Le développement de l’agriculture, c’est avant tout la mise au point d’une stratégie de filières : la filière céréalière, celle de l’huile d’olive, celle de la tomate…
En effet, chaque famille de produits agricoles a sa spécificité propre, ses caractéristiques alimentaires et correspond à des conditions de production qui sont différentes, selon la culture et selon les régions : culture sèche ou irriguée, intensive ou extensive, mécanisée ou non…
Or, chaque produit agricole doit connaître une transformation, peu ou très élaborée, industrielle ou artisanale, avant d’être consommé et avant d’être exporté, si cela est le cas.
D’où la nécessité de la mise au point de filières spécifiques à chaque produit. Celle des céréales implique le passage par l’industrie de la minoterie d’abord, puis celle de la fabrication des pâtes, du couscous et de la boulangerie.
Les olives doivent passer par l’industrie oléicole. Pour les tomates c’est l’industrie du concentré de tomates.
Le principe de la filière consiste à organiser le secteur sous forme de maillons qui se suivent de façon solidaire depuis la production jusqu’à la consommation ou l’exportation, en passant par la transformation industrielle. Des métiers différents et successifs qui doivent être solidaires et intégrés pour fonctionner correctement alors qu’il s’agit de corps de métiers distincts.
Le législateur tunisien a créé les groupements interprofessionnels par filière pour mettre de l’ordre dans tout cela : groupement lait et viande, GICA pour les conserves alimentaires (tomate). Chaque groupement interprofessionnel réunit les représentants des ministères concernés : Agriculture, Industrie, Commerce ainsi que les producteurs agricoles et les industriels du secteur pour prendre les décisions nécessaires destinées à assurer la coordination entre les différents intervenants et à assurer la prospérité du secteur.
Quand il s’agit de produits de base pour l’alimentation de la population, les prix sont homologués par l’État pour ce qui est de la vente du produit fini sur le marché, afin de limiter la hausse du coût de la vie au niveau des classes populaires. Il reste donc à fixer les prix de cession des produits à chaque étape : prix de cession du produit brut de l’agriculteur à l’industriel.
En effet, il s’agit souvent de produits compensés où l’État octroie une subvention pour la maîtrise du prix à consentir au consommateur, la difficulté réside dans l’évolution à la hausse des coûts de production, ce qui provoque des déséquilibres et crée des tensions entre les différents maillons de la filière, alors que le prix de vente final au consommateur est figé.
Prenons l’exemple de la tomate, un produit de base pour l’alimentation (pâtes, couscous) de la population qui sert à la préparation de la plupart des plats et qui est exporté massivement sous forme de double concentré en conserve, ce qui explique le développement de l’industrie de la conserve depuis plus de 30 ans.
Chaque année, en principe avant le début de la campagne de la tomate (juin) l’État fixe le prix de cession de la tomate brute de l’agriculteur à l’industriel.
Généralement, le maintien de l’ancien prix, rarement une légère augmentation, pour ne pas léser ni la marge de l’industriel et pour assurer le maintien du prix de vente final au consommateur.
Le prix de cession de l’agriculteur à l’industriel était de 0,130D le kilo. Or les augmentations des prix du carburant, de la main-d’œuvre et des intrants agricoles ont connu une hausse ces dernières années.
Il y a lieu de remarquer que la culture de la tomate est irriguée, elle est aussi exigeante en engrais chimique et en main-d’œuvre. Une augmentation a été décidée l’an dernier de façon très tardive (octobre et c’est là que réside l’erreur), après la fin de la campagne, sous la pression des producteurs agricoles soit 0,015D le kilo. Mais étant donné que la campagne était déjà achevée, les industriels se sont abstenus de verser la différence aux agriculteurs et de tenir compte de l’effet rétroactif.
Les autorités n’ont pas usé de leur pouvoir pour rendre justice aux agriculteurs, ces derniers ayant subi un préjudice certains ont été particulièrement déçus, conséquence : certains ont réduit les superficies consacrées à la tomate ou ont refusé de la cultiver en pleine saison.
Une grande partie de la filière est en train de s’effondrer et le problème est de nouveau posé cette année pour des raisons de mauvaise gouvernance du secteur.
L’UTAP estime à 12MD le montant des sommes dues par l’industrie de la conserve aux producteurs de tomates pour la saison écoulée, soit l’été 2012. Il faut dire que tout le secteur connaît des difficultés alors que son potentiel était remarquable.
Près de 40 unités industrielles de transformation étaient actives en 2012 alors que seulement une trentaine ouvrent cette année, ce qui réduit le volume de concentré de tomates qui sera fabriqué cette année et par voie de conséquence les capacités exportatrices seront fatalement réduites.
Les répercussions sur l’emploi la production et le niveau des revenus des cultivateurs sont catastrophiques.
En effet, la production de tomates est passée de 800.000 tonnes en 2012 à 400.000 tonnes en 2013, car les superficies cultivées sont passées de 24.000 ha en 2012 à 12.000 ha en 2013. Il faut dire que 20.000 agriculteurs sont concernés par la culture de la tomate.
De son côté, la chambre syndicale des industriels de la conserve refuse la nouvelle tarification du prix de la tomate fraîche et exige des autorités la révision du prix homologué des boites de double concentré de 800 grammes, avec une augmentation de 0,600D. Difficile à admettre lorsque le taux d’inflation est déjà inquiétant.
La filière tomate est en train de s’effondrer faute d’une stratégie concertée et rationnelle pour concilier les intérêts de tous les partenaires.
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TIFERT
Il s’agit d’un projet grandiose qui vient d’être inauguré officiellement, fruit de la coopération tuniso-indienne.
Il s’agit de l’usine de production d’acide phosphorique TIFERT destiné à l’exportation vers l’Inde pour la fabrication d’engrais chimiques. L’usine a été implantée dans la zone industrielle de la Skhira sur un terrain de 25 ha.
La production annuelle prévue est de l’ordre de 360.000 tonnes.
L’investissement total s’élève à 750 MD.
Le capital de TIFERT est de 30 MD à concurrence de 70% par la compagnie des phosphates de Gafsa et le groupe chimique et 30% par deux sociétés indiennes.
Le projet a été lancé en 2006, seulement les évènements qui ont suivi la Révolution ont retardé de deux ans le bon aboutissement du projet.
TIFERT emploie 560 salariés, dont 70 cadres supérieurs et moyens.
Il y a lieu de remarquer que Tifert absorbe 1,4 million de tonnes de phosphates bruts soit 20% de la production du bassin minier de Gafsa.
La totalité de la production est destinée à l’exportation à travers le port de la Skhira.
La réussite de ce projet incite la coopération tuniso-indienne à se tourner vers d’autres secteurs d’activité, dont les industries pharmaceutiques.
Huile d’olive : progression des exportations
À fin février 2013 les exportations d’huile d’olive à destination de l’Espagne et de l’Italie ont atteint un niveau record, soit 321 MD, plus le double du chiffre réalisé à la même date de 2011, soit 138 MD pour 38.000 tonnes. Il faut dire qu’une grande pression est exercée par la demande sur le marché européen qui a fait grimper les prix de 1,250 D par litre.
Sur un total de 66.000 tonnes exportées, l’huile conditionnée a atteint 3340 tonnes soit une recette de 20 MD contre 15 MD en 2011.
Cette tendance appelée à se poursuivre promet une campagne d’exportation 2013 réussie, pouvant atteindre 800 MD de recettes en devises, ce qui pourrait compenser en partie les incertitudes des recettes du secteur touristique à cause des évènements sécuritaires.
Au niveau des prix, il y a lieu de constater une certaine stabilité des prix, autour de 5D le kilo.
L’intervention de l’Office de l’huile, en vue d’une opération de baisse des prix sur le marché local, n’est pas exclue durant le mois de Ramadan prochain, à raison de 3,600D le litre pour l’huile extra-vierge valable pour une quantité limitée. Le fonds de promotion de l’huile conditionnée pourrait être associé à cette opération à raison de 5,800D.
Le paradoxe de la Bourse de Tunis
Il faut reconnaître que les évènements qui ont suivi le déclenchement de la Révolution du 14 Janvier 2011 : grèves, émeutes, sit-in, perturbations sociales, manifestations politiques ont jeté un froid sur la Bourse de Tunis, surtout depuis l’attaque de l’ambassade des USA. Malgré cela, il y a eu des remontées spectaculaires du TUNINDEX ainsi qu’une reprise du montant des transactions quotidiennes.
Toujours est-il que, dans l’ensemble, le manque de visibilité des prochaines échéances politiques ainsi que l’instabilité sociale ne constituent pas un climat favorable à l’investissement ni à l’épanouissement des entreprises, source de prospérité et de création de la valeur. Il faut dire que malgré les incitations fiscales, les entreprises économiques, notamment familiales, expriment des réserves pour rejoindre la Bourse, peut-être par crainte de la transparence financière et sociale que cela implique. Ce qui fait que le marché financier est resté peu profond, ne dépassant pas 67 valeurs cotées. La nouvelle donne, ce sont les restrictions du crédit bancaire accordé aux entreprises consécutives aux difficultés du système bancaire suite aux crédits de complaisance accordés à la famille déchue et le non-respect des critères de maîtrise des risques par certaines banques…
En effet, la croissance des créances classées a engendré une baisse sensible des liquidités, notamment chez les banques publiques, alors que les besoins en trésorerie des entreprises “explosaient” en raison des perturbations sur le marché local et à l’export.
C’est pourquoi, depuis quelques mois, on constate un afflux des entreprises économiques saines dotées d’un potentiel de développement réel à la bourse. L’objectif à moyen terme serait de l’ordre de 100 entreprises cotées, dont certaines auraient des tailles importantes comme One Tech ou Délice Danone. Le paradoxe réside dans le fait que bien que l’économie tunisienne soit en panne, les entreprises qui s’adressent à l’épargne publique rencontrent une demande dix fois supérieure à l’offre.
One Tech : un nouveau projet industriel ?
Après avoir introduit son holding sur la cote permanente de la Bourse de Tunis et levé des capitaux sur le marché financier, on prêterait à Moncef Sellami l’intention de lancer un nouveau projet. Il s’agirait d’importer des véhicules de transport de marque FAW Group corporation, une marque chinoise spécialisée dans la fabrication de véhicules légers, camions et bus.
Comme la vocation du holding One Tech n’est pas d’être un simple concessionnaire, mais plutôt un industriel, il serait tout à fait possible que l’objectif soit d’implanter un projet de partenariat pour le montage de véhicules utilitaires à vocation exportatrice en Tunisie.
Ridha Lahmar