Le ressentiment

Quatorze ans après la répression de la contestation par Hafez al Assad, à Hama, Hassan Abdelghani, chef de Hayet Tahrir Acham, s’empare de Damas d’où Bachar part. Le ressentiment éprouvé par les contestataires et emmagasiné durant une quizaine d’années resurgit et reconfigure la Syrie. Fridrich Nietzsche, pour qui la volonté de puissance mène l’homme et surplombe la recherche de la vérité, résume cette vision de l’histoire par le mot « ressentiment ».
L’éprouvé outrepasse le profil des meneurs et le contenu de leur orientation coutumière, autrement dit traditionnaliste ou moderniste. La Syrie, multiconfessionnelle avec les Assad laïcistes affronte ce processus du ressentiment chapeauté par Abdelghani qui mobilise l’élan insurrectionnel sur fond d’activisme impulsé par le jihadisme.
Pour cette raison, le ton de l’analyse, adopté par l’investigation, prémunit contre les prises de position éthique et politique. Bachar fut pour l’État civil et Hassan Abdelghani a longtemps suivi la piste islamiste avant de proclamer sa conversion à la modération quasi moderniste.
Par-delà ses choix, le second parvint à chasser le premier. Lorsque Bourguiba dirigea le combat, monté à l’assaut de la colonisation, il capta le ressentiment éprouvé par la société contre l’occupation.
Bourguiba incarna le Combattant Suprême parce qu’il éprouvait le même ressentiment senti par la Tunisie.
Bourguiba et la Tunisie, Jamal Abdennasser et l’Egypte, Sékou Touré et la Guinée, Mohammed V et le Maroc, Farhat Abbès et l’Algérie, Ho Chi Minh et le Viet Nam forment des couples indissociables où l’un sans l’autre demeure impensable. Entre dirigeants et dirigés palestiniens, Netanyahu tâche, en vain, d’élever un mur épais. Le 11 mars 2019, le Méphistophélès écrit : « Le transfert d’argent fait partie de la volonté de diviser les Palestiniens entre Gaza et la Cisjordanie. Quiconque s’oppose à la création d’un État palestinien doit soutenir le transfert de l’argent du Qatar au Hamas. De cette manière, nous empêcherons la création d’un Etat palestinien ». Ce propos lucide et sordide est paru au Jérusalem Post du 12 mars 2019.
Avec l’irruption de Hayet Tahri Acham, les calculs prévisionnels grimpent sur une assise où les devins chancellent. Car Acham comprend Israël et le cerbère de Tel Aviv précipite, au Golan, des soldats supplémentaires.
Le père de Hassan Abdelghani fut éjecté du Golan par les sinistres occupants. Nimbé de ressentiment, le fils poussera-t-il son offensive jusqu’à Tel Aviv ? Cependant, Hassan Abdelghani rassure Israël et les Etats-Unis. Les mots dits pactisent bien souvent avec l’expression « autant en emporte le vent ». Une fois au Parlement, Ghannouchi préfère la femme « complémentaire » mais il prenait bien soin de se taire avant d’avoir le pouvoir. A la croisée des chemins, le nouveau maître de la Syrie regarde Tel Aviv et le Kremlin. La Turquie le soutient et les Européens, aujourd’hui, ne font plus rien, même si Macron crie à la barbarie.
Les médias occidentaux applaudissent la « déliquescence » où sombre l’axe de la résistance et ne savent plus comment apprécier l’énigme d’un jihadiste aux promesses pacifistes.
La méfiance israélienne et l’expectative européenne gravitent autour de la fulgurance jihadiste avec laquelle tombe l’armée syrienne.
Aujourd’hui, parmi les innombrables prisonniers libérés par Abdelghani figurent les Tunisiens expédiés par Ennahdha pour combattre le régime de Bachar au temps où Marzouki rompait les relations diplomatiques avec la Syrie.

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