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Le chef de l’État assure « préparer la sortie » de l’état d’exception. Objectif : renouer le dialogue avec les créanciers et éviter un défaut de paiement.
Alors que l’économie tunisienne est au plus mal, le président Kaïs Saïed a assuré « préparer la sortie » de l’état d’exception en vigueur depuis le 25 juillet, lors d’une conversation téléphonique avec le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, a indiqué, dimanche, la présidence tunisienne. La Tunisie « prépare les prochaines étapes » politiques afin de « sortir de la situation exceptionnelle » dans laquelle se trouve le pays, a assuré le président Saïed à Antony Blinken samedi soir, soulignant « sa volonté » de ramener le pays à une « situation normale ».
*Sortir de « l’Etat d’exception »
Le 25 juillet, le président avait surpris le monde entier en limogeant le Premier ministre, en gelant les activités du Parlement et en reprenant le contrôle de l’appareil judiciaire. Il a ensuite promulgué le 22 septembre un décret officialisant la suspension de certains chapitres de la Constitution et instaurant des « mesures exceptionnelles », le temps de mener des « réformes politiques ».
Kaïs Saïed, qui n’a pas fait mystère de sa volonté d’instaurer un système politique présidentialiste, veut faire approuver les changements constitutionnels par référendum, avant tout nouveau scrutin parlementaire. Il a justifié ses décisions par un « péril imminent » lié aux blocages politiques et à la profonde crise socio-économique et sanitaire dans laquelle se trouvait la Tunisie en juillet. Ses détracteurs dénoncent toutefois un « coup d’État » et « un accaparement du pouvoir ».
À Anthony Blinken, le président Saïed a expliqué avoir agi face à un Parlement tunisien qui s’était « transformé en théâtre d’affrontements » où « les travaux ont été perturbés à maintes reprises par des violences verbales et physiques », a encore détaillé le chef de l’État, alors que les mobilisations contre cet état de fait rassemblent de plus en plus de personnes.
*Renflouer ses caisses
Mais en réalité, ce sont bien les difficultés économiques et sociales qui poussent le président tunisien à chercher des voies et moyens d’une sortie de l’état d’exception. Le taux de chômage atteint désormais 18,4 % et le pays, dont la croissance reste faible (3 à 4 % prévus pour 2021), a finalement demandé au FMI une nouvelle aide de près de 4 milliards de dollars.
Ce montant correspond au déficit prévu pour 2021 (9,8 milliards de dinars), que la Tunisie entend combler par des émissions obligataires et avec l’aide de bailleurs étrangers dont des pays frères comme l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, déjà sollicités, pour le moment sans succès.
Dans un tweet, Anthony Blinken a confirmé avoir discuté avec Kaïs Saïed « des récents événements et des initiatives gouvernementales » en Tunisie, allusion, selon un communiqué du Département d’État américain, à la formation du gouvernement à la mi-octobre et à des mesures envisagées pour affronter les difficultés économiques.
Pour sortir de l’ornière, à côté des aides reçues notamment de l’Union européenne, le président tunisien a également appelé les citoyens à aider à renflouer les caisses de l’État. « Nous allons œuvrer pour mettre à contribution tous les Tunisiens pour sortir de la crise. […] Et j’adresse un appel aux citoyens pour contribuer à trouver les équilibres financiers requis », a-t-il dit en présidant le conseil des ministres. Le président n’a pas donné de détails sur la nature de cette contribution ni les moyens de sa mise en œuvre.
Mais il a assuré que « l’argent collecté, qui pourrait atténuer la crise financière, serait sous le contrôle de la présidence et du gouvernement ».
L’agence de notation Moody’s a dégradé d’un cran, mi-octobre, la note souveraine du pays, passée de B3 à Caa1, signifiant que la confiance accordée aux finances tunisiennes diminue.
(Le Point)