Dans cette entrevue, nous rencontrons Borhene Dhaouadi, un architecte et urbaniste franco-tunisien qui se positionne comme un acteur dans le domaine de l’innovation urbaine en Tunisie avec le programme Tunisian Smart Cities. À travers le Projet Terminal RO-PAX Bizerte Sud – Zarzouna, il met en œuvre la transformation d’une friche portuaire en Périmètre Smart & Resilient City.
C’est à travers ce type des projet urbain associé à des locomotives économiques qu’il souhaite lancer une dynamique de transformation des villes tunisiennes à travers des projets d’aménagements intelligents et durables. Borhene Dhaouadi, dont la présence à la tête de l’Association Tunisian Smart Cities et à la Direction Méditerranée de Setec International est essentielle, partage ses défis, ses stratégies novatrices et l’impact social du projet, établissant ainsi une nouvelle référence dans l’urbanisme contemporain. Découvrez comment le Terminal RO-PAX Bizerte Sud – Zarzouna trace la voie vers un avenir urbain meilleur dans la délégation de Zarzouna – Commune de Bizerte .
Pouvez-vous nous en dire plus sur le projet de terminal portuaire RO-PAX et le cheminement qui a conduit à son lancement ?
Nous avons entrepris 3 caravanes et collaboré avec les 24 gouvernorats du pays pour comprendre leurs besoins. À la base, il s’agissait d’un travail associatif avec des partenaires qui nous ont accompagnés. Ils nous ont permis d’identifier une série de projets en Tunisie qui sont éligibles à la réglementation tunisienne. Parmi eux, plusieurs sont de type Partenariats Public-Privé (PPP). C’est là que la nouveauté réglementaire avec l’Instance Générale des PPP (IGPPP) a joué un rôle essentiel : une offre spontanée, qui n’engage pas financièrement l’État, peut être signée de gré à gré, quel que soit le projet.
Nous nous sommes ainsi engagés avec nos partenaires qui ont investi du temps et de l’argent pour produire cette offre spontanée. Pour pouvoir déposer une offre spontanée en vertu de la réglementation tunisienne sur les PPP, il faut produire quatre supports : une étude économique, sociale, environnementale, technique et financière. Les autorités prennent ensuite 90 jours pour nous délivrer une réponse. Nous sommes passés par toutes ces étapes et avons obtenu l’accord de principe, ce qui nous a permis de concrétiser la première partie du projet.
Borhene Dhaouadi
Une fois cela fait, nous avons entrepris une tournée institutionnelle internationale, en rencontrant des transporteurs maritimes, des institutions financières internationales, des aménageurs internationaux et des opérateurs internationaux du transport maritime. Nous sommes allés aux États-Unis, en Chine, en France, en Espagne et au Royaume-Uni. Nous avons organisé des sessions d’information sur place pour leur montrer le site du terminal portuaire. Ils ont visité tout le site. Et maintenant, nous leur avons donné jusqu’à fin septembre pour qu’ils se prononcent sur ce projet.
Grâce à la nouvelle législation sur l’offre spontanée, nous, en tant qu’acteurs privés, pouvons œuvrer pour ce genre de projets. Nous avons réellement réalisé un travail institutionnel en utilisant les supports disponibles pour organiser ces sessions d’information. Nous sommes toujours en phase de test, et d’ici fin septembre, nous constituerons le groupement final qui soumettra l’offre définitive à l’État. Après avoir obtenu l’accord de principe, nous devons produire l’offre finale. L’État se prononcera sur la réponse finale vers la fin de 2024.
Quels sont les principaux obstacles que vous rencontrez dans le processus de lancement de ce projet ?
Les freins sont multiples. Tout d’abord, la nouvelle législation doit être comprise comme une solution d’accompagnement de l’État pour la réalisation de projets importants et urgents pour la population. Les partenariats public-privé (PPP) ne doivent en aucun cas se substituer aux investissements publics, mais servir à accélérer les projets.
Ensuite, il est essentiel de valoriser les biens et le foncier de l’État, notamment les friches portuaires qui peuvent être transformées en ports exploités par des promoteurs privés, mais pour une durée limitée à 50 ans.
Un autre défi concerne la formation des parties prenantes impliquées dans les PPP. Chaque partie concédante doit être formée avec des équipes internes, accompagnées par des équipes externes pour le montage, le lancement, la programmation et l’instruction des dossiers PPP. L’État a pour rôle de structurer et de préparer des catalogues et des pipelines de projets PPP dans des secteurs clés tels que le transport et la santé, en distinguant ceux qui engagent financièrement l’État de ceux qui n’engagent pas ses finances. L’objectif est d’atteindre dans chaque région quatre projets PPP qui n’engagent pas l’État financièrement, dont un grand, un moyen et deux petits projets qui pourront être financés par des investisseurs locaux, nationaux, voire étrangers.
Pour le nouveau projet, avez-vous obtenu des investissements extérieurs ou envisagez-vous des partenariats public-privé pour le soutenir financièrement ?
Le projet du terminal RO-PAX est entièrement financé par le secteur privé, grâce à des opérateurs financiers internationaux recherchant des projets à rentabilité assurée. Le terminal portuaire aura un impact considérable en réduisant la migration clandestine et en créant de l’emploi. Le port de Bizerte est un élément clé de ce projet urbain global, et il suscite l’intérêt d’investisseurs internationaux.
Quels sont les objectifs environnementaux du projet ?
Le projet du port de Bizerte vise à être écologique, avec notamment l’électrification des bateaux à Quai et la mise en place d’aménagements sous-marins spécifiques. Il sera autonome en énergie grâce à sa propre centrale électrique utilisant des sources comme le photovoltaïque ou l’éolien.
Le RO-PAX est entièrement aménagé sur une friche portuaire tout en gardant un accès au public à travers les étages des constructions qui bordent le projet pour assurer une meilleure interface avec la ville. Le RO-PAX visera le Label “Green Port”.
Comment prévoyez-vous mesurer l’impact social et économique du projet sur la communauté locale ?
Le nouveau terminal de Bizerte est bien plus qu’un simple port, c’est un projet de renouvellement urbain qui créera une nouvelle centralité dans la délégation de Zarzouna. Il valorisera le site, offrira 2.000 emplois directs et indirects, et permettra la création d’un véritable « Centralité Urbaine » – Notre vision est de créer une zone de commerce spéciale, accessible au public plutôt qu’un village touristique offshore , afin de valoriser l’aménagement urbain autour du port et d’en assurer sa pérennité.
Quels sont vos plans pour assurer la durabilité à long terme du projet une fois qu’il sera pleinement opérationnel ?
Notre objectif est que le RO-PAX soit autonome et ne dépende d’aucune subvention. Nous prévoyons une gestion privée du port et des services, sauf certains monopoles de l’État comme les remorqueurs. Il est également envisagé de conférer une partie ou la totalité du port en zone franche. Ce projet, évalué à 750 milliards de dinars pour une durée d’exploitation de 50 ans, repose sur une gestion responsable du terrain et des infrastructures.
Borhene Dhaouadi avec son équipe ont initié le projet du Terminal RO-PAX Bizerte Sud – Zarzouna, qui offre des perspectives pour l’avenir urbain de Bizerte et à celui de la Tunisie. Son intérêt pour l’innovation urbaine et son engagement envers l’amélioration de la qualité de vie des communautés locales sont apparents. Alors que la Tunisie progresse vers de nouveaux horizons, les idées et les réalisations de jeunes comme Borhene Dhaouadi pourraient laisser leur marque dans l’histoire de la transformation et le développement du pays. Son travail de 10 ans sur les besoins des villes Tunisiennes constitue un des fondements du développement des villes et des territoires intelligentes et durables en Tunisie.