L’évaluation de la performance d’Habib Essid à la tête du gouvernement nous offre l’occasion de mesurer toute la pertinence du « Principe de Peter » selon lequel dans une hiérarchie, tout cadre a tendance à s’élever à son niveau d’incompétence. Laurence J.Peter démontre qu’il existe un seuil d’incompétence au-delà duquel un cadre est incapable d’assumer ses responsabilités. Dans le cas d’Habib Essid, le fameux seuil d’incompétence a été, à l’évidence, atteint lorsqu’il fut désigné ministre en 2011. Le porter à une fonction plus élevée a fourni une illustration du Principe de Peter. Reprocher au Président de la République, comme Habib Essid se complaît à le faire, de l’avoir poussé vers la sortie par le biais de son initiative sur le gouvernement d’unité nationale ne change rien à sa piètre performance au sommet de l’Exécutif. Il ne sert à rien de se répandre en jérémiades et en récriminations lorsque les résultats de son action sont si limités pour ne pas dire invisibles. On peut avoir été, durant toute sa carrière, un commis de l’Etat dévoué et honnête mais ne pas être en mesure d’assumer une charge aussi exigeante que celle de Chef de Gouvernement dans un pays en proie au « Démon Numide » et au défi terroriste. Grâce aux valeureux constituants qui nous ont pondu la pire des Constitutions, la Tunisie n’est plus qu’une pétaudière ingouvernable. Raison de plus pour ne pas confier l’Exécutif à une personne dépourvue d’autorité naturelle, hésitant et balbutiant, et pour lequel les règles de la communication moderne sont totalement inconnues. Dès ses premières apparitions médiatiques, Habib Essid s’est montré incapable d’expliquer sa stratégie ou de rassurer ses concitoyens. A peine audible, caché derrière ses lunettes, il n’a cessé de ressasser des idées vagues et des banalités qui, au au fil des mois, lui ont fait perdre la confiance des personnes les mieux disposées à son endroit et notamment le Président Caïd Essebsi. Je suis persuadé que ce dernier a été profondément déçu par l’incapacité d’Habib Essid de redresser la situation économique et d’apporter un peu d’espoir aux Tunisiens. Sur le plan économique, la chute vertigineuse du Dinar et l’accroissement de notre endettement international suffisent à qualifier la gestion gouvernementale. Au niveau du prestige de l’Etat et du respect de la loi, on plonge dans les abysses : les ministres sont insultés publiquement, l’Etat est mis en échec par les contrebandiers et la corruption règne en maître dans les administrations publiques. Du reste, j’ai tendance à penser qu’Habib Essid aurait dû démissionner lorsqu’une horde de policiers séditieux a investi la Kasbah et l’a insulté copieusement sans qu’il ne prenne contre eux aucune sanction digne de ce nom. Ce jour là, Habib Essid a administré la preuve définitive qu’il n’était pas à la hauteur de sa fonction et que son manque d’autorité était une menace pour le prestige de l’Etat. J’aurai la bonté de ne pas aborder le volet international où l’insignifiance de l’action d’Habib Essid et sa quasi-absence furent éclatantes. Et sur le plan sécuritaire, me diriez-vous, ne peut-on pas lui décerner quelques lauriers ? Si quelques progrès sont perceptibles, il ne faut pas se voiler la face : les deux attentats du Bardo et de Sousse sont le résultat de l’incurie et du laxisme de l’appareil sécuritaire dont Habib Essid, en qualité de Chef du gouvernement, est comptable.
Le bilan critique de la gestion d’Habib Essid n’a rien d’infamant pour lui et constitue un exercice indispensable pour ne pas renouveler les mêmes erreurs ; le choix du Chef du gouvernement ne doit plus répondre qu’aux seuls critères de l’expérience, de la compétence et de l’autorité. Dans l’état où se trouve le pays, une nouvelle erreur de casting aurait des conséquences funestes pour son avenir.