L’échec des régimes économiques non démocratiques

Par Nouri Zorgati

 

 

Anarchie, dictature ou démocratie sont les situations dans lesquelles peut se trouver une société. L’anarchie n’est pas une situation durable, elle évolue nécessairement vers la dictature ou la démocratie suivant le rapport des forces en présence. Ainsi les ravages provoqués par les crises du capitalisme financier ont conduit à l’émergence de régimes alternatifs, principalement le socialisme, le communisme et le dirigisme économique. Par leur déni des libertés élémentaires, ces systèmes ont débouché sur des régimes totalitaires, bénéficiant à des minorités au détriment de la majorité de la population qu’ils prétendent vouloir servir.

 

L’éternelle illusion socialiste

Par opposition au libéralisme qui favorise la loi du plus fort, le socialisme revendique une organisation sociale plus juste. À cet effet, il revendique pour l’État, la faculté d’interférer dans l’activité économique pour légiférer, interdire, nationaliser.  Au-delà de l’égalité des chances, il prône l’égalité des résultats ce qui conduit inévitablement à un alignement par le bas. Par sa recherche d’un égalitarisme utopique et finalement usurpateur, le socialisme instaure un climat d’incertitude auprès des agents économiques, climat défavorable à l’esprit d’initiative et d’entreprendre donc à la croissance et au progrès. Face à ces difficultés, les socialistes ont été amenés à assouplir leurs ambitions à un niveau tel qu’ils ne constituent plus aujourd’hui qu’une simple alternance de gouvernement aux libéraux, sans différence significative dans l’organisation de l’économie.

 

L’effondrement du communisme

Le communisme rejette l’économie de marché. Il prône l’appropriation collective des moyens de production en vue d’instaurer la dictature du prolétariat en lieu et place de la dictature du capital et du fanatisme du marché. Les communistes déclarent que le capitalisme, par l’appropriation privée des moyens de production, prend les consommateurs en otage, asservit les travailleurs pour en tirer des plus-values. Ils estiment que la société est minée par la lutte des classes. La classe capitaliste de plus en plus réduite, accapare les moyens de production et les profits. La classe prolétaire de plus en plus nombreuse, ne possède rien d’autre que sa force de travail exploitée par les détenteurs du capital. La concurrence pousse les capitalistes à substituer de plus en plus les machines aux travailleurs pour réduire les coûts. Cela entraîne  la montée du chômage, la baisse de la demande, la surproduction, la faillite des entreprises et conduit inéluctablement à la fin du capitalisme.

Cependant dans tous les pays où il a été instauré, le communisme a tourné à la dictature bureaucratique, supprimant les libertés, asservissant les populations et interdisant tout esprit d’initiative et d’entreprise. La chute du mur de Berlin en 1989 , la réunification de l’Allemagne non communiste, l’éclatement de l’ex-URSS et le rejet du communisme par l’ensemble des États qui la composaient, enfin le retour de la Chine au pas de charge vers l’économie de marché, ont sonné le glas du communisme. L’effondrement du communiste a poussé les tenants du libéralisme à crier victoire croyant à la consécration définitive du capitalisme financier triomphant. Mais la grave crise financière de 2008 qui a mis l’économie mondiale à terre, est venue les rappeler à la raison.

 

Le dirigisme économique, c’est l’impasse

Les pays du tiers monde, libérés de la colonisation, ont opté en général pour l’économie dirigée.  Estimant que le marché n’était pas capable d’assurer leur développement, c’est donc à l’État de prendre en charge l’économie en assumant même les opérations de production par l’intermédiaire de la création des entreprises publiques. Ce choix était certes, pertinent pour assurer la relève de l’économie coloniale. Mais l’intrusion de l’État dans le secteur de la production marchande, s’il n’est pas provisoire, conduit à la création de monopôles et à la  destruction de l’esprit d’initiative et d’entrepreneuriat. C’est donc un processus antidémocratique qui prive les citoyens d’un droit fondamental. La production s’enlise alors dans la gestion bureaucratique. L’État croule sous le poids des déficits des entreprises publiques. Devenu juge et partie, l’État est détourné de ses responsabilités de puissance publique, conduisant au blocage du développement.

 

Après la transition politique, la transition économique et sociale

Malgré l’anarchie qui a régné à la suite de la Révolution, la transition démocratique se trouve aujourd’hui, à un stade avancé sur le plan politique grâce à la conciliation réussie entre la légitimité électorale et la légitimité consensuelle. Or la démocratie est totale ou ne l’est pas. Elle ne peut être politique sans être économique et sociale. À présent les attentes sont  grandes pour la réussite de la transition économique et sociale. Elles concernent le renoncement à l’exercice solitaire du pouvoir et l’engagement dans la recherche du consensus économique et social. À cette fin, parallèlement à la préparation du Budget de l’État complémentaire de l’année 2014, l’urgence concerne l’établissement du Budget économique et social pour l’année 2014  en concertation avec les partenaires politiques, économiques et sociaux. Le Budget économique et social qui retrace les équilibres économiques et sociaux et comporte les mesures envisagées pour l’année 2014, doit être soumis à une large consultation au sein du Conseil économique et social ressuscité et recomposé, avant d’être transmis avec le Budget complémentaire de l’État, à l’Assemblée nationale pour délibération et approbation. Les défis qui se présentent au pays tant à l’intérieur, qu’à l’extérieur, imposent d’arrêter  les priorités et d’engager les mesures qui permettent d’y faire face dans le cadre du Budget économique et social pour l’année 2014.

Sur le plan extérieur, il est urgent d’agir sur les déficits de la balance des échanges de biens et services qui se creusent d’année en année plombant la croissance et l’emploi et aggravant les déséquilibres financiers.  À cet effet, il convient d’organiser des réunions de concertations avec les partenaires concernés pour examiner les voies et moyens de rééquilibrer progressivement les échanges en recherchant  notamment les mesures pour relancer le tourisme, de promouvoir les investissements directs étrangers, d’appuyer la promotion des régions et de concrétiser avec les pays membres du G8, les engagements de financement annoncés.

Sur le plan intérieur, l’urgence consiste à consolider le climat de sécurité par la traque des apprentis-terroristes, à maîtriser la contrebande qui est la source principale du financement du terrorisme et de l’approvisionnement du marché parallèle, à assurer la neutralité de l’administration pour préparer des élections transparentes, à sévir contre la corruption en supprimant sa source c’est-à-dire les autorisations administratives préalables et les remplacer par des cahiers des charges, à faire respecter les lois et des règlements dans tous les domaines tels que la sécurité routière et les horaires de travail, à mettre en vente les entreprises saisies par l’État avant qu’elles ne deviennent un fardeau, enfin à bannir la fixation administrative des prix et désamorcer la bombe de la compensation en remplaçant le système de fixation des prix des produits de base par la fixation de la subvention unitaire à chaque produit permettant ainsi de stabiliser le volume des subventions dans le budget de l’État et de laisser les prix de ces produits obéir aux exigences du fonctionnement normal de l’économie.

Parallèlement, il importe d’engager un programme d’actions pour préparer le redressement économique et social. Ce programme doit permettre de diffuser la croissance dans les régions par la promotion des petites, moyennes et micro entreprises, de renforcer la formation  professionnelle dans tous les gouvernorats, d’engager le rééquilibrage des infrastructures régionales et d’entreprendre la remise à niveau des secteurs d’activité mis à mal par de longues années de corruption et de malversation.

Cependant l’effet de ces mesures sur l’emploi n’est significatif qu’à moyen et long termes. Or avec plus de 600.000 chômeurs et un taux de chômage de 20% dans le nord-ouest, 24% dans le centre-ouest et 26% dans le sud, le chômage demeure aujourd’hui, la première urgence. Ce problème ne peut attendre le retour de la croissance. Ce n’est ni en cinq ans, ni même en dix ans que l’économie pourra créer des emplois à la hauteur des besoins. Il faut atteindre un taux de croissance de plus de 6% par an rien que pour absorber la population active additionnelle de 70.000 personnes qui vient chaque année sur le marché du travail, sans réduire le stock de chômeurs.

 Il est inacceptable et insupportable de laisser perdurer cette situation explosive. Le traitement du chômage passe nécessairement par la solidarité nationale. À cet effet, il  importe de mettre en œuvre dans le cadre des programmes de développement rural et régional, des travaux d’utilité publique de protection et de défense de l’environnement. Ces travaux écologiques à la fois indispensables et urgents concernent la lutte contre l’érosion et la désertification, la conservation des eaux et des sols ainsi que la protection contre les inondations et autres catastrophes naturelles. Ils intéressent  particulièrement les régions de l’ouest du pays, de l’extrême nord à l’extrême sud, donc des régions qui n’ont pas bénéficié de la croissance dans le passé et qui méritent donc aujourd’hui une attention particulière.

Les travaux à réaliser pour le compte des collectivités locales avec le financement de l’État, doivent  être répartis par lots et attribués par voie d’adjudication à l’entreprise et ne doivent pas être exécutés en régie pour éviter toute confusion avec des emplois publics. À ces travaux peuvent s’ajouter les travaux de lutte contre l’insalubrité grandissante des villes et des campagnes, ainsi que la surveillance des bâtiments et lieux publics qui seront ainsi gardés au lieu d’être saccagés.  La création de 100.000 emplois transitoires coûterait 0,4 milliard de dinars par an soit 1 milliard de dinars par an pour la création de 250.000 emplois transitoires. Comparé au Budget de l’État de plus de 28 milliards de dinars et au revenu national de l’ordre de 60 milliards de dinars, le coût annuel du programme est loin d’être insupportable même si cela nécessite une certaine révision des priorités budgétaires, une contribution nationale particulière et des financements extérieurs appropriés. 

Les mesures prévues permettent la création de 300.000 emplois en 2014. Ces emplois transitoires doivent être réduits au fur et à mesure de la création des emplois stables par la croissance au cours des années ultérieures.

L’occupation dans des emplois transitoires, de plusieurs centaines de milliers de jeunes sans emploi, déçus par la Révolution, livrés à eux-mêmes et aux recruteurs de tout bord au service de mauvaises causes telles que le vol, l’agression, la drogue, le vandalisme, l’émigration clandestine et le terrorisme, est la seule mesure salutaire à effet immédiat, qui permet de sauvegarder le présent et de ménager l’avenir. C’est aussi le seul moyen de déminer la source de l’anarchie à l’origine des pertes humaines et des dégâts matériels qui sont en voie de déstabiliser et de saper les fondements de l’État.

(A suivre)

  nzorgati@gmail.com                                                                                  

 

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