Au moment de la discussion de la loi électorale au sein de l’ANC, il a été mis en avant les expériences comparées qui démontrent qu’elles recourent au seuil pour rationaliser ce mode de scrutin et freiner le mouvement euphorique de présentation des candidatures. La société civile, à travers les recommandations de l’octet qui a réunis huit associations (www.chawki.gaddes.org/resources/Recommandations_FR.pdf), a préconisé l’institution d’un seuil de 3%. Celui-ci est de nature à ne pas prendre en considération dans les résultats les voix obtenues par les listes qui obtiennent moins que ce pourcentage. Ainsi, l’on ne calcule le quotient électoral, autrement dit la valeur du siège, qu’en additionnant seulement les scores obtenus par les listes dépassant 3% des voix. Étant entendu que les expériences comparées démontrent que les régimes de transition démocratique recourent à un seuil de 5%.
Cette technique qui rationalise les candidatures limite la perte de voix qui s’avèrent non-utiles et permet surtout d’évoluer vers la bipolarisation du paysage politique.
Pays | Seuil |
Pays-Bas | 0,67 |
Chypre | 1,8 |
Danemark | 2 |
Albanie, Bosnie-Herzégovine, Espagne, Grèce, Monténégro | 3 |
Saint-Marin | 3,5 |
Italie, Autriche, Bulgarie, Moldavie, Norvège, Slovénie, Suède | 4 |
Algérie, Allemagne, Belgique, Croatie, Estonie, Hongrie, Islande, Kosovo, Lettonie, Lituanie, République tchèque, Roumanie, Serbie, Slovaquie, Ukraine | 5 |
Russie, Pologne | 7 |
Liechtenstein | 8 |
Turquie & Italie (coalitions) | 10 |
Les simulations de l’instauration des seuils de 3 et de 5%, donnent avec les résultats du 26 octobre le tableau suivant :
Formation | Sans seuil | Seuil de 3% | Seuil de 5% |
Nidaa | 85 | 102 | 109 |
Ennahdha | 69 | 81 | 87 |
UPL | 16 | 8 | 5 |
Front populaire | 15 | 8 | 5 |
Afek | 8 | 7 | 1 |
CPR | 4 | 2 | 2 |
Moubadara | 3 | — | — |
Courant démocratique | 3 | — | — |
Mouvement du peuple | 3 | 3 | 2 |
Mahaba | 2 | 2 | 2 |
Jomhouri | 1 | 1 | 1 |
Alliance démocratique | 1 | 1 | 1 |
Jabha watania lil inkadh | 1 | — | — |
MDS | 1 | — | — |
Ettakatol | 1 | — | — |
Voix des agriculteurs | 1 | — | — |
Nidaa tunisien à l’étranger | 1 | — | — |
Majd Jerid | 1 | 1 | 1 |
Rad el iitibar | 1 | 1 | 1 |
Ces données démontrent l’impact de l’instauration du seuil sur la structuration du paysage politique dans le sens d’une plus grande bipolarisation qui permet une plus grande stabilité politique et une alternance au pouvoir, condition nécessaire et incontournable pour aller de l’avant dans le développement économique du pays.
L’électeur a aussi une meilleure vue des composantes de la vie politique, ce qui lui permet de mieux choisir.
Les trois camemberts superposés permettent de se faire une idée claire sur les conséquences de l’introduction de cette technique. Si l’absence du seuil encourage les candidatures qui ont été de 1.500 aux dernières échéances, le seuil donnerait, au contraire, à réfléchir aux formations qui savent que leur candidature fantaisiste et isolée conduira à la perte de leurs voix. Cette technique aurait poussés les 1.139 listes qui ont obtenu moins de 3 % de rentrer dans des coalitions ou d’abandonner toute idée de se présenter.
Le résultat est radical, la bipolarisation est évidente, il suffit de voir le haut du tableau :
Formation | Sans seuil | Seuil de 3% | Seuil de 5% |
Nidaa | 85 | 102 | 109 |
Ennahdha | 69 | 81 | 87 |
Drôle de coïncidence, le seuil préconisé avec 5% conduit Nidaa à obtenir seul les 109 sièges nécessaires au vote de confiance du gouvernement qui en sera issu. Mais la majorité reste tributaire du tiers bloquant (73 voix) dans les questions importantes nécessitant le vote à la majorité qualifiée qui est en possession de la Ennahdha.
Ainsi le système découlant de ces élections avec un seuil de 5% conduira la majorité à gouverner sans pouvoir dominer le paysage politique. Pour faire passer une loi organique, elle devra convaincre du bien-fondé de son projet le parti d’opposition. Une situation d’équilibre très difficile à atteindre, mais qui mettra l’État à l’abri des prises de décisions intempestives d’une majorité sans contrôle.
C.G