Après un intermède qui a duré plus de quatre ans, au cours desquelles les différents gouvernements successifs ont agi dans l’urgence et sous la pression populaire, sans aucune vision, ni une feuille de route définie, le temps est venu pour réhabiliter la planification stratégique. Pour un pays comme la Tunisie, cette voie n’est pas seulement souhaitée, mais nécessaire. Elle constitue la condition sine qua non pour aller de l’avant conformément à un projet tenant compte des principales variables et constantes et, surtout, de la nouvelle donne qu’implique le parachèvement du processus de transition et la guerre contre le terrorisme.
Ce qui relève de la certitude, c’est l’existence actuellement d’une conscience de la nécessité impérieuse pour que les politiques et les experts joignent leurs efforts pour inscrire le développement de la Tunisie dans une perspective stratégique à moyen et long termes, élaborent une stratégie, dans un cadre de concertation et de consensus, afin de sortir la Tunisie de la mauvaise passe. En effet, dégager une vision et répondre aux attentes des Tunisiens, en traduisant les orientations par des politiques et des programmes réfléchis, ciblés se présentent comme la voie la mieux indiquée, celle-là même qui permettra au pays d’éviter de nouveaux déboires et d’attentes déçues.
Maurice Blondel affirme que « l’avenir ne se prévoit pas, il se prépare ». Pour le cas de la Tunisie post-révolution, réhabiliter la planification ne constitue pas une simple manœuvre pour remettre cette question au goût du jour, elle présuppose un retour à un outil méthodologique, qui a donné ses preuves depuis l’indépendance du pays, la définition de perspectives et la mobilisation de moyens et de ressources pour que le pays continue à offrir des réponses à sa population et de l’espoir à sa jeunesse. Le retour à la planification stratégique et la vision prospective, comme outils essentiels pour concevoir un nouveau modèle de développement, conférer cohérence, globalité et bonne gouvernance à l’action publique, s’opérera nécessairement conformément à de nouvelles formules de travail et d’action. Un partenariat effectif entre les politiques, la société civile et les experts est seul à même de marquer une rupture avec des modèles qui ont atteint leur limite et de favoriser un processus proactif capable d’offrir des pistes et des réponses capables de remettre le pays sur les chemins de la démocratie, du développement soutenu et de la paix sociale.
Dans ce jeu, le visionnaire et l’expert, même s’ils ne se recrutent pas du même bord, sont dans l’obligation d’interagir pour réinventer une vision qui permettrait au pays de mieux jauger ses atouts et ses faiblesses et pour réinventer un modèle qui traduira les ambitions et les attentes des Tunisiens et les préalables pour donner effectivité à ces choix de société.
Alors que l’on annonce que la note d’orientation du prochain plan 2016-2020 est presque achevée et que le projet de code d’investissement est prêt, la question qui se pose concerne le rapprochement possible entre les orientations contenues dans le premier document de stratégie et les mesures prévues par la réforme du système d’incitation. Pour éviter que le texte préparé, en guise de note d’orientation du prochain plan, ne soit perçu comme une simple dissertation en décalage avec tout ce qui s’entreprend et se fait ou, comme l’a dit récemment Yassine Ibrahim, ministre du Développement, de l’investissement et de la coopération internationale, comme un simple bla-bla-bla, il va falloir trouver les bons accords entre la pratique et le discours. En effet, pour conférer crédibilité et cohérence entre la stratégie et l’outil méthodologique, il importe de favoriser une plus grande synergie entre ce que fait le visionnaire et ce qu’entreprend l’expert.
Dans la situation actuelle que connaît la Tunisie, l’un comme l’autre se doivent de mieux cerner les nouvelles problématiques apparues après la Révolution, d’analyser leurs raisons profondes et les moyens les plus efficaces pour leur trouver les solutions les mieux adaptées. La guerre contre le terrorisme, les conditions de réalisation d’un compromis social, le pouvoir des régions, la gestion des ressources naturelles, l’évaluation des politiques publiques sont autant de questions qui méritent qu’on s’y attarde pour leur apporter des réponses autant efficaces qu’acceptables. Dans ce cadre précis, la démarche prospective et la planification stratégique peuvent générer de l’espoir et de la vision.
Ce qui n’est pas en dernier ressort peu.