Le remède au déficit d’Etat

Malgré le caractère exceptionnel du contexte que traverse le pays, qui fait face à une menace terroriste sans précédent, à des luttes politiques fratricides et interminables, à une crise économique systémique et à une tension sociale permanente, rien ne peut justifier la démission, ou plutôt l’incapacité de l’Etat à assumer ses missions essentielles. Le président de la République, l’a reconnu le 20 mars dernier, en affirmant, sans fioritures, que le pays souffre bel et bien d’un déficit d’Etat. A l’évidence, loin de vouloir enfoncer le clou, Béji Caid Essebsi ne fait qu’ établir un constat, il est vrai amer et connu par tout le monde, du délabrement de la marche des institutions publiques, du dysfonctionnement continu du secteur productif et de l’aggravation des problèmes sociaux et régionaux.

Il faut le reconnaître, la défiance à l’égard de l’Etat est devenue, au fil du temps, un sport national qui se manifeste particulièrement par la résistance aux réformes, la difficulté d’appliquer la loi dans toute sa rigueur, la grande cacophonie qui marque la vie économique et sociale et l’attentisme dont fait preuve le gouvernement dans son approche du règlement des problèmes qui se posent. S’il faut avouer le caractère ardu et complexe du dossier sécuritaire et économique et parfois explosif de la situation sociale, il ne reste pas moins que l’attitude passive des pouvoirs publics, loin d’apporter des solutions ou d’apaiser les tensions,  n’a  fait qu’empirer la situation en enfonçant le pays, chaque jour un peu plus, dans une crise structurelle dont il est difficile de prévoir les conséquences et les moyens d’y remédier.

A ce niveau, peut-on donner un crédit à la déclaration solennelle du porte-parole de la présidence du gouvernement qui a annoncé, sans détours, à l’issue du dernier conseil des ministres, la détermination inébranlable du gouvernement de sévir contre tous ceux qui ne respectent pas la loi ou daignent paralyser la marche normale des entreprises ?

Loin de toute surenchère, l’on peut dire que cette annonce est trop tardive et risque d’être improductive. En lieu et place de se contenter de simples déclarations d’intention, il aurait fallu agir, ne pas trembloter dans l’application de la loi tout en diffusant des messages qui permettent aux jeunes dans l’expectative et aux régions intérieures dans le brouillard, de reprendre espoir et de voir un peu plus clair.

il est tout à fait loisible d’énumérer les cas qui ont prouvé l’incapacité des pouvoirs publics à trouver des solutions, voire à imposer le respect des règles de droit et à donner le juste ton qui permet de mieux apprécier la direction choisie délibérément pour sortir le pays du cercle vicieux dont il est prisonnier depuis maintenant cinq ans.

Concrètement, quel est l’impact réel de cette déclaration importante qu’on a désespérément attendu  pour la reprise normale de l’activité d’extraction et de production dans la compagnie des phosphates de Gafsa ? Il en est de même pour l’entreprise pétrolière Petrofac, où quelques dizaines de personnes paralysent depuis plus de deux mois toute activité, hypothéquant l’avenir même de l’entreprise et des emplois qu’elle assure. Il est encore difficile de préjuger, mais on a hâte de voir la parole suivie d’action et de mesures qui, sans porter atteinte aux droits et libertés, susceptibles de redonner à l’Etat son prestige perdu et consacrer dans la pratique la primauté de la loi sur toute autre chose.

Si aujourd’hui, la confiance des entrepreneurs est entamée, l’investissement ne décolle pas, l’économie tunisienne vit sous perfusion et les revendications salariales ne faiblissent pas, c’est parce que l’indécision a dominé, l’absence de vision a prévalu et la communication officielle a été souvent aux abonnés absents.

Face à tous ces défis, auxquels il faut ajouter la non moins grave menace terroriste, il aurait fallu tenir un langage de la vérité pour susciter la compréhension et l’adhésion des Tunisiens, établir une feuille de route claire, engager des réformes courageuses et ne pas montrer des signes de faiblesse ou d’hésitation.

C’est par ce moyen, et ce moyen seul, qu’il sera possible de restaurer le prestige de l’Etat, de réhabiliter la valeur du travail et de l’effort et de renforcer la confiance des Tunisiens en l’avenir.

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