Le pétrole au plus haut depuis 2018 : un baril bientôt à 100 dollars ?

Une fresque murale représentant des puits de pétrole dans une rue de Caracas, au Venezuela

L’or noir retrouve des niveaux de prix jamais atteints depuis 2018. En cause, un redémarrage rapide de la demande alors que la production n’a pas encore retrouvé ses niveaux pré-crise.
Les pétroliers retrouvent la forme et tant pis pour le climat. Après une année 2020 noire, marquée par un effondrement des prix du baril de pétrole, celui-ci connaît une nette hausse depuis quelques semaines. A 72 dollars pour le baril de brut-léger américain (WTI), il est en augmentation de 50% depuis le début de l’année et retrouve des niveaux plus atteints depuis octobre 2018. Le Brent européen n’est pas en reste, retrouvant un niveau inédit depuis le printemps 2019. Comment expliquer ce regain ?
*Pourquoi le baril grimpe ?
Comme toujours avec le pétrole, le prix du baril est directement lié à l’équilibre entre production et consommation. Dans le sillage de l’effondrement des économies et des épisodes de confinement, la demande d’or noir avait significativement reculé dans le monde. Le redémarrage actuel produit l’effet inverse. Dans son dernier rapport sur le pétrole publié début juin, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) note ainsi qu’après « une baisse record de 8,6 millions de barils par jour (mb/j) en 2020, la demande mondiale de pétrole devrait rebondir de 5,4 mb/j en 2021 et de 3,1 mb/j supplémentaires l’année prochaine ». L’organisation juge également que la demande aura dépassé ses niveaux pré-Covid pour atteindre un plus haut historique fin 2022, avec 100,6 millions de barils/jours engloutis.
En face, la production des pays producteurs n’a pas retrouvé ses niveaux pré-pandémie, loin s’en faut. L’an dernier, les pays de l’OPEP « avaient volontairement amputé leur production pour soutenir les cours pendant la crise sanitaire. Réuni début juin, le cartel des pays producteurs n’a décidé d’ouvrir le robinet que très progressivement, inquiet de l’évolution de l’épidémie notamment en Inde. Du côté des Etats-Unis, la production de schiste repart, mais là encore assez lentement. Les oilmen américains pompent autour de 11 millions de barils par jour, contre 13 millions en février 2020 avant le début de la pandémie. D’où une tension haussière sur le baril.
*Un risque sur l’approvisionnement ?
Autre élément poussant les prix à la hausse, les marchés anticipent des difficultés à moyen terme sur la production d’or noir. Avec la crise sanitaire, l’investissement dans la production de pétrole et de gaz est passé de 540 milliards de dollars en 2019 à 380 milliards en 2020. Rystad estime que ce niveau d’investissement devrait être stable en 2021. Or comme le soulignait Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, dans une interview récente à l’Express : « il n’y a pas de secret dans notre industrie : si l’on ne met pas en production de nouveaux gisements, la production décline chaque année de 4 à 5%. Tôt ou tard, cela se paie. » Selon Rystad, ce déficit de production pourrait atteindre les 5 millions de barils par jour en 2025, éventualité de nature à faire encore grimper les prix.
L’Agence internationale de l’énergie se veut plus rassurante et indique que la satisfaction de la demande « ne devrait pas poser de problème » dans les prochaines années si les gouvernements prennent effectivement les mesures adéquates pour réduire le besoin. Ayant délibérément mis le pied sur le frein ces derniers mois, l’OPEP « dispose de « capacité de réserve effective de 6,9 mb/j » pour remettre un peu d’équilibre sur les marchés. Le pétrole iranien pourrait également donner un peu de souplesse. Actuellement soumis à un embargo, le baril de la république islamique (1,4 mb/j) pourrait retrouver les marchés mondiaux si Téhéran et les pays Occidentaux tombent d’accord sur le sujet du nucléaire.
Les stocks mondiaux de pétrole, s’ils sont redescendus après avoir atteint des records pendant la crise sanitaire, peuvent également jouer un rôle pour équilibrer les prix. Pour éviter toute tension, l’AIE juge néanmoins que l’OPEP doit dès maintenant « ouvrir les robinets pour maintenir un approvisionnement adéquat des marchés pétroliers mondiaux ».
*Le baril peut-il atteindre les 100 dollars ?
Sur le marché du pétrole, l’exercice de prédiction est toujours risqué. A fortiori dans la période actuelle, alors que l’économie mondiale est encore tributaire de l’évolution de la vaccination ainsi que de la situation sanitaire en Inde par exemple. Certains analystes agitent néanmoins le spectre d’un retour du baril de pétrole à 100 dollars, du jamais vu depuis 2014.
Dans une conférence récente organisée par le Financial Times sur le sujet des matières premières, les traders des plus grandes firmes de négoces de la planète (Vitol, Glencore…) ont indiqué que le retour du baril à ces niveaux de prix était envisageable. Les banques américaines comme Goldman Sachs ou Bank of America jugent également que ce seuil pourrait être atteint en 2022. Mais il n’y a pas de consensus autour de ce pronostic. L’agence américaine de l’énergie estime, elle, que le prix du pétrole retombera autour de 60 dollars à cette échéance.
(L’Express)

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