L’École Nationale des Douanes accueille, les 2 et 3 juin, un séminaire opérationnel consacré à la lutte contre le commerce illicite, en particulier dans le secteur du tabac. Organisé en partenariat avec Philip Morris International (PMI), cet événement vise à renforcer les compétences des autorités de contrôle face aux nouvelles routes de la fraude, aux phénomènes émergents comme les illicit whites et aux techniques toujours plus sophistiquées utilisées par les trafiquants.
L’objectif étant de former les agents aux méthodes de ciblage et de sélection avancées pour améliorer la détection des fraudes et accroître la perception des droits et taxes. Ce rendez-vous réunit experts internationaux, formateurs spécialisés et cadres douaniers autour de thématiques telles que les zones franches, les transbordements, les contrefaçons ou encore le blanchiment de capitaux. Le séminaire est animé par Christophe Zimmermann, expert auprès de SitracZ, et Philippe Van Gils, directeur Illicit Trade Prevention pour la région SSEA CIS MEA.
Le Commandant Abdelhakim Abidi, Directeur Général de l’École Nationale des Douanes, a salué la solidité du partenariat entre la douane tunisienne et PMI, entamé en avril 2014 et reconduit à six reprises. Pour lui, cette coopération s’inscrit dans une logique stratégique qui répond à une menace plurielle. Le trafic illicite, a-t-il rappelé, ne se limite pas au tabac mais s’étend aux drogues, aux espèces protégées, aux biens culturels, aux produits contrefaits, au financement du terrorisme et au trafic de migrants. Il représente un danger économique, sécuritaire et institutionnel.
Face à des réseaux criminels de plus en plus agiles et à des fraudes transnationales, Abdelhakim Abidi a insisté sur la nécessité d’adopter des outils technologiques de pointe et de développer une coopération internationale renforcée. Il a souligné que ce séminaire s’inscrit également dans le cadre du dixième facteur de la Déclaration d’Arusha révisée de l’Organisation mondiale des douanes (OMD), qui encourage un partenariat étroit entre le secteur public et le secteur privé pour promouvoir l’intégrité, la transparence et un commerce légal. « Vers une douane qui facilite et accélère le trafic licite », a-t-il affirmé.
Une baisse remarquable du commerce illicite, mais un combat encore loin d’être gagné
Dans son intervention, Borhen Rachdi, Directeur Général de Philip Morris International Tunisie et Libye, s’est félicité d’un partenariat fructueux avec l’École Nationale des Douanes qui s’inscrit dans un combat commun contre le trafic illicite. Il a dans ce contexte salué les efforts de la douane tunisienne, dont les actions ont permis de faire passer le taux de tabac issu du commerce illicite de 32,6 % à 25,6 % en seulement quelques années, une amélioration tangible, bien qu’insuffisante face aux pertes fiscales et aux dangers associés à ces flux non régulés.
Selon lui, la formation reste le pilier fondamental de toute stratégie efficace. Il s’agit de renforcer les capacités humaines, favoriser l’échange d’expertise, et de permettre l’adoption des dernières innovations en matière de détection. Il a également plaidé pour une approche globale et inclusive de la lutte contre la fraude, insistant sur le fait que les responsabilités sont partagées entre les douanes, les régies nationales comme la RNTA et la MTK, les entreprises et la société civile.
Borhen Rachdi a également mis en lumière les enjeux économiques : le commerce illicite prive l’État de recettes substantielles et finance potentiellement des activités criminelles. Pour y remédier, il est essentiel de garantir l’accessibilité des produits légaux, d’optimiser la fiscalité et de sensibiliser les citoyens aux dangers du marché parallèle. Il a conclu en réaffirmant l’engagement de Philip Morris International à soutenir durablement les initiatives favorisant un environnement plus sûr et plus transparent pour la Tunisie.
S’exprimant au micro de Réalités Online, Philippe Van Gils, Directeur Illicit Trade Prevention pour les régions Moyen-Orient, Afrique, Asie du Sud-Est et CEI chez PMI a rappelé que le commerce illicite du tabac représente un enjeu mondial majeur, pesant entre 14 et 15 % de la consommation totale, soit plus d’un produit sur dix consommé dans le monde. Il a précisé que ce fléau entraîne une perte annuelle estimée à 50 milliards de dollars pour les gouvernements, un montant équivalent au PIB de la Tunisie. Ces fonds, détournés des circuits officiels, profitent à des organisations criminelles, au détriment du développement économique et social des États.
Si la tendance du marché illicite du tabac en Tunisie est à la baisse depuis 2024, Philippe Van Gils a noté que les points de vente au détail restent les plus touchés, notamment avec l’arrivée non régulée des cigarettes électroniques. Il a dans ce contexte souligné la nécessité d’instaurer en urgence un cadre légal et des normes techniques pour ces nouveaux produits, afin de mieux protéger les jeunes consommateurs et de faciliter le travail des douanes. Il s’agit de mettre en place des outils concrets à l’instar d’une liste positive des importateurs autorisés pour renforcer les capacités des agents tunisiens, déjà très engagés sur le terrain.