Le tribalisme à Ezzahroun

Interviewée le 20 octobre, Halima Toujani, titulaire d’un master, décrit ainsi les conflits tribaux : « J’habite une rue située entre deux quartiers, hay Ahwas et hay Bouzaïene. Lesdénominations désignent les deux fractions claniques rivales. De ma fenêtre, j’assiste à leurs fréquentes confrontations. Les uns déferlent d’un côté et les autres accourent en sens inverse dès le lendemain. Parfois sanglants, les heurts durent longtemps avec l’utilisation de couteaux et de bâtons. Les blessés ne portent jamais plainte et, pour tous, les polices sont l’ennemi commun. Les disputes ont pour objet la drogue et les histoires de filles harcelées par les groupes adverses. Ici, les gens parlent beaucoup entre eux et quand un clan est agressé, nous savons qu’il réagira ».
Ce témoignage illustre la transposition du tribalisme et de ses pratiques bellicistes vers la ville.
Ce processus exhibe l’absence de rupture tranchée entre le ruralisme et l’urbanisme. La continuité concerne à la fois la morphologie de l’espace construit et les dispositions subjectives à connotations agressives. A ce propos, Halima cite le contraste établi entre l’animation des hays populaires et le calme des quartiers huppés. Elle ajoute : « Parfois, j’envie le silence propice au repos et parfois je préfère l’agitation de notre hay où on ne s’ennuie jamais ». En dépit de l’ambiant conflictuel des hays populaires, la proximité sociale congédie la solitude individuelle.
A l’inverse, l’anonymat citadin favorise la rupture des relations interpersonnelles. L’alternative utopique serait de joindre les avantages et d’éloigner les inconvénients. De ce point de vue, certes abstrait, nous serions assis entre deux chaises et cette position inconfortable sous-tend les regards détestables. Baldi et barrani, hérités, continuent à opérer. Sans pareil dualisme atavique serait impensable ce gouffre insondable interposé par le bourguibisme et le traditionalisme.
De la bipolarisation, provient la discorde à répétition. Maintenant, il est question de colmater les brèches ouvertes par dix ans d’incompétence et de corruption. A l’heure où il s’agit de rendre gorge, l’hypertrophie politique des fonctionnaires durant la noire décennie a partie liée avec la pire gabegie. Aujourd’hui, les nahdhaouis poursuivis, le seraient pour une seule raison, leur orientation. Cependant, la théocratie, maquillée ou non, diffère de la démocratie assimilée à la mécréance par Abou Iyadh et compagnie. Sur ce point, George Sand a tout l’air de répliquer aux enturbannés : « La république est la plus belle et la meilleure forme des sociétés modernes. Il serait faux de dire que c’est de rêve de l’âge d’or applicable souvent à des hommes primitifs. Les républiques du passé ont été des ébauches incomplètes. Elles ont péri parce qu’elles avaient des esclaves. La république que nous inaugurons n’aura que des hommes libres, égaux en droit… Condamner l’idée de la république, c’est se condamner soi-même ».
L’œuvre humaine conteste l’œuvre divine tant la démocratie ne saurait pactiser avec la théocratie. L’islamisme perçoit le monde à travers le prisme de l’obscurantisme. Pour les tenants de cette vision, l’ensemble du savoir crédible crèche dans le livre. Les découvertes scientifiques n’ajoutent rien de plus à ce corpus. Par ce mal au dos, Dieu veut éprouver mon acceptation puis mes remerciements quand il m’aura guéri. Le croyant voit partout la main divine là où l’autre pense à la médecine et substitue l’immanence humaine à l’omnipotence divine. Et ces deux façons coexistent en même temps.
Israël engage les moyens militaires les plus modernes pour servir l’extrémisme du sionisme asservi au colonialisme. Le saut accompli entre ces deux univers atteste la vue bornée des franges élargies de l’humanité.
Avec leur célèbre « Dieu est mort », Nietzsche ou Dostoïevski ne semblent guère avoir convaincu la majorité.
De nos jours, le génocide perpétré par les Israéliens vis-à-vis des Palestiniens serait imputé au judaïsme.
Cela suffit à prouver que la notion de peuple élu recèle un paradigme tout à fait biscornu. Dans l’histoire des idées, certains auteurs athées rapportent aux religions les carnages et les bains de sang.
Mais dans la mesure où « c’est l’homme qui fait la religion et non la religion qui fait l’homme », la violence et l’agressivité logent au sein des hommes qui, à leur tour, les inculquent au cœur de leurs croyances. De Freud à Lacan, la psychanalyse explore ces dessous de la Torah, de la Bible et du Coran. Néanmoins, que faire dans les pays où la majorité croyante supplante la minorité sans foi ni loi transcendantes. Il ne suffit pas de ne pas croire pour mériter le purgatoire. A contrario, la croyance n’a jamais empêché, du tout, la tendance à commettre les quatre cents coups. Ainsi sévissent la tartufferie de Ghannouchi et sa mise à plat de la Tunisie.
Au principe de son a priori était l’intérêt mal compris.

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