«Former un gouvernement constitué de politiques sans y inclure Ennahdha, former un gouvernement incluant Ennahdha à condition que ce dernier soutienne le candidat du Nidaa, ou ne soutienne personne ou encore, former un gouvernement apolitique», telles sont les trois perspectives évoquées par certains dirigeants au sein de Nidaa Tounes.
Aujourd’hui, nous sommes à la veille de la formation d’un gouvernement qui dessinera peut-être une scène politique encore floue. Ennahdha et Nidaa, peuvent-ils gouverner ensemble malgré leurs différences idéologiques ? La droite et la gauche peuvent-elles collaborer dans une coalition incluant, entre autres, Le Nidaa et le Front populaire ? L’UPL de Slim Riahi fera-t-il partie du gouvernement ? Les interrogations ne manquent pas.
Quant à une alliance avec les forces démocratiques, elle inclurait une alliance Nidaa, de tendance libérale, avec le Front populaire plus social. Notons aussi que la troisième force sortie des urnes est l’Union patriotique libre (UPL) dont le président, Slim Riahi, demeure controversé. Outre une fortune amassée en Libye dont l’origine soulève beaucoup d’interrogations, Slim Riahi semblait jusqu’ici plus proche d’Ennahdha que de Nidaa.
Hormis Nidaa Tounes, le parti chargé selon la Constitution de former le gouvernement, bon nombre de partis évoquent néanmoins la nécessité d’un gouvernement d’union nationale incluant la plupart des formations.
La première hypothèse permettrait à Nidaa d’obtenir un bloc composé de 112 ou 113 députés, ce qui est considéré par les analystes comme étant une hypothèse réaliste. Cette probabilité est évoquée comme étant faisable pour la simple raison que Nidaa et le Front populaire ont eu à batailler, côte à côte, après l’assassinat du martyr Chokri Belaïd et, surtout, après le meurtre de Mohamed Brahmi, ce qui avait conduit à la naissance du Front de salut national à l’origine de l’éviction de la Troïka du gouvernement.
Et si des dirigeants de Nidaa ont clairement évoqué cette alliance probable, les leaders du Front populaire n’ont pas encore donné leur position officielle. La seule indication est venue de M’barka Brahmi, veuve du martyr Mohamed Brahmi et fraîchement élue députée pour la circonscription de Sidi Bouzid, qui indiquait que toute alliance avec Ennahdha était impensable. «Comment voulez-vous qu’on s’allie avec un parti que nous accusons être derrière l’assassinat de Mohamed Brahmi et Chokri Belaïd ? Comment voulez-vous qu’on s’allie avec ceux qui ont dissimulé l’information mettant en garde contre le meurtre planifié de Mohamed Brahmi ?», a-telle lancé sous forme d’interrogations à diverses reprises. Quant à une entente avec Nidaa, elle n’écarte pas pareille hypothèse à condition qu’il y ait une convergence de vues entre les deux partis concernant des programmes bien précis.
Stratégies politiques
Quelques dirigeants de Nidaa Tounes ont présenté la perspective d’un gouvernement de technocrates et apolitique, au moins durant la première année. Est-ce simplement un stratagème électoral pour s’assurer du soutien ou de la neutralité d’Ennahdha pour la présidentielle ? Il est aussi question de retarder la formation du gouvernement jusqu’à la fin de l’élection présidentielle. Des observateurs expliquent ce retard par la volonté de Nidaa de ne pas réveiller l’animosité d’Ennahdha durant la présidentielle sans pour autant garantir une alliance ultérieure entre les deux pôles. Pour le moment, rien n’est définitif, tous les scénarii sont possibles, y compris la possibilité de former un gouvernement constitué de politiques de la majorité avec à leur tête un chef de gouvernement technocrate et apolitique.
De son côté, Nidaa Tounes devra choisir entre deux cas de figure s’il veut gouverner aisément. Une coalition Nidaa Tounes /Ennahdha assurera sûrement une majorité écrasante et mettra Nidaa Tounes à l’abri d’une motion de censure de poids dont pourrait user Ennahdha. Le second cas de figure consiste en une alliance entre Nidaa, le Front populaire, Afek Tounes et Moubadara qui pourra assurer la majorité requise. Ce cas de figure contient néanmoins des failles, car d’un côté la possibilité d’un retrait ultérieur de l’un des partis cités, fragiliserait la position de Nidaa Tounes au sein du Parlement et pourrait même lui retirer la majorité dont il a besoin et, d’un autre côté, il persiste le risque de divergences lors de l’élaboration des lois, notamment celle des finances, entre des alliés libéraux et socialistes.
Les éléments essentiels de l’équation
Le président d’Afek Tounes, Yassine Brahim s’est déclaré favorable à toute proposition d’alliance présentée par les forces concurrentes, ce serait la stabilité du pays qui motiverait l’adhésion d’Afek Tounes.
Si le président d’Afek Tounes n’a pas posé de conditions pour s’allier avec tel ou tel parti, en dehors du but commun de stabiliser le paysage politique et les points communs pouvant exister entre les partis alliés, il n’en est pas de même pour le président de l’UPL, Slim Riahi. Son parti a exigé de faire partie du gouvernement pour accepter une alliance avec Nidaa Tounes. Les portefeuilles ministériels convoités doivent être importants, tels l’Économie et l’Investissement.
Le Front populaire a, quant à lui, été catégorique concernant un point, aucune alliance avec Ennahdha. Plusieurs dirigeants se sont exprimés dans ce sens et la tête de liste du FP à Ben Arous, Zied Lakhdar, a souligné que la coalition à laquelle il appartient ne «s’alliera pas avec Ennahdha» tout en évoquant la possibilité de réviser sa position si Ennahdha changeait d’orientations. Par contre une alliance avec Nidaa Tounes et Afek serait plus probable à condition que les deux partis fassent des concessions. Cela dit, le Front populaire pourrait aussi se contenter d’un accord de confiance accordé au gouvernement.
Voir interview avec Mongi Rahoui: Parmi nos conditions figure celle de ne pas s’allier avec Ennahdha…
Hajer Ajroudi