Avec 202 points pour expliquer sa vision de l’économie nationale dans les cinq ans à venir, Ennahdha vise une économie montante, basée sur la création de la richesse et d’opportunités sociales. Contrairement à son programme de 2011, Ennahdha s’est montré plus généraliste et a omis de donner beaucoup de chiffres. Quant à la probabilité de concrétisation, elle serait faible. Focus
La situation du parti islamiste en 2014 diffère de celle de 2011. Ce parti ayant déjà été au pouvoir durant environ trois ans, devrait connaître pertinemment la situation économique du pays et savoir aussi ce qui peut et ce qui ne peut pas se faire. Par conséquent, son programme économique de 2014 devrait se baser et partir de cette réalité. Contrairement à son programme de 2011, qui était rêveur et trop optimiste, celui de 2014 devrait être efficace et opérationnel immédiatement.
Rétrospective du programme d’Ennahdha de 2011
Le parti Ennahdha avait proposé un programme socioéconomique quinquennal couvrant la période 2012-2016, visant la création d’emploi, la garantie du droit à la dignité, le développement régional équilibré et l’incitation à l’investissement. Les mêmes objectifs partagés par la Tunisie entière, il y a trois ans et aujourd’hui même. Faire de la Tunisie un centre financier régional à rayonnement international et assainir le climat des affaires pour inciter les investisseurs à introduire leurs sociétés en bourse afin de transformer l’économie tunisienne, la faire passer d’une économie d’endettement à une économie de transformation et développer la finance islamique. Au volet des relations diplomatiques économiques, Ennahdha continue dans la politique traditionnelle de la Tunisie, avec la libéralisation de son marché et son internationalisation.
Le programme souhaitait l’approfondissement des relations de coopération et de partenariat économiques avec les pays de l’Afrique, de l’UE et la création de nouveaux marchés. Le mouvement avait tablé sur un taux de croissance annuel moyen de 7 % sur toute la période 2012/2016, permettant de passer en 2016 à un revenu national disponible par habitant de 10.000 dinars, contre 6.300 dinars en 2011. Ennahdha s’était engagé à créer environ 590.000 emplois au cours du quinquennat. Il tablait aussi sur un taux d’investissement de 31 % du PIB en 2016, contre 25 % en 2011. Ennahdha avait évalué le besoin de financement de l’économie nationale à 163 milliards de dinars sur toute la période 2012-2016. Ce besoin de financement devrait être assuré à hauteur de 67 % par l’épargne nationale, de 6 % par le financement extérieur générateur d’intérêt de la dette. Le mouvement voulait créer un fonds de chômage destiné à accompagner les licenciés et introduire un système complémentaire solidaire pour soutenir le régime des retraites. Le parti avait pris au sérieux les problèmes du mariage tardif, de l’augmentation du taux de divorce et du vieillissement de la population. Le parti aussi, voulait instaurer la séance unique. Pour le logement, le parti avait proposé le développement des logements sociaux dédiés à la location qui devaient représenter jusqu’à 10 % du total des logements dans chaque gouvernorat. Et pour construire plus, le mouvement préconisait d’augmenter les constructions de logements (50 logements/ha contre 25 logements/ha) grâce à la construction verticale. Par rapport à la santé, le parti envisageait de réformer la CNAM et de réviser sa gestion, mais également de revoir la sécurité sociale et permettre la gratuité aux soins pour les familles démunies. Dans un autre domaine, le mouvement islamiste prévoyait la formation d’un gouvernement d’union nationale.
Qu’est-ce qui a été réalisé de ce programme ?
Le parti Ennahdha a réussi à former un gouvernement d’union nationale, appelé Troïka, avec les partis Ettakattol et le CPR. Trois ans de Troïka au pouvoir et rien du programme d’Ennahdha n’a été concrétisé. Pourtant dans son programme pour les législatives de 2014 Ennahdha se vante de ce qui a été réalisé ces trois dernières années. Selon le parti, la Troïka a réussi à relancer l’économie nationale de moins de 2 % à 3,6 % de croissance en 2012 et 2,6 % en 2013. Le parti a omis de mentionner que c’était une croissance basée sur la consommation suite au dérapage suite à l’augmentation des salaires des fonctionnaires. Ce qui a touché de plein fouet le budget de l’État qui a atteint 4,8 % de déficit budgétaire en 2012 et 6,6 % en 2013. Selon Ennahdha, la Troïka a réussi à faire baisser le chômage de 18,4 % en 2011 à 15,3 % en 2013. Malgré cette baisse due au recrutement dans le secteur public, le chômage des diplômés du supérieur continue d’augmenter pour atteindre, selon l’INS, 248.400 emplois à fin 2013, soit une augmentation de plus de 2 %. Ennahdha a mentionné la réalisation de projets de développement sous le gouvernement de la Troïka, mais a oublié de mentionner que la Troïka a, juste, assuré la continuité de l’État par rapport à des projets déjà en période de réalisation.
Le plan socioéconomique de 2014, trop ambitieux ?
Selon le plan socioéconomique d’Ennahdha, celui-ci continuera sur la même lancée que la Troïka et continuera les projets lancés dans cette même période. Les réformes fiscales, bancaires, financières déjà lancées seront maintenues et consolidées par d’autres réformes dans d’autres secteurs à savoir la santé, l’éducation et la formation professionnelle. Ennahdha envisage une politique expansionniste tout en rationalisant les dépenses. L’objectif est d’arriver à une croissance de 5 % en 2015. Sachant qu’en 2014 la croissance serait autour de 2 % par an, comment Ennahdha va-t-il récupérer les trois points restants ? Pour y arriver, Ennahdha a listé 202 mesures pour récupérer ces points. Ces points sont des objectifs économiques ambitieux qui s’articulent sur l’amélioration de l’environnement des affaires, de la productivité, les réformes, la rationalisation des dépenses publiques, la mise en place d’un nouveau modèle de croissance… Des expressions littéraires qui manquent de détails sur la manière dont ces objectifs seront réalisés. Selon les experts, les trois années à venir seront difficiles, car la Tunisie continuera sa transition et il est presque impossible d’arriver à des taux dépassant les 4 %. Ennahdha va plus loin et permet une croissance de 7 % en 2018 avec un taux d’endettement de 40 % au lieu des 60 % actuels. Et c’est la finance islamique qui assurera une grande partie des ressources financières. En effet selon Ennahdha la finance islamique représentera 50% du marché financier. La finance islamique, projet d’Ennahdha de 2011 et avant 2011 de l’ancien régime, verra-t-il le jour ? Il faut tout de même noter qu’Ennahdha ne se fait aucune allusion quant aux mesures prises par le gouvernement Jomâa. À titre d’exemple, la stratégie de réforme du secteur touristique, dont la réalisation a déjà commencé et s’étalera sur près de dix ans. Qu’en est-il des projets de loi qui seront débattus après les élections ? Que fera Ennahdha s’il détient une bonne partie du Parlement ?
N.J
Les points importants du programme d’Ennahdha
— Les investissements sociaux atteindront les 60 % du budget de l’État et 25 % du PIB
— 50.000 familles dont le revenu annuel ne dépasse pas les 5.000 dinars seront exonérées d’impôts
— Déclassement des terrains pour favoriser le logement social
— Le réaménagement de 119 quartiers populaires habités par 700.000 habitants
— Atteindre une inflation de 4 % contre 6,9 % actuellement
— Faire baisser le chômage à moins de 10 % à moyen terme
— Créer une caisse d’assurance pour le chômage dont la mission est d’aider les employés licenciés et les entreprises en difficulté
— Créer un fonds pour promouvoir le tourisme saharien
— Créer la haute instance représentative des Tunisiens à l’étranger
— Donner aux Tunisiens à l’étranger le droit d’importer un second véhicule sous le régime FCR ne dépassant pas les 5 CH sans pour autant mentionner l’âge du véhicule
— Le Tunisien à l’étranger aura le droit aussi de changer son véhicule tous les 15 ans
— Créer «Soukouk Biladi» dédié aux Tunisiens à l’étranger pour financer des projets de développement
— Créer l’Assemblée nationale pour le dialogue social
— Assurer la sécurité énergétique en investissant dans les énergies renouvelables, dans le pétrole et le gaz
— Réviser le cahier des charges de l’investissement dans les hydrocarbures
— Diversifier les secteurs productifs.