Au moment où les tractations pour la formation d’un gouvernement et la réalisation de la meilleure combinaison possible qui lui permet d’obtenir la confiance des nouveaux élus, sont en train d’atteindre leur dernier virage, et où les rumeurs qu’’Ennahdha trouve un malin plaisir d’entretenir en multipliant les fake news à l’effet de brouiller toutes les cartes et tâter le pouls des partis politiques en course pour une éventuelle coalition, foisonnent, le Conseil d’analyses économiques a réussi à nous sortir de cette bulle pour nous rappeler à une triste réalité et nous alerter sur la gravité des défis qui nous attendent.
Il a eu le mérite, en cette période de forte agitation, de nous éclairer sur le bilan calamiteux que le pays a réalisé depuis 2011 et nous présenter surtout, les voies de sortie possibles d’un désastre annoncé. Toutes les questions brûlantes qui fâchent, dont on a préféré, jusqu’ici, éluder les problématiques essentielles qui auraient dû susciter un profond débat public, polariser l’attention et mobiliser la classe politique pour leur chercher des solutions, s’agissant de la relance de la croissance, de l’investissement, de l’emploi, de l’efficacité des services publics, de la restauration de la confiance et de la définition d’une vision d’avenir, que nos politiques ont cherché à esquiver, se trouvent brusquement mises sur la table. N’ayant ni vision, ni arguments et encore moins le pouvoir de conviction, nos politiques ont cédé le terrain aux experts et à certaines institutions qui ont cru bon choisir le juste timing pour mettre ceux qui vont présider aux destinées de la Tunisie devant leurs responsabilités.
Le diagnostic contenu dans le pacte de la compétitivité économique et de l’équité sociale fait un constat sans appel et les solutions proposées constituent une plateforme pour inscrire le pays dans une nouvelle dynamique vertueuse. Manifestement, au terme de huit ans de gestion parfois chaotique des affaires du pays, par une succession de gouvernements d’amateurs, le pays s’est enfoncé, lentement mais sûrement, dans une crise structurelle dont les effets pervers n’échappent aujourd’hui à personne. Chômage endémique, croissance molle, perte de compétitivité et de parts de marché sur l’Europe, baisse de l’investissement, endettement public record et grave détérioration du climat des affaires, constituent les ingrédients d’une gouvernance calamiteuse du pays.
En attendant un improbable gouvernement et un invraisemblable consensus, le navire tunisien ne fait que s’enfoncer, chaque jour un peu plus, par l’indécision qui règne, la paralysie de l’appareil administratif, l’inaction et l’absence d’une vision claire.
L’apport principal du pacte, présenté par le Conseil d’analyses économiques, réside dans le timing choisi et le souci d’orienter le débat public vers les dossiers essentiels, ceux qui déterminent l’avenir du pays. Comment remettre l’économie du pays en état de marche, restaurer la confiance, trouver des compromis pour sortir du cercle vicieux et ne pas abandonner le pays à son triste sort ? Ce sont ces thématiques qui interpellent et mettent en évidence le déphasage qui existe entre une classe politique dont la seule ambition consiste à s’emparer du pouvoir et une situation complexe qui ne pourrait souffrir, outre mesure, d’hésitation ou d’attentisme.
Dans le contexte actuel, la Tunisie a, plus que jamais, besoin d’un véritable électrochoc pour qu’on prenne conscience de l’ampleur des défis, des enjeux d’un environnement national, régional et international plein d’incertitudes. Cependant, on continue de patauger dans tout ce qui est infiniment superflu, le temps joue contre le pays, qui a perdu toute marge de manœuvre et qui n’aura de chance de s’en sortir que par une mobilisation instantanée, tous azimuts, et un engagement sans équivoque de ceux qui vont le diriger au cours de la prochaine étape, pour la mettre sur la bonne orbite. Le bout du tunnel, tout le monde en est conscient, ne pourrait être atteint par les discours populistes, les promesses vagues, encore moins, par la fuite en avant. Il exige un changement de cap, une rupture nette avec une gouvernance approximative des affaires du pays et une propension à l’action pour éviter que les remèdes ne perdent toute leur efficacité devant un corps gangréné par la maladie.
A l’évidence, le contexte actuel exige du futur gouvernement, dont la formation fait l’objet de douloureuses contractions, courage, compétence et capacité de conduire le pays sur les sentiers de la création des richesses et de l’innovation et de bannir l’hésitation, l’indécision et la politique de saupoudrage. Nos faiblesses ont profité jusqu’ici à nos concurrents et nos incohérences n’ont fait qu’exacerber les tensions, accroître nos difficultés, les souffrances des régions et la désillusion des jeunes. Il faut espérer que ceux qui se sont livrés à une guerre larvée pour prendre les commandes du pays arrivent à enfanter une équipe apte et un projet en phase avec les ambitions des Tunisiens et leurs attentes les plus légitimes.