L’entreprise, pourquoi et pour qui ?

Il ne s’agit pas d’entamer un débat idéologique mais d’être pragmatique : quelles sont les préoccupations concrètes et les problématiques réelles auxquelles se trouvent confrontées aujourd’hui les entreprises économiques de notre pays quelle que soit leur taille, vues à travers le prisme des relations entre actionnaires, managers et personnel salarié ?
Il s’agit bien sûr des entreprises en quête constante de bonne gouvernance, de gestion optimale des ressources humaines et matérielles, de promotion de la compétitivité sur les marchés afin de sauvegarder leur croissance, sinon leur pérennité dans une économie mondialisée en mutation rapide et profonde.
En effet, il y a unanimité parmi les observateurs attentifs de la vie socio-économique pour affirmer que l’entreprise en Tunisie a été encore plus fragilisée et menacée depuis 2011 dans sa survie, sa compétitivité et sa croissance à cause de la montée en puissance des revendications salariales, cycliques des perturbations sociales multiples et de la dégradation du climat social avec des grèves intempestives.
Difficultés financières chroniques, déficit et surendettement, régression des résultats, faillites et liquidations multiples, sont les témoins de cette réalité.
Au centre de la problématique se trouvent les relations conflictuelles et tendues au sein de l’entreprise entre détenteurs de l’autorité propriétaires du capital et travailleurs salariés.
Mais pourquoi donc sommes-nous arrivés à ce point ?
Certes, il y a eu des révélations sur les salaires et avantages en nature fastueux de certains managers de banques et grandes entreprises publiques ou privées qui ont soulevé l’indignation des salariés de l’entreprise, soumis à une inflation galopante du coût de la vie et confinés dans des salaires étriqués.
Les jetons de présence généreux accordés aux administrateurs pour deux ou trois réunions par an et mentionnés lors des assemblées générales, soulèvent la jalousie des cadres supérieurs de ces mêmes entreprises à qui on refuse des augmentations modestes.
Les « parachutes dorés » accordés aux managers par contrat en cas de « remerciement » suscitent la colère et le courroux des cadres et des travailleurs de l’entreprise sous-payés et sous-considérés.
Les salariés n’admettent pas des licenciements massifs même indemnisés lorsque l’entreprise est largement bénéficiaire dans le seul but de satisfaire la soif insatiable des actionnaires pour des dividendes de plus en plus cossus.
Au-delà de la séparation entre actionnaires majoritaires et gestionnaires de l’entreprise, les cadres supérieurs et les managers revendiquent le droit, sinon la légitimité, à un intéressement aux bénéfices de l’entreprise, outre la participation aux grandes décisions relatives à la stratégie de développement et au positionnement sur le marché.
Mais en fait, à quoi sert l’entreprise et quels devraient être ses objectifs prioritaires ?
Créer de la valeur ajoutée et engendrer de la prospérité, impulser de la croissance économique pour le pays, profiter aux managers, générer un profit financier pour les actionnaires, procurer de l’emploi ou diffuser un bien-être social parmi les employés.
En réalité, tout cela à la fois, mais selon quelle clé de répartition ?
A partir de là, on devrait définir le rôle de chaque acteur dans la gouvernance de l’entreprise.
Cependant, le personnel salarié devrait être considéré par le patronat comme un partenaire stratégique dont la loyauté, le dévouement et la compétence sont indispensables pour la performance et la réussite de l’entreprise et non comme une ressource à exploiter au maximum jusqu’à épuisement.
Les salariés de leur côté ne doivent plus percevoir le manager comme un ennemi, mais comme un chef d’orchestre pour impulser le rythme et indiquer la direction à prendre par les acteurs de l’entreprise. Un exercice de pédagogie et de dialogue nécessaire des managers vis-à-vis du personnel salarié.
Le diagnostic étant établi, il y a toute une panoplie de solutions possibles pour sauvegarder l’équilibre de notre tissu entrepreneurial sans pour autant qu’il y ait une recette unique valable pour toutes les entreprises, chacune ayant sa propre spécificité. Certaines mesures pourraient être utiles.
Par exemple, l’instauration d’un comité de direction destiné à élargir le cercle de décision autour du manager pour consolider le bien-fondé des mesures prises.
La mise en place d’une structure permanente de dialogue et de concertation impliquant aussi bien l’actionnaire de référence, que le manager, les cadres supérieurs ainsi que le syndicat du personnel d’exécution.
Intéressement du personnel aux résultats financiers de l’entreprise.
Organiser une participation des cadres et du personnel au capital de l’entreprise avec des stock-options pour fidéliser l’appartenance à l’entreprise.
L’intégration de l’entreprise dans le système de la RSE est un facteur primordial de stabilité pour l’entreprise.
Préconisé et mis en pratique avec succès par certains chefs d’entreprises, le management par le bien-être du personnel au sein de l’entreprise qui a fait ses preuves ailleurs, a de beaux jours devant lui dans notre pays.
En effet, aménager une salle de sport, mettre à la disposition du personnel une assistante sociale et/ou un conseil juridique, financer une caisse d’entraide, subventionner la construction de logements, sponsoriser des activités culturelles et des équipes sportives, peuvent rapprocher beaucoup les uns des autres dans l’intérêt de tous.
L’objectif consiste à favoriser le sens de l’appartenance du personnel à l’entreprise.

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