Par Néjib Ouerghi
La nouvelle vague de grèves qui a sévi ces derniers temps dans le pays, paralysant les secteurs les plus névralgiques, a surpris par son ampleur, son caractère sauvage et surtout l’appui inconditionnel que lui a apporté la Centrale syndicale, pourtant elle-même surprise par son déclenchement, selon la déclaration d’un membre de sa direction.
Outre l’effet de surprise, cette vague a fait monter la grogne parmi la population, prise en otage par ces mouvements qui ont en partage les réclamations salariales. Plus encore, un sentiment d’hostilité vis-à-vis de l’UGTT se fait de plus en plus sentir. Sentiment entretenu par certaines parties dont les visées n’échappent à personne.a nouvelle vague de grèves qui a sévi ces derniers temps dans le pays, paralysant les secteurs les plus névralgiques, a surpris par son ampleur, son caractère sauvage et surtout l’appui inconditionnel que lui a apporté la Centrale syndicale, pourtant elle-même surprise par son déclenchement, selon la déclaration d’un membre de sa direction.
Manifestement, le recours abusif et excessif à la grève est perçu, de plus en plus, comme une arme improductive qu’utilise l’UGTT pour imposer sa loi et ses choix, souvent au mépris des lois et règlements et de l’intérêt du pays. Tout cela, à un moment où le système productif national est sérieusement mis à mal et les entreprises sont, parfois, contraintes à mettre la clef sous le paillasson sous le poids d’une conjoncture hésitante et de mouvements sociaux revendicatifs.
Le soutien de l’UGTT à cette vague déferlante, s’il est justifié par l’érosion du pouvoir d’achat du citoyen, la floraison de la contrebande, la désorganisation des circuits de distribution et la défaillance de l’action administrative, s’est transformé en moyen de pression efficace contre un gouvernement provisoire, préoccupé davantage par des dossiers sécuritaires brûlants et peu enclin à jouer au bras de fer avec la Centrale syndicale.
Pourtant, la logique commande que pour redistribuer de la richesse, il faut, en premier lieu, la créer. En Tunisie, le constat est quelque peu amer, on produit peu, on n’investit presque plus et on travaille accessoirement.
D’où la question qui interloque de plus en plus : peut-on confiner l’action syndicale uniquement aux mouvements de grèves et sit-in ? Tout le monde admet que ces armes sont de dernier recours et qu’on ne s’en sert que si on épuise toutes les voies de dialogue et de concertation. Tel, n’est pas le cas chez nous. L’UGTT – dont le rôle historique est connu et reconnu et sa contribution au dialogue national a été décisive, épargnant le pays des menaces aux conséquences imprévisibles, semble avoir moins d’emprise sur ses structures à la fois régionales et sectorielles. La Centrale syndicale —et c’est là l’autre question qui titille— a-t-elle voulu profiter de la situation de fin de transition et de début de mise en place des institutions pérennes pour faire étalage de sa force ? Peu vraisemblable. Dans tous les cas de figure, ce qu’on a eu à vivre ces dernières semaines, pousse au questionnement et montre que l’usage excessif de cette arme ne fait que la rendre contre-productive. La grève sauvage déclenchée la semaine dernière dans le secteur des transports publics a fini par provoquer un effet boomerang se traduisant par la lassitude, l’irritation et la colère du citoyen ordinaire, première victime de la défaillance de ce service public vital.
Le pays, lui aussi, est sorti grand perdant. Quelle image peut-il révéler à la communauté des affaires qui possède des intérêts en Tunisie et emploie des milliers de personnes ? Sur le plan purement comptable, il suffira de mentionner que la grève dans le secteur des transports aura coûté plus de 400 mille dinars à une entreprise publique qui croule sous le poids de déficits chroniques. Pour la société de transport des phosphates, l’ardoise est encore plus salée, la perte est évaluée à 40 MDT en un seul mois.
Arrêter cette spirale par le dialogue se présente, incontestablement, comme le seul moyen qui s’offre pour reconstruire des relations sociales basées sur le respect, la confiance et le rétablissement de la valeur du travail et de l’effort.
A l’évidence, le dialogue serein et responsable ne pourra que renforcer davantage le prestige de l’UGTT, son rôle et sa légitimité qui ont toujours fait d’elle un partenaire incontournable. A contrario, l’entretien de l’effervescence sociale, dans un contexte de crise économique et sécuritaire, ne pourra que précipiter le pays dans l’inconnu. Il ne fera que renforcer les rangs des 800 mille chômeurs recensés, obérer l’activité économique, bloquer le processus de développement et plonger durablement le pays dans la violence et l’insécurité qui feront voler en éclats tous les espoirs des Tunisiens pour la liberté et la dignité. Tirer les bons enseignements revient à éviter ce piège mortel et orienter les efforts vers tout ce qui construit, crée et intègre. On ne finit pas d’espérer.