Le péché de Chabon, le péché d’Ernaux !

Bien qu’étant profondément différents l’un de l’autre, les deux grands romanciers, l’Américain Michael Chabon, lauréat du prix Pulitzer en 2001 et la Française Annie Ernaux, prix Nobel de littérature en 2022, se sont trouvés subitement dans la même arène, cernés par les feux médiatiques que la haine enflamme. Les mauvaises consciences ont daigné les confondre afin que les campagnes fiévreuses à leur encontre démarrent aux Etats-Unis et en France sur un rythme endiablé avant de s’étendre et d’englober d’autres pays occidentaux. Le péché de Michael Chabon est la publication d’un article dénonçant la «vraie nature» de l’occupation israélienne des territoires palestiniens.
C’était audacieux de la part d’un grand romancier américain, célèbre et très influent, que d’énoncer cette vérité longtemps cachée et de lancer une mise en garde à tous ceux qui prétendent relancer l’espérance d’émancipation du peuple palestinien sans affronter les horreurs vues et commises par l’armée de l’occupation israélienne et les milices des colons. Des plumes américaines se sont élevées contre lui pour jeter l’anathème sur ses écrits dans les médias et contribuer à faire circuler en toute impunité les haines de la pire espèce. Ces attaques qui ont retenu l’attention de l’opinion publique américaine nous ramènent à cette vérité incontestable et constamment confirmée : l’intelligentsia occidentale pro-israélienne perd de vue, souvent, ses différences religieuses, idéologiques, spirituelles ou autres, chaque fois qu’il s’agit d’ouvrir les placards de la barbarie israélienne dans les territoires palestiniens. Les «militants» qui se battent quotidiennement pour la liberté de conscience, pour la liberté d’expression et pour l’émancipation des peuples du joug de la dictature, les progressistes qui luttent contre l’enfermement dans des clans et des idéologies se mettent avec les fondamentalistes sionistes dans le même rang et trempent leurs plumes dans une seule et même couleur : défendre et justifier l’occupation israélienne avec ses crimes et ses horreurs. Cette haine est d’autant plus odieuse qu’elle s’exprime dans le lâche mensonge de la «sécurité d’Israël» et la lutte contre l’antisémitisme ! C’est la honte des intellectuels obnubilés par le spectre d’une nouvelle «conquête» de Salah Eddine, le déshonneur d’une élite qui a enfoui sa passion de liberté humaine.
Quel peuple aura connu une telle injustice ? Le grand romancier a répondu solennellement : «Ce que j’ai vu en Palestine occupée était monstrueux, terrifiant. Un comble d’horreur que l’on ne peut ignorer pour avoir quelque espoir d’arrêter les souffrances d’un peuple opprimé».
Dans le pays de Voltaire, de Rousseau et de Régis Debray, la grande romancière Annie Ernaux s’est exposée à une campagne de dénigrement similaire menée par des plumes françaises célèbres et très influentes sur l’opinion publique française et francophone en général. L’objectif est de discréditer l’un des plus importants piliers de l’esprit des lumières et de faire taire l’une des plus crédibles voix du droit palestinien en France et dans le monde occidental. Ce qu’on reproche à cette militante engagée pour la cause des peuples opprimés, c’est d’avoir dénoncé la politique d’apartheid menée par l’occupant israélien dans les territoires palestiniens. Par son engagement, elle a outrepassé tous les «feux rouges» institués par le lobby israélien dans la scène intellectuelle française !
Il ne faut pas croire que derrière ce spectacle dérisoire, la liberté d’expression demeure intacte, bien au contraire, celle-ci est désormais l’objet d’un grand désarroi. L’apparent respect des règles du jeu de débat démocratique ne saurait cacher la réalité d’une dangereuse dérive intellectuelle et médiatique tyrannique. 

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