La 1ère session du Conseil supérieur tuniso-italien de partenariat stratégique, tenue à Tunis le 30 avril dernier, a tenu toutes ses promesses. L’événement phare de ce sommet fut le forum économique qu’a abrité l’UTICA. Outre la présence du chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte, accompagné par le ministre du Développement économique, Luigi Di Maio, du ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini, cette importante rencontre a enregistré la présence de plus d’une centaine de chefs d’entreprises italiens, dont plus de 60 venus spécialement de Rome pour discuter des potentialités qu’offrent les secteurs de l’énergie et des énergies renouvelables, de l’agroalimentaire et des infrastructures et constructions.
La présence de M.Carlo Maria Ferro, nouveau président de l’Agence italienne pour le Commerce Extérieur (ICE), a été remarquée et remarquable. En effet, l’ICE a été le co-organisateur du forum économique tuniso-italien à côté de la Confindustria, des ministères italiens du Développement économique et des Affaires étrangères. Pour Carlo Ferro, ce forum est un message clair et une opportunité pour établir de nouvelles formes de collaboration et sceller des partenariats qui s’inscrivent dans la durée et qui participent au renforcement des relations entre les opérateurs des deux pays. Interview
Q : Quel est le message qui se décline de l’organisation de ce forum économique tuniso-italien qui a mobilisé chefs d’entreprise et hommes politiques tunisiens et italiens ?
R : Tout d’abord, je dois mentionner la présence d’une forte délégation composée de pas moins de 108 d’hommes d’affaires, dont 60 sont venus directement d’Italie porteurs d’initiatives concrètes et de collaborations sérieuses.
Cette mobilisation constitue à mon sens un message de vision pour une collaboration dans le bassin méditerranéen dont l’ambition est de soutenir les bases d’un développement et d’une croissance en cohérence avec les nouvelles orientations de l’économie mondiale, que je peux qualifier d’économie circulaire et d’économie intelligente, ou smart economy. Cette démarche favorise la soutenabilité du développement et s’articule sur l’utilisation des nouvelles technologies basées sur le numérique. Je suis porteur d’une vision de coopération dans le bassin méditerranéen où les réseaux historiques et culturels des différents pays des deux rives seraient les leviers essentiels pour un développement et un partenariat effectifs.
Q : Que signifie pour vous la présence d’une centaine de chefs d’entreprise italiens à Tunis aujourd’hui ?
R : cette participation importante montre un grand respect pour l’expérience tunisienne et pour une coopération bilatérale traditionnelle qui remonte à plusieurs décennies qui englobe le commerce, l’industrie mécanique, mécatronique et manufacturière. C’est, également, un signal positif qui montre l’existence d’autres opportunités dans de nouveaux domaines d’activités qu’il faut investir et leur accorder l’attention qu’ils méritent
L’on assiste aussi à la montée du protectionnisme dans certains pays et à la multiplication des barrières tarifaires et non tarifaires. Dans cette situation, la croissance du commerce mondial doit bénéficier du renforcement des relations bilatérales entre les pays.
Q : comment expliquer le regain d’intérêt des italiens pour raffermir leur coopération et leur partenariat avec la Tunisie ?
R : La Tunisie bénéficie d’un intérêt et d’une place centrale en Italie, en témoigne le forum économique tuniso-italien qui s’inscrit dans une mission gouvernementale qui enregistre la participation de grandes personnalités politiques italiennes à commencer par le Président du conseil, des deux Vice-Premier ministres du Développement Economique et du Travail et celui des affaires internes et du ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale. Cette présence de qualité est un signal fort et une marque d’attention sur l’intérêt accordé par la diplomatie italienne, y compris la diplomatie économique visant le développement de la coopération et des relations de partenariat avec la Tunisie.
Q : Depuis 2017, l’Italie est devenue le premier fournisseur de la Tunisie devançant la France. Comment profiter de cette dynamique commerciale pour que le partenariat bilatéral gagne en consistance, diversification et en équilibre ?
R :Je dois préciser que les échanges commerciaux entre la Tunisie et l’Italie ont atteint la valeur de 6 milliards d’euros au cours de l’année écoulée, enregistrant une croissance de 10%, soit le double de la croissance enregistrée par le commerce mondial qui n’a évolué que de presque 5% en 2018.
Il existe de nombreuses opportunités d’exportation notamment dans les secteurs traditionnels non encore suffisamment exploités ainsi que dans d’autres domaines comme les énergies renouvelables, la construction, la transformation des produits alimentaires, la mécatronique. Ce dernier secteur revêt une importance considérable dans lequel nous entretenons une collaboration et des échanges importants avec la Tunisie. Enfin, un grand effort devrait être déployé en matière d’innovation à travers l’encouragement des jeunes notamment les start-ups.
Aujourd’hui, l’Italie est le deuxième marché pour l’export de la Tunisie. Mon désir est de voir ce classement passer à la première position au cours des prochaines années. Pour y parvenir, il faut bâtir ensemble des projets qui favorisent la croissance des exchanges commerciaux dans un esprit « gagnant-gagnant »
Cela est d’autant plus important qu’actuellement l’économie mondiale passe par une période où le bilatéralisme prend le pas au multilatéralisme, l’on assiste aussi à la montée du protectionnisme dans certains pays et à la multiplication des barrières tarifaires et non tarifaires. Dans cette situation, la croissance du commerce mondial doit bénéficier du renforcement les relations bilatérales entre les Pays.
Q : Quel partenariat possible que les chefs d’entreprise des deux pays peuvent promouvoir et quels secteurs prioritaires peuvent donner un coup d’accélérateur aux relations économiques entre les deux pays ?
R : je suis persuadé qu’il existe toujours une opportunité pour renforcer les points forts de la coopération bilatérale. Que ce soit dans les domaines de l’énergie, de l’agroalimentaire ou de la mécatronique, il existe encore une importante marge pour renforcer l’acquis. En même temps, une attention particulière devrait être accordée aux nouvelles technologies pour préparer l’avenir. Sur cet aspect particulier, j’ai un grand respect pour les compétences technologiques des ingénieurs tunisiens dont les apports sont significatifs notamment dans les différentes technopoles. J’étais parmi les Présidents d’une grande entreprise multinationale de la microélectronique qui depuis longtemps exploite, à la technopole d’El Ghazala, un centre de recherche où 150 ingénieurs font des choses très complexes. Hier (29 avril) lors des présentations aux entrepreneurs qui participent a ce business forum, comme le président de l’UTICA, M. Majoul, m’a dit que la Tunisie n’a pas de pétrole, j’ai affirmé que le pétrole de la Tunisie c’est avant tout l’intelligence de ses jeunes.
A ce propos, je dois mentionner que dans la stratégie d’ICE, la coopération avec les quatre technopoles tunisiennes de Borj Cédria, de Sousse, d’El Ghazala et de Bizerte, occupe une place de choix.
Je pense que la coopération dans le domaine de la transformation des produits alimentaires il existe des possibilités certaines de collaboration et d’échange avec les entreprises italiennes qui possèdent un grand savoir-faire qui peut être très profitable pour les entreprises tunisiennes
L’ICE considère que dans chaque secteur, il y a des success stories sur lesquelles il faut bâtir des coopérations. Dans le domaine des énergies renouvelables par exemple, l’Italie est créditée d’une bonne réussite.
Q : Quel rôle pourrait jouer l’ICE dans ce processus et notamment dans la promotion d’un partenariat dans les trois secteurs prioritaires retenus par le forum de Tunis ?
R : l’ICE considère que dans chaque secteur, il y a des success stories sur lesquelles il faut bâtir des coopérations. Dans le domaine des énergies renouvelables par exemple, l’Italie est créditée d’une bonne réussite. En 2018, la part des énergies renouvelables dans la production électrique s’est accrue de 50% et nous sommes certains que l’adoption de cette technologie permettra à la Tunisie d’atteindre en 2030 l’objectif ambitieux de 30% en termes de mix énergétique
Q : Depuis votre nomination à l’ICE en janvier dernier, quels sont les nouveaux chantiers que vous avez engagé pour donner une nouvelle impulsion à l’action de l’agence italienne pour le commerce extérieur ?
R : l’ICE assure deux missions essentielles. L’agence est, primo, un prestataire de services pour les entreprises. Elle est, ensuite, de par le rôle qui lui est dévolu, chargé de l’exécution de l’internationalisation commerciale publique et donc le facilitateur des opérations commerciales. L’ICE s’emploie actuellement à concrétiser cinq lignes stratégiques. Elles concernent respectivement la promotion de l’excellence du made in Italy, l’l’innovation, le développement d’une offre de filière sur les marches extérieures, le renforcement de l’usage du numérique (notamment de l’e-commerce, des Big Data, le Blockchain) et l’encouragement et la formation des jeunes et des start-ups. Un programme spécial vient d’être lancé au profit de 120 start-ups qui profiteront d’actions de formation et de soutien tous azimuts.
Propos recueillis par : Nejib Ouerghi