Rappelons tout d’abord aux pseudo-religieux qui prétendent que la démocratie et les élections sont une hérésie et une invention occidentale, que c’est la forme la plus évoluée de la “choura” préconisée par notre prophète bien aimé, elle permet à tout un chacun de choisir celui qu’il jugera bon pour diriger ce pays et ce peuple, contrairement au régime du Califat où une petite minorité impose son choix et instaure ainsi un régime totalitaire.
Nous remarquons que tous les partis sans exception aucune s’agitent inutilement dans tous les sens comme des guêpes désorientées. Des alliances se font et se défont au gré des humeurs et des calculs restreints de leurs dirigeants qui oublient que les élections ne sont pas un objectif, mais un moyen pour réaliser un programme. Ici les alliances et les fronts ne sont pas la bonne solution et ce qu’il faut ce sont de grands partis bien structurés avec des idées réalisables et des objectifs économiques, sociaux, sécuritaires, éducatifs et culturels clairs au service de toute la population et non pas un clan, comme ce qui s’est passé avec les deux derniers gouvernements provisoires.
Après les élections d’octobre 2011, le parti Ennahdha s’est cru investi d’une mission divine, oubliant que jouissant d’une majorité toute relative, il ne représente pas toute la population et que la légitimité dont il jouit temporairement n’autorise pas tout. Il a aussi oublié les objectifs pour lesquels il avait été élu et s’est attaché à changer la structure sociale, ce qui l’a amené à commettre plusieurs erreurs : ouverture des frontières aux prêcheurs d’une autre culture, sourde oreille aux appels à la violence et laxisme douteux envers les structures violentes-salafistes et autres “protecteurs de la Révolution” — on se demande à quoi ont servi les deux derniers gouvernements. Et nous en mesurons aujourd’hui l’ampleur des conséquences néfastes.
Ennahdha a perdu 500.000 voix, ce sont celles des non nahdhaouis qui lui avaient fait confiance et qui, par sympathie pour ce que le mouvement avait enduré pendant plus de deux décennies, lui ont donné leurs voix. Ils ont été déçus. Ennahdha aurait pu faire mieux pour les conserver, mais il dispose d’un réservoir de 300.000 voix, celles de ses adhérents inconditionnels qui, malgré les reproches qu’ils lui font — notamment d’avoir été trop conciliant avec les autres partis — lui demeurent fidèles. Le parti peut aussi compter sur 500.000 autres voix, celles de toute la palette de salafistes et autres islamistes qui voient dans les autres partis des laïcs mécréants. Mais un risque menace ce réservoir de voix.
Si le parti Ettahrir avance des listes pour les prochaines élections, il grignotera sérieusement ce fond de réserve et beaucoup n’oublieront pas que le gouvernement Larayedh a classé Ansar Echaria comme mouvement terroriste, alors que le parti Ettahrir les ménage intelligement et prétend que la nouvelle Constitution est dictée par les Occidentaux, que la démocratie est une mécréance, oubliant que le Califat n’est pas un régime islamique et que c’est l’œuvre d’humains. Si le parti Ettahrir présente des candidats, il aura prouvé sa duplicité, car s’il ne croit pas en la démocratie, mais ne voit pas d’inconvénients à jouir de ses bienfaits. En conclusion, Ennahdha atteindra difficilement les 900.000 voix. Le versatile “Joumhouri”, qui s’est essayé à des alliances sans lendemain, montre qu’il manque de confiance et n’émergera pas du lot ; les destouriens, sous la direction d’un Karoui qui, contrairement à ses habitudes est devenu virulent, attaque tout le monde de front et lance des accusations touts azimuts pour faire oublier un passé encore trop récent, oubliant que l’esprit vindicatif aveugle la raison et la dessert. On verra nombre de ses adhérents donner leurs voix à “Nidâa Tounes” qui récoltera 1,2 million de voix malgré ses tares et le recrutement prématuré d’un Ghariani qui n’est pas en odeur de sainteté chez un grand nombre d’électeurs. Le front populaire, “Jebha Chaabia”, demeuré prisonnier de ses idées et de ses idéaux ne saura pas s’ouvrir aux électeurs, mais s’il choisit pour ses têtes de listes des visages rassurants, qui inspirent confiance, il récoltera 400.000voix. Les autres partis se partagerons le reste des voix, nombreux seront le «zéro virgule quelque chose» et plus nombreux encore ceux qui ne ramèneront rien dans leurs filets.
Jamel Eddine Bouachba