Les “100 jours” sont là… et le pays est en grève

Le Ministère Essid ayant été intronisé le 5 février avec une majorité confortable, le délai des “100 jours” a expiré 16 mai, si je sais bien compter. On aurait pu penser qu’à cette date serait annoncée une réunion spéciale de l’Assemblée des Représentants du Peuple, avec la présence de tous les ministres qui exposeraient le bilan tant attendu ! A cette heure (14 au soir) pas d’annonce à la TV ou à la radio, par contre on nous a informés d’une visite de Habib Essid en Algérie, les 16 et 17 mai, à l’invitation de son homologue algérien. Certes, on ne peut qu’attendre de bonnes nouvelles de ce voyage, au sujet de la coopération bilatérale, d’échanges économiques voire d’aide financière, mais la politique intérieure du pays a aussi ses exigences.

La Tunisie est pratiquement en grève : sans parler de l’arrêt total de la Compagnie des phosphates de Gafsa —même si l’activité administrative a repris mardi à Metlaoui dans certains services— les grèves se succèdent à un rythme affolant : en ce mois de mai, les magistrats de l’AMT sont en grève depuis 5 jours pour protester contre l’étude du projet de la loi sur le Conseil supérieur de la magistrature à l’ARP (et les magistrats affiliés à l’UMD ne sont-ils pas concernés ?) ; les enseignants de l’Ecole de base les 12 et 13 mai (avec rebelote pour les 26, 27 et 28 mai, avec en prime une grève administrative s’ils n’auront pas obtenu satisfaction) ; les surveillants et surveillantes généraux du secondaire les 13 et 14 mai, les huissiers notaires le 13 mai, les agents et fonctionnaires du ministère de l’Intérieur les 19, 20 et 21 mai, et enfin les cheminots de la région de Tunis depuis hier 15 mai.

Que sa passe-t-il ? Pourquoi la direction de l’UGTT, qui a été active et a aidé à faire réussir le Dialogue national, aux côtés de l’UTICA, avec laquelle elle est maintenant “à couteaux tirés”, soutient-elle ces mouvements de grève qui déstabilisent le pays, et ce, au moment où nos sécuritaires, ce péril de leur vie, font un travail remarquable pour la protection des citoyens et de l’Etat ? Le syndicat majoritaire a-t-il peur d’être dépassé par les autres syndicats, qui n’ont pourtant pas sa force. Ils y en a plusieurs, plus ou moins actifs : la CGTT de Habib Guiza, l’OTT de Lassaad Abid (de tendance islamiste) et l’UTT d’Ismaïl Sahbani, qui peuvent faire de la surenchère au détriment de l’UGTT !

On évoque aussi l’existence de la fameuse “théorie du complot”, comme le montre le passage d’Ahmed Saddik, l’un des dirigeants du Front populaire, à Shems FM, le 7 mai, où il a déclaré au sujet de la fermeture de la CPG : “Il existe des bandes organisées et des groupes voulant que la CPG soit livrée à des étrangers” et il a parlé de “la mollesse des gouvernements successifs dans le traitement de ce dossier qui ont manqué de courage et d’audace, le gouvernement Essid y compris”.

Je reviens sur l’interview que Béji Caïd Essebsi a accordé le 8 mai à la chaîne TV Al Hiwar Ettounsi, car je pense qu’elle n’a pas été assez médiatisée, même si nombreux ont été ceux qui ont eu le courage de veiller trois heures durant en soirée, car les quotidiens n’y ont pas accordé l’importance qu’elle mérite. En effet, le Chef de l’Etat a tenu à rassurer les citoyens sur la bonne santé de Nidaa Tounes (même s’il a déclaré que le parti qu’il a créé vole maintenant de ses propres ailes et qu’il est maintenant “au-dessus de la mêlée”). Il a expliqué comment il comprend le projet de loi sur la réconciliation nationale qu’il avait annoncé dans son discours du 20 mars dernier. Il a eu des réponses à toutes les questions : celles sur la situation de la CPG et du bassin minier en général, celle qui se pose au sujet du retour de l’ambassadeur syrien en Tunisie : celle sur le bilan des “100 Jours” du gouvernement Essid et sur le rendement de cette équipe qu’il trouve “acceptable” et de ce Premier ministre qu’il a choisi lui-même. Une fois de plus, il a été très ferme sur le dossier Chourabi et Ktari en assurant que “tout ce qui était possible a été fait” et qu’on ne peut pas faire plus, même si “certains cercles en Tunisie font de la surenchère”. On connaît sa position selon laquelle il faut se garder de s’ingérer dans la politique intérieure de nos voisins libyens, leur pays étant pas trop instable et occupé en partie par Daech qui, on le sait, louche du côté de la Tunisie dont il voudrait bien détruire la stabilité. A son habitude, le président de la République a tout dit sur ce qui inquiète les Tunisiens, même si comme l’a si bien écrit le journal “La Presse”, il n’a pas tout dit…

Deux partis font parler d’eux ces jours-ci : D’abord, “à tout seigneur tout honneur”, Nidaa Tounes. Le parti majoritaire qui a dépassé sa crise en attendant son congrès constitutif qui se déroulera en septembre prochain, vient de remanier sa direction pour plus d’efficacité. C’est ainsi que le président du parti par intérim, Mohamed Ennaceur (par ailleurs président de l’ARP) sera secondé par trois vice-présidents qui sont Taïeb Baccouche (qui peut ainsi conserver son poste de ministre des AE), Faouzi Elloumi (ex-président de la Commission électorale) et Hafedh Caïd Essebsi (ex-responsable de la gestion des structures du parti). Le poste de Secrétaire général revient à Mohsen Marzouk tandis que Boujemâa Remili converse son poste de Directeur exécutif du parti et que Noureddine Ben Ticha devient le porte-parole de Nidaa Tounes, en remplacement de Lazhar Akremi (qui préfère garder son poste de ministre chargé des relations avec l’ARP).

Le second parti est le CPR, privé de la plupart de ses membres par des démissions successives, mais qui se manifeste par des déclarations bruyantes de certains responsables, à commencer par Moncef Marzouki qui, de Doha, a exprimé la reconnaissance des Tunisiens vis-à-vis du Qatar pour l’aide apportée à la Tunisie, tandis qu’il a menacé les Tunisiens qui s’opposent à lui. Imad Daïmi, lui, qui se déplace beaucoup a rencontré à Beyrouth un responsable du Hezbollah, puis accuse Zied Lakhdhar de mauvaise foi, veut porter plainte contre Me Messaoudi, dirigeant à NT, veut demander des comptes à Néjim Gharsalli et Rafik Chelli. Quant à Sihem Badi, réinstallée en France, elle déclare à la radio F24 qu’elle encourage et soutient les manifestants qui, à Al Faouar, ont attaqué les sécuritaires et brûlé les postes de police et la Garde nationale, On voit par là la haine des CPR du régime actuel !

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