Le tourisme culturel, incontournable pour la relance

Quel diagnostic peut-on faire de la situation du secteur touristique, 50 ans après son lancement et suite à la crise provoquée par le terrorisme et l’instabilité socio-politique ?
L’Etat a consenti des centaines de milliards de dinars en termes d’infrastructures de base, de subventions à l’investissement et de manque à gagner sous forme d’exonérations fiscales en faveur de l’hôtellerie. Des banques publiques ont accordé beaucoup de crédits aux hôteliers, non totalement remboursés à ce jour, suite aux crises qui ont frappé le secteur. Un effondrement des entrées et des nuitées des touristes européens, un mono-produit balnéaire, une réputation peu enviable de destination low-cost avec une baisse des recettes en devises. Des dizaines d’hôtels fermés et 200 hôtels en difficultés financières.
Des tour-opérators connus nous ont quittés et de grandes enseignes sont parties suite aux actes terroristes de 2015.
Le secteur artisanal a subi de plein fouet la crise du tourisme : mévente, chômage des artisans, faillites de commerces de produits artisanaux,… ça c’est pour le revers de la médaille. Cependant il faut reconnaître que nous avons récolté de belles moissons grâce au tourisme pendant des décennies, recettes en devises, créations d’emplois, effet d’entraînement sur plusieurs secteurs économiques, formation de milliers de cadres. Nous avons réalisé une infrastructure hôtelière de grande qualité même si elle mérite d’être mise à niveau. Nous sommes maintenant dans l’impasse, même s’il y a des signaux de relance. Nous avons besoin d’un produit neuf, inédit, original, riche et de grande qualité.
Le tourisme balnéaire bas de gamme a montré ses possibilités mais surtout ses limites, notamment en matière de saisonnalité de la fréquentation de la clientèle touristique, de modicité du prix pratiqué pour la demi-pension en hôtellerie classique et du faible niveau des dépenses faites par les touristes hors hôtellerie, ainsi que le faible niveau du taux de fidélité de la clientèle vis-à-vis de la destination Tunisie._
Est-logique dans l’absolu, rentable pour l’hôtelier et avantageux pour l’économie nationale de construire des hôtels qui fonctionnent durant six mois en moyenne par an alors qu’il s’agit d’investissements lourds ?
Est-ce normal de pratiquer en permanence des prix d’un 3 étoiles de la part des hôtels classés 4 et 5 étoiles sans provoquer la dégradation de la qualité des prestations de service, qui finira par porter préjudice à l’image de la destination et à mettre en difficulté financière les hôteliers ?
D’ailleurs, le tourisme balnéaire a renforcé la disparité socio-économique entre régions littorales et intérieures, il a fortement contribué à l’exode rural et à l’appauvrissement des zones continentales défavorisées.
Nous devons tirer deux conclusions majeures constatées chez les pays les plus touristiques en Europe et dans le monde : France, Espagne, Italie.
Il s’agit de pays où le tourisme culturel est roi, les visiteurs étrangers affluent chaque année par dizaines de millions pour visiter sites archéologiques, monuments historiques et musées. Des pays où les festivals de cinémas, de musique et de théâtre sont multiples et rivalisent par leur notoriété et leur prestige, où les expositions de peinture et de sculpture sont courues par des millions de visiteurs qui font parfois le voyage uniquement pour la curiosité culturelle.
Ce sont aussi des pays où le tourisme intérieur représente 50% de l’ensemble de l’activité.
Il est encore temps de réviser nos choix fondamentaux en mettant en valeur nos potentialités.
D’autant plus que nous avons des atouts certains en matière de tourisme culturel : un patrimoine historique et civilisationnel prestigieux et diversifié, un artisanat riche, une multiplicité de festivals de musique, de théâtre, des musées et des sites archéologiques de grande qualité répartis à travers tout le pays.
Ce tourisme culturel entrerait dans le cadre de la diversification des produits touristiques.
Quel apport et quelle valeur ajoutée grâce au tourisme culturel ?
D’abord, la pénétration de la manne touristique dans la Tunisie profonde, les régions de Béja, Jendouba, le Kef, Kasserine et Gafsa regorgent de sites historiques.
Le tourisme estival va demeurer un pôle essentiel même s’il doit monter en qualité de produit et bonjour le tourisme culturel : un produit multi-facettes et pérenne, celui de toutes les saisons et de toutes les régions.
Instauration d’un tourisme haut de gamme, une clientèle exigeante en qualité de prestations de service, d’où la nécessité de développer la formation professionnelle, la clientèle est dotée d’un pouvoir d’achat, dépensière, mais cela permettra à nos hôtels de luxe de facturer comme il se doit leurs prestations.
Hôtels et restaurants, agences de voyages, loueurs de voitures, chauffeurs de taxis et artisans ont intérêt à se mettre à niveau rapidement.
L’attrait touristique d’un pays réside en priorité dans l’originalité de sa civilisation, la spécificité de sa culture ainsi que la richesse de son artisanat et le talent de ses artisans.
Quelles sont les conditions préalables pour l’instauration du tourisme culturel ?
Organisation de circuits culturels à thème : la Tunisie romaine, la Tunisie fatimide,… en coopération étroite avec les agences de voyage.
Amélioration substantielle de l’infrastructure routière dans les « zones historiques » pour favoriser l’accès aux sites archéologiques avec implantation de maisons d’hôtes et de restaurants aux alentours des sites.
Réhabilitation des sites archéologiques, monuments historiques et mise à niveau des musées.
Aménagement et valorisation des médinas et centres historiques urbains afin de favoriser leur exploitation touristique, en coopération étroite avec les associations de sauvegarde des médinas.
Publication de guides touristiques appropriés, édition de cartes routières précises et formation de guises spécialisés en la matière.
Une stratégie de communication puissante s’impose pour faire connaître ce nouveau produit à l’opinion publique européenne car il s’agit d’une clientèle différente qui implique d’autres circuits de commercialisation. Une nouvelle image de la Tunisie à promouvoir.
Faut-il en arriver à la fusion entre les deux ministères, celui du tourisme et de la culture pour parvenir à la promotion du tourisme culturel ? il semble que ce soit la seule solution, nécessaire et suffisante, pour l’instauration d’un véritable tourisme culturel, prospère, basé sur des prestations de qualité, opérationnel toute l’année et permettant des recettes élevées en devises.

Related posts

Le danger et la désinvolture 

Changer de paradigmes

El Amra et Jebeniana