Au zoo « Bengal Safari » de l’Inde, la séduisante lionne, si désirable et Akbar, lion avide, insatiable filent un amour intarissable. Sans cesse inassouvi, ce couple, heureux, met à profit chaque moment de la vie. Elle est si courte et pas une seconde n’est à négliger sur la route. Il suffit de bien manger, bien dormir, marcher et ne jamais fumer. Hélas, l’homme, défini par son incommensurable idiotie, n’a rien compris. Comment Akbar, nom d’un empereur moghol musulman, peut-il ainsi, passer du bon temps, impunément, avec Sita déesse hindoue apte à surexciter les jaloux. La colère de maints indiens contraint l’autorité à radier le forestier coupable d’avoir nommé ces deux lions si liés. « C’est un blasphème » capital, juge un responsable du « Conseil hindou mondial ». Une guerre de religion oppose hindous et musulmans. Cependant la Tunisie congédia, elle aussi, le taureau peu croyant. Le Commissaire au CRDA de Bizerte m’indiqua, jadis, la piste à suivre pour découvrir de quoi rire et réfléchir.
Un taureau, beau mâle reproducteur fut délivré à l’un des agriculteurs pour féconder ses vaches et celles de ses voisins rapprochés. Trois jours après, il ramène l’animal mal aimé. Au CRDA, l’enquête est décidée pour élucider ce rejet impensé.
Le chercheur demande à l’agriculteur désintéressé par le recours à l’animal reproducteur :
–« Regarde sa taille. N’est-il pas meilleur pour la production de viande ? »
-« Oui, il est meilleur. »
-« N’est-il pas meilleur pour la production de lait ? »
-« Oui, il est meilleur. »
-« Alors pourquoi le refuser ? »
-« Réunis sous l’arbre, les sages estiment la descendance de ce taureau étranger inapte au sacrifie de l’Aïd ».
Ce mélange des genres humain et animalier cligne vers l’observation afférente à l’unité du vivant. Supputer une cloison étanche entre la plante, l’homme et l’animal engage l’investigation sur un terrain glissant. Au plan inconscient, l’étranger ne saurait convoler en justes noces ni avec nos vaches, ni avec nos femmes, diraient les paysans interviewés.
Le même amalgame inspire le bestiaire d’Apollinaire. Le poème titré « Le Serpent » surprend : « Tu t’acharnes sur la beauté / Et quelles femmes ont été / Victimes de ta cruauté ! /Eve, Eurydice, Cléopâtre, / J’en connais encore trois ou quatre ».
Pour « Le poulpe », Apollinaire écrit ces vers : « Jetant son encre vers les cieux /Suçant le sang de ce qu’il aime / Et le trouvant délicieux / Ce monstre inhumain, c’est moi-même ».
Il ne s’agit pas là de métaphores imaginées par un esprit retors. Mis à part son langage, l’homme donne à voir l’animal sauvage. La cruauté israélienne infligée à la population palestinienne outrepasse la férocité observée chez l’animalité. L’hyène dévore les cadavres putréfiés pour assouvir son besoin de manger.
L’armée d’occupation jonche le sol de cadavres abandonnés pour dégager la terre à usurper.
Par l’entremise de l’intentionnalité colonialiste, les assassins arpentent la piste et laissent, derrière eux, leur trace immonde et sinistre.
A juste titre accusés par une large part de l’humanité, les néo-nazis américano-israéliens marchent main dans la main. Ces croque-morts parlent de guerre et labourent un cimetière. Yang Yi dénonce la civilisation de la honte, mais Biden et Netanyahu n’ont cure de l’éthique et continuent à bombarder sans foi, ni loi. Le 6 mars, avec un nouveau bateau canardé, le Yémen indique l’unique réplique appropriée à l’impérialisme de plus en plus déboussolé.
Pendant ce temps sanglant, l’Inde contemple ses lions et la Tunisie mène le taureau en bateau. Par-delà une ample distanciation, opère la même problématisation. L’attribution à l’animal de caractéristiques anthropologiques unit tous les pays. Ainsi, l’animal de compagnie soigne la solitude infligée au malade étalé sur le dernier lit. A la fin de la vie, la bête et la bête humaine logent à la même enseigne. Les deux perdent la vue, l’odorat, le goût et le toucher avant l’ouïe. Rien ne distingue le médecin et le médecin vétérinaire sur ce point tout proche du cimetière. Doris Lund écrit : «Mary Lou entra et s’approcha vivement. Elle me murmura à l’oreille :
-« Parlez-lui ! je viens de me rappeler que l’ouïe est le dernier sens qui se perd. Dites-lui quelque chose, vite. Elle sortit.
Maintenant, c’est maintenant qu’il doit partir. Je posai ma main sur son épaule et je me penchai sur son oreille, délicat microphone, attendant un dernier message. Que pouvais-je lui donner à emporter pour le dernier voyage ?
-Je t’aime, dis-je. Je suis ici avec toi, Eric, et tu es presque là. »
Taureau mécréant, lion musulman ou homme fanfaron crèvent de la même façon, après l’ultime tourment de l’ennui omniprésent. « Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat / Hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère », écrit Baudelaire. Sans Sita, Akbar mourrait d’ennui et les sages de Bizerte ne sauraient quoi faire sans leur xénophobie.
En dernière analyse, le désir excelle dans l’art de nous divertir avec ou sans Akbar et Allahou Akbar. Actualisé, Pascal, génial penseur du fameux « divertissement », réplique aux provocateurs donnés à voir pour des médiateurs. Plongée au tréfonds d’un beau caniveau, M6 applaudit l’alliance fourbie entre le terrorisme islamiste et les obtus autoproclamés « Front du Salut ».
Au nom des grands sentiments.