c’est la consœur Monia Arfaoui qui a ouvert ce bal littéraire et historique pour conduire la présentation dans un « face à face » avec l’auteur sans l’aménager, et en lui posant moult questions, toutes aussi pertinentes les unes que les autres. Mais Mehdi s’en est très bien sorti. Autant les questions de Monia Arfaoui laissaient transparaître une grande subtilité, une maîtrise de la critique artistique et culturelle et un background riche, autant les réponses de Mehdi Zaghdidi prouvaient une parfaite maîtrise de la lettre arabe, d’un riche savoir en matière historique, un bagage respectable du verbe et de l’art qu’est l’écriture.
Passionnant…
La discussion était passionnante, captivante à un point où personne parmi la présence n’a touché les claviers de son cellulaire ! Ceux qui avaient leur portable dans les mains ne l’ont utilisé que pour un seul objectif : filmer cet instant spécial, capturer l’image d’une journée qui devrait certainement être marquée en lettres d’or. Des têtes pensantes étaient conviées à ce rendez-vous. Elles avaient toutes les yeux rivés sur le podium, avalant avec appétit chaque mot prononcé par l’auteur… Car, oui, chaque mot témoignait de la grande sensibilité de l’auteur qu’est Zaghdidi. Une narration qui se traduit dans les lignes si subtilement rédigées dans chacune des « feuilles » dans « Warakat ».
C’est en étant à l’étranger que les premières bribes ont été rédigées. Seul, se trouvant dans un autre pays arabe, mais ayant le mal du pays, Mehdi a fait en sorte de profiter de ce long temps vacant loin de sa famille et des siens pour pondre des mots raisonnants. Raisonnants car ils narrent l’Histoire.
Loin de vouloir s’improviser Historien, le jeune auteur qui jongle déjà avec les mots, de par son métier journalistique et son expérience respectable en presse écrite, a rempli ce vide par des coups de stylos. De la « Khilafa » au Déluge d’Al Aksa. Tout y est dans ce livre: l’Histoire arabe, les différents règnes, les « Khilefas » qui se font et se défont, les échecs, les colonisations, le suivisme, les évènements heureux, les si nombreux évènements beaucoup moins heureux, l’éparpillement arabe, les leaders adulés, ces mêmes leaders ensuite piétinés, écrasés et jetés aux oubliettes, les symboles énigmatiques, les révolutions avortées…bref, ce livre est une encyclopédie englobant tout un siècle arabe vu par les yeux de leur écrivain.
Ce livre est un rassemblement de plusieurs feuilles éparpillées de notre histoire. Ce livre, c’est l’Arabe. C’est vous et moi, c’est nous tous, c’est notre histoire racontée… C’est notre passé et notre présent. Nos origines et nos racines étaient là, écrites de façon toute aussi objective, concise, précise que si délicatement entremêlée.
Fidèlement, mais autrement
Il n’a aucunement déformé l’Histoire, il l’a narrée. Et si l’âme de Mehdi est quelque part dans Warakat, on la trouvera dans ses titrailles, dans les titres de chaque phase de l’histoire, dans les adjectifs et les qualifications qu’il a si bien collé aux noms de certains faiseurs de cette Histoire ! Et si Mehdi Zaghdidi rédige son premier livre, il n’est pas novice en la matière pour autant. Car certes il est déjà rédacteur, mais il a toujours été passionné de lecture. « Petit, il a dévoré tous les livres se trouvant dans la bibliothèque de son école« , nous a confié le papa de Mehdi qui a vu cette graine d’écrivain chez son fils et a tenu à l’arroser et à l’entretenir pour qu’aujourd’hui elle éclot en pondant son premier jet : « Warakat » .
Comme à l’accoutumée, la soirée s’est terminée par la signature des livres. Et il faut dire que quasiment tous les exemplaires exposés à ce jour, ont disparus. La présence a afflué vers la table d’exposition et chacun a mis du sien pour rentrer avec un exemplaire de Warakat!
Ceux qui cherchent une référence pour découvrir les tenants et aboutissement de tout un siècle écoulé, ont maintenant une adresse en la matière : « Warakat d’un siècle arabe éparpillé » !
Edité par Dar El Mezri, introduit par l’Historien Adnen Manser et vendu à 15 dollars (42 dinars tunisien), le livre vaut le détour. Et des livres dans le genre, on en veut. Des initiatives pareilles, on en redemande ! Car dans un monde où tout est à portée de cliques, que c’est beau de pouvoir feuilleter un livre en papier, de l’estampiller de nos marqueurs, de l’orner de marque-page, de l’ouvrir pour plonger dans la nostalgie d’un passé si bellement narré, quoiqu’il soit tantôt beau, tantôt triste, puis de le fermer pour sombrer dans un monde de réflexion et de rêvasseries…
C’est un livre qui mérite vraiment d’être lu et gardé dans nos bibliothèques comme une référence historique de tout un siècle!
Abir CHEMLI