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La présence grandissante de la souche B.1.617.2 inquiète. Plus contagieuse que la souche « britannique », et échappant partiellement à la vaccination, elle pourrait retarder la levée des restrictions dans le pays.
Le variant « indien » va-t-il faire déraper la prudente stratégie de déconfinement britannique? Depuis plusieurs semaines, l’Angleterre s’inquiète de la recrudescence des nouveaux cas de Covid-19, et surtout de la présence grandissante du variant B.1.617.2, une variation de la souche découverte en Inde et qui s’est propagé dans des dizaines de pays. Alors que le nombre de cas se limitait à quelques milliers entre le 12 et le 19 mais, sa présence au Royaume-Uni s’est encore accentuée ces derniers jours. La semaine dernière près de 7000 cas avaient été répertoriés. Invité de la BBC, le professeur Ravi Gupta, membre du groupe consultatif sur les menaces de virus respiratoires nouvelles et émergentes (Nervtag), n’hésitait pas, lundi, à qualifier sa croissance « d’exponentielle ».
« Bien sûr, le nombre de cas est relativement faible pour le moment, mais toutes les vagues commencent par un faible nombre qui circulent de façon silencieuse puis explosent. Ce que nous voyons ici présente tous les signes d’une vague précoce », ajoutait-il. Jusqu’au 9 mai la souche dominante découverte dans les nouveaux tests positifs restait le variant B.1.117 (le « Britannique »), mais la tendance s’est inversée au point que « l’indien » est aujourd’hui majoritaire.
Ce variant B.1.617.2 est l’une des trois versions (B.1.617.1, B.1.617.2 et B.1.617.3), du variant « Indien ». C’est aussi celle qui a connu une progression spectaculaire depuis début avril jusqu’à devenir actuellement le variant très majoritaire en Inde, rappelle le Conseil scientifique français dans son dernier avis. « C’est donc bien le variant B.1.617.2 qui est devenu le variant largement majoritaire en Inde, ayant dominé le variant britannique et les autres sous-types de variants dits « indiens » dans un contexte de circulation virale très élevée », souligne le Conseil. Selon les chiffres de l’agence de santé britannique, le 16 mai, celui-ci représentait plus de 58% des nouvelles contaminations séquencées dans le pays.
*Jusqu’à 50% plus transmissibles
Si cette version du virus a d’abord été détectée chez des personnes revenant de voyages internationaux, et notamment d’Inde, des cas de contamination communautaires se sont accélérés ces derniers jours. Dans certaines zones densément peuplées, où l’on trouve de nombreux foyers multigénérationnels les premiers cas, importés, ont rapidement fait exploser la circulation du virus du virus. Ainsi dans le nord-ouest de l’Angleterre, à proximité de Manchester, la ville de Bolton a connu une très forte hausse du nombre de cas, surtout dans les populations jeunes, et faiblement vaccinées. « A Bolton, les cas ont d’abord augmenté chez les adolescents, en lien avec des foyers dans les écoles », note le Conseil scientifique. Des clusters ont également été découverts à Londres. Dans ces régions, les autorités ont dépêché des troupes militaires pour accélérer la vaccination.
Pourquoi est-il inquiétant ? D’une part, le variant B.1.617.2 semble être plus contagieux, ce qui explique notamment qu’il ait pris le pas sur la souche du Kent, celle qualifiée de variant britannique. Si les données sur sa contagiosité doivent encore être consolidées, dans son avis le conseil scientifique estime que le variant B.1.617.2 pourrait être jusqu’à 50% plus transmissible que le variant britannique.
Mais ce n’est pas tout. Dans une étude publiée le 27 mai sur le site de prépublication bioRxiv, les chercheurs de l’Institut Pasteur (Paris) ont montré que ce virus serait moins sensible aux anticorps neutralisants développés par des patients Covid-19 convalescents ou produits après vaccination. Les chercheurs (l’équipe de Delphine Planas et Olivier Schwartz) ont notamment montré que chez les personnes vaccinées avec le produit de Pfizer, la quantité des anticorps neutralisant produit lors d’une infection au B.1.617.2 était 16 fois inférieure par rapport à ceux neutralisants le variant britannique B.1.1.7 et 3 fois inférieur par rapport à ceux neutralisants contre le variant sud-africain B.1.351.
*Très faible efficacité de la vaccination à une seule dose
Le Royaume-Uni serre les dents, car si une bonne partie (près de 60%) de sa population a reçu au moins une dose de vaccin, c’est avec le sérum d’AstraZeneca. Or ainsi que le relève le Conseil scientifique dans son avis, « les premières données en vie réelle disponibles au Royaume-Uni suggèrent une efficacité vaccinale conservée contre l’ensemble des formes cliniques de l’infection par le B.1.617.2 après deux doses d’Astra-Zeneca (60%) et de Pfizer (88%), mais pas après une dose (33% pour chacun des vaccins) ». Pour les Britanniques, il s’agit donc désormais d’accélérer la campagne de vaccination de la seconde dose.
Le gouvernement britannique se montre prudent sur la levée des restrictions restantes, qui devait intervenir le 21 juin, et refusait ces derniers jours d’exclure totalement la possibilité d’une poursuite de certaines mesures comme le maintien du télétravail. Le Premier ministre, Boris Johnson, a dû concéder que l’objectif de réouverture pourrait être modifié, assurant « attendre d’avoir plus de données » pour prendre une décision.
(L’Espress)