Le pays des cigognes

Par Alix Martin

 

 À moins de temps qu’il n’en faut pour aller à Hammamet ou Nabeul, il existe des promenades, des plages, des parties de chasse et de pêche dont on ignore souvent l’existence dans les collines des Mogods.

 

La région

Les Mogods forment une région particulière qui s’étend en bordure de mer depuis Nefza et la vallée de l’Oued Zouara, à l’ouest, jusqu’au Ras El Koran au nord-est, soit environ, 70 kilomètres de long sur 25 kilomètres de large. Elles sont formées de grès et d’argiles quartenaires différents des calcaires des Hedil.

C’est une région de collines dont les altitudes varient de 200 à 400 mètres avec le Jebel Aïn Chouna, comme point culminant (514 mètres). Elles sont orientées sud-ouest / nord-est, donc presque perpendiculairement aux vents humides, donc bien arrosées : de 900 à 1000 millimètres de pluie par an, en moyenne.

Elles sont couvertes de forêts de chênes lièges, à l’origine, de pins et d’eucalyptus, de reboisement, actuellement ainsi que de maquis souvent impénétrables mais, où la végétation méditerranéenne : thym, romarin, lavande, myrte, cistes, calycotome et lentisque embaume.

Dans l’est des collines, il existe des extrusions de roches volcaniques, datant de la fin du tertiaire en particulier au Jebel Saad Moun où les beaux orgues basaltiques voisinent avec des « ripple-mark » : plages plissées fossilisées.

On remarque aussi quatre formations dunaires. Suivant leur ancienneté, elles sont plus ou moins consolidées et colonisées par la végétation. La dernière formée d’apports éoliens récents, forment de belles plages et s’avancent vers l’intérieur des terres.

En raison de l’orientation des collines et des dunes, les eaux d’un ruissellement n’arrivent pas à s’écouler vers la mer. Elles stagnent (stagnaient) et forment des marais colonisées par les moustiques qui véhiculaient le paludisme, aujourd’hui disparu, grâce à de gros efforts de drainage et de reboisement.

Les oueds, bordés de bouquets de lauriers roses de mai à octobre, très courts et équipés, actuellement, de barrages ont des lacs de retenue empoissonnés.

Les grès du sous-sol donnent, le long du littoral, une succession de petites falaises, sans abri marqué, séparant des baies sablonneuses alimentées par des apports éoliens qui forment des plages magnifiques telles que celles de Sidi Mechrig, de Cap Serrat, de La Louqua et de Kef Abbed, etc. …

Ces collines, assez peuplées, dotées d’un habitat dispersé, sont un paradis de la flore et de la faune malgré un déboisement et un surpâturage ravageurs.

Les bois et les maquis sont des « conservatoires » de la flore méditerranéenne : chênes zéens, chênes verts, chênes lièges cohabitent avec des pins, des eucalyptus, des peupliers, des genévriers et des oliviers sauvages. Dans les sous-bois, les arbousiers aux fruits écarlates se mêlent aux bruyères arborescentes aux fleurettes blanches, aux chênes kermès et aux lentisques aux baies rouges.

Les plus grands mammifères : sangliers, hyènes rayées endémiques, cerfs de Berbèrie, autour du Jebel Essma, croisent les chacals, les renards, les porcs-épics, les mangoustes, les genettes et chats sauvages.

L’avifaune est remarquable : les sédentaires : les « Grands Ducs » en particulier concurrencent, la nuit, les aigles, les buses et les milans chassant le jour.

Les migrateurs : les cigognes spécialement garnissent toits, pylônes et constructions métalliques des gares désaffectées.

Les bourgs rares et assez petits : Teskraia, Sedjenane, Tamera, Sidi Mechrig manquent encore d’établissements capables d’accueillir les visiteurs, intéressés principalement par les plages superbes et les chasses fructueuses, actuellement.

 

 

Les plaisirs

Nous venons d’en évoquer certains : la chasse et les plaisirs de la mer : baignades, pêche du bord, planche à voile sur des côtes souvent ventées, pêche sous-marine, le long des caps rocheux : de Cap Negro, de Sidi Mechrig, de Ras El Koran, et sur les somptueux tombants coralligènes des ilots Fratelli où les cigales de mer et les langoustes « remontent » entre 15 et 20 mètres de profondeur à la belle saison. Les bancs de grands prédateurs : Thons, Serres, Limons, Liches amies intéressent les chasseurs sous-marins mais pourraient engendrer de profitables pêches aux « tous gros », en barque. Les photographes ne seront pas déçus aux Fratelli, à Cap Negro, aux larges du Jebel Chitane qui devait devenir un parc national mi-terrestre, avec la rarissime tourbière de Majen Chitane aux nénuphars blancs et roses, mi-marin avec des fonds magnifiques.

À terre, le merle bleu, le gorge bleue à miroir blanc, le discret engoulevent, les bécasses au plumage mordoré et même les orchidées, très rares : les spirantes d’été ou d’automne peuvent susciter des vocations, voire des passions.

Les gastronomes n’auront que l’embarras du choix au fil des saisons. Aux œufs et volailles de fermes, toute l’année peuvent s’ajouter de délicieux champignons : giroles, lépiotes, coprins chevelus en automne. L’hiver offrira les repas de gibier : marcassins, bécasses et gibier d’eau des lacs de barrage. Au printemps, on aura le choix : agneaux et chevreaux, au four ou grillés, cigales puis langoustes grillées ou accompagnées de mayonnaise et le « miel de la mer » : les rougets de roche ! Essayer de napper des filets de rougets grillés d’œufs d’oursin !

Durant toute « la belle saison » : les poissons frais vont succéder aux fruits et aux légumes, pratiquement « bio », sitôt cueillis, sitôt mangés !

Stop ! Après ces agapes, pensons à la « forme » : la nage et les baignades peuvent suivre, vers midi, une belle randonnée à pied ou à V.T.T.. Demain, peut-être, à cheval : montées sur ces merveilleux petits chevaux locaux, dociles et calmes : les « poneys des Mogods ».

Les montées ne sont jamais escarpées. Même quand le soleil est bien chaud, cheminer en forêt, bercés par les roucoulements des tourterelles, l’appel monotone, sur deux notes, du coucou, au rythme du tambourinement d’un pic, souvent de « Levaillant » au plumage ponctué de rouge, n’est jamais désagréable et la baignade qui suit est un véritable régal.

De plus est-ce possible ? Bien sûr ! Nous n’avons pas encore parlé de culture. La région est littéralement tapissée de haouanet : tombeaux berbères antérieurs à l’époque romaine, sans doute. Certains tombeaux sont ornés de peintures pariétales comme ceux d’El Bibèn. D’autres sont dotés de niches curieuses. Elles sont ornées d’une façade comportant un fronton, parfois triangulaire soutenu par des pilastres, comme ceux d’El Guetma. Serait-ce le reflet d’une influence hellénistique ?

Et puisque nous venons d’évoquer le lieu-dit : « El Guetma », nous devons citer Jemâa la potière et ses consœurs : « les potières de Sedjenane ». À elles seules, elles méritent un voyage dans la région. Elles s’adaptent aux « goûts du jour ». Elles se sont regroupées dans une coopérative, elles ont des fours modernes. Elles exposent leurs productions jusqu’à Paris, mais elles restent les représentantes d’une tradition féminine, au sein d’une population sédentarisée depuis l’aube de l’Histoire. Elles mettent en œuvre un apanage maghrébin, héritier d’un fond méditerranéen dont les indices : triangles, décors ciliés, croix schématisées, silhouettes animales ou humaines stylisées ainsi que des couleurs naturelles : noir, rouge, brun, se sont mêlés à des apports arabo-islamiques.

On aurait pu nommer les Mogods : « Les collines des mille plaisirs » : chasse, pêche, photographies, flore, faune, artisanat, gastronomie et vestiges culturels. Que peut-on souhaiter de plus ? Si, il manque encore quelque chose : que l’on prenne conscience de l’impérieuse et urgente nécessité du développement économique, social et culturel d’une région qui dispose d’autant d’atouts mais qui manque de moyens pour les mettre en valeur.

A.M

 

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