Le système vire au rouge

 

Les ruptures d’alimentation en courant électrique des mois de juillet et août ont révélé au grand jour les fragilités et les dysfonctionnements de notre système de distribution d’eau potable dans plusieurs gouvernorats tels le Cap Bon, Sousse, Mahdia et Sfax. Ainsi, l’alimentation régulière en eau potable de plusieurs millions d’habitants est tributaire d’une moto-pompe qui n’est même pas équipée d’un groupe électrogène pour garantir son fonctionnement en cas de panne électrique. Cela prouve que nos infrastructures souffrent de grandes lacunes techniques qu’il convient de combler d’urgence faute de quoi nous risquons de subir de graves répercussions économiques et sociales.

 

Parmi les paradoxes de notre pays figure en bonne place celui de l’eau : elle est surtout disponible dans le Nord-Ouest alors que les besoins existent sur tout le territoire notamment dans les villes situées sur la côte Est : Bizerte, Tunis, Cap Bon, Sousse, Mahdia, Sfax, Gabès.

Ainsi, la plupart des barrages-réservoirs sont implantés au Nord-Ouest à partir desquels partent des canalisations pour acheminer l’eau vers les villes de la côte Est.

La mobilisation des eaux de surface qui dépasse 90% se fait grâce à de grands barrages, elle est complétée par des sondages profonds qui permettent de puiser l’eau dans la nappe aquifère grâce à des motopompes mais les débats demeurent limités alors que les investissements nécessaires sont élevés.

Ainsi, le canal Medjerda-Cap Bon permet le transfert des eaux vers les vergers d’agrumes du Cap Bon. La station de pompage de Karkar favorise l’alimentation de Sfax en eau potable, elle est dotée d’un réservoir pour réguler l’approvisionnement.

L’été, en raison de la chaleur, est une période de forte consommation d’eau surtout que l’hôtellerie est un secteur gourmand avec les piscines, les douches et l’arrosage des jardins.

La difficulté réside dans la concordance avec les pointes de consommation d’énergie électrique à cause de la climatisation. Il suffit d’une panne électrique pour que tout le système d’alimentation en eau du Sahel et de la région de Sfax s’effondre et soit mis hors d’activité. Ce qui est arrivé au mois de juillet puis en août 2012.

 

Infractions tolérées et infrastructures dépassées

La croissance démographique et l’extension urbaine jumelées avec le développement touristique et industriel font que la consommation d’eau est en train d’augmenter de façon sensible. Or le ministre de l’Agriculture après enquête vient de révéler que Sfax est alimentée par la station de pompage de Karkar avec un débit de 1200L/seconde. Cela semble à la fois fragile et dérisoire. Il en est de même pour la canalisation qui amène l’eau et dont le débit ne dépasse pas 300L/seconde.

M. Mohamed Ben Salem a révélé également que 80.000 particuliers ont été recensés comme ayant procédé à des connexions anarchiques et illégales pour puiser gratuitement sur le réseau SONEDE, de l’eau potable qui sert à irriguer des terres agricoles au détriment de l’alimentation en eau de la population. Des sanctions sévères doivent être prises contre les voleurs d’eau. Cette impunité perturbe le système de distribution, fausse les prévisions de consommation et accentue le déséquilibre financier de la SONEDE. Un projet de loi pour criminaliser ces délits est prévu.

Lorsque les canalisations ont été mises en place, le dimensionnement n’a pas été fait en fonction des prévisions de progression future de la consommation (prospective), on a lésiné sur l’investissement devenu au bout de 10 ou 20 ans obsolète. D’où l’impasse actuelle qui implique des investissements lourds pour remédier à la situation.

 

Des solutions à court et à moyen termes

Après avoir procédé à un diagnostic de la situation, techniciens et responsables de la SONEDE ont mis au point un plan pour combler les lacunes du système de distribution d’eau actuel afin d’éviter à l’avenir les graves dysfonctionnements de cet été en matière de distribution d’eau potable.

Le système proposé par le ministre de l’Agriculture représente un investissement de 52MD, il est réalisable sur deux ans : 2013 et 2014.

Il consiste à doubler la canalisation actuelle qui amène l’eau vers Sfax avant la station de Karkar longue de 12 km avec un débit supplémentaire de 300L/seconde pour porter le débit à 1500L/S, ce qui implique un délai de 9 mois. En effet, il s’agit de travaux lourds d’infrastructure avec un délai pour la fabrication des canalisations, la pose et le raccordement. La capacité de production des deux usines existentes est de 3km/mois auxquels il faut ajouter les délais nécessaires pour la pose et le raccordement. Le coût est évalué à 12MD.

Acquisition et installation de deux motopompes à Karkar avec une capacité de 500L/S : une opérationnelle de suite et l’autre de secours, coût : 1,5MD.

Une station d’épuration des eaux doit être installée sur le barrage de l’oued Nebhana dans le Gouvernorat de Kairouan pour l’utilisation des eaux à titre de secours en période de pointe, capacité : 200L/S.

Montant de l’investissement : 4MD. Six sondages profonds équipés de motopompes sont nécessaires dans le gouvernorat de Sfax avec les raccordements au réseau de distribution, pour faire face aux besoins de consommation de la population à titre complémentaire pour un montant de travaux évalué à 5,5MD.

Pour le Gouvernorat de Sid Bouzid 4 sondages profonds (débit 90L/S)  doivent être réalisés afin d’assurer l’approvisionnement de la population dans des conditions correctes. Montant des travaux : 2,4MD. Pour 2014 : un barrage-réservoir est prévu à Kalaa avec une capacité de stockage de 26 millions de m3, une deuxième motopompe doit être installée à la station de pompage de Karkar avec un débit de 300L/seconde. La capacité totale doit être portée à 2,4m3/s

Par ailleurs, les 6 barrages en cours de construction sur plusieurs cours d’eau et qui ont connu plusieurs périodes de blocage dans l’avancement des travaux depuis le 14 Janvier 2011 suite aux sit-in des populations avoisinantes, doivent connaître une accélération de leur rythme de travail par l’application de la loi afin de renforcer le dispositif de mobilisation des eaux et de garantir un approvisionnement régulier des populations dans toutes les régions du pays.

 

La SONEDE face à de multiples défis

Il est évident que plusieurs mesures et actions cohérentes doivent être entreprises pour veiller sur la maintenance optimale des installations et des équipements de la SONEDE qui ont vieilli, usés par le temps et dépassées par l’augmentation de la consommation. Parmi les mesures à prendre figurent en bonne place le renouvellement des compteurs d’eau au rythme de 180.000 par an. Avec le retard pris en 2011 et 2012 350.000 compteurs sont à remplacer en 2013. Coût : 16MD. Avec le déficit de la SONEDE c’est l’Etat qui doit financer cet équipement. Les experts évaluent les fuites d’eau dans le réseau de la SONEDE entre 20% et 30%, ce qui est beaucoup pour un pays soumis au stress hydraulique. La culture de la rationalisation de l’usage de l’eau doit être enracinée dans la population par une sensibilisation permanente avec plusieurs mesures dissuasives.

Ridha Lahmar

Related posts

Sarra Zaafrani Zenzri insiste sur l’implication des banques dans la relance économique

Lancement officiel de la plateforme “Eco Tous”

La Banque centrale égyptienne baisse ses taux directeurs pour la première fois depuis 2020