Décidément, notre football perd les pédales. Le flot ininterrompu de ses déplorables débordements prend quelquefois des allures hallucinantes. Un simple match de football devient prétexte au déchaînement des instincts les plus bas, de la haine entre citoyens d’un même pays, et de la violence.
Non seulement les joueurs et les spectateurs, mais également des dirigeants risquent d’y laisser leur peau.
Le vice-président de Taqaddom Sakiet Eddaier, Thameur Mkaouar, arrêté à l’occasion d’un match de L2
Samedi dernier, un match ordinaire de la Ligue 2 de football EO Sidi Bouzid-Taqaddom Sakiet Eddaier, guère décisif ni pour l’accession ni pour le maintien, a tourné au vinaigre. Résultat : le vice-président du club visiteur, Thameur Mkaouer, a été arrêté jusqu’à lundi matin.
Au-delà des tenants et aboutissants, il faut croire que le « métier » de dirigeant n’est plus de tout repos. Il recèle désormais son lot de périls.
Samedi 1er mars, également, des incidents sont survenus au cours du sommet de L2 entre l’AS Kasserine et la JS Kairouan. « Le président de la section FB de la Chabiba, et l’entraîneur des gardiens Abdelaziz Ben Khedher ont failli recevoir à la figure des barres de fer lancées par des fans déchaînés », à en croire le porte-parole du club aghlabide.
Qui a gagné, qui a perdu ? On n’en sait rien.
Un nul (0-0) a sanctionné des débats qui n’enregistrèrent pourtant sur la pelouse aucun incident particulier. Le bureau de la Chabiba a toutefois saisi les autorités du football pour dénoncer les incidents qui ont précédé le match, le jet de différents projectiles ayant rendu impossible l’accès du bus de la délégation visiteuse à l’enceinte du complexe sportif, et il y eut même jet nourri… d’œufs.
Il est vrai qu’on était au premier jour du mois Saint de Ramadan….
Les casseurs interdits d’accès
La Ligue nationale professionnelle (LNFP) va certes rendre son verdict : huis clos ou suspension de stade assorti d’une amende salée suivrait. Mais ces mesures sauront-elles arrêter la fuite en avant ? Comment réussir à éradiquer la spirale de la violence sans fin ?
Nous ne répèterons jamais assez que cette vague aveugle, qui coïncide avec l’installation d’une nouvelle équipe fédérale et d’un nouveau staff de la Ligue « pro » risque d’emporter ce qui reste de notre foot, et de faire fuir définitivement les derniers courageux fans.
Le dernier carré des fidèles supporters appelés à passer leur week-end à arpenter les périlleuses enceintes sportives du pays est en tout cas gagné par l’épuisement, parfois même par le burnout. Ils n’en peuvent plus, tellement se rendre dans un stade, notamment de football, comporte son lot de risques.
Le ministère de tutelle a dernièrement appelé la FTF à opposer à cette arme redoutable de la violence et de l’émeute que savent manier des jeunes dans les stades un surcroît de fermeté en décrétant le huis clos. « Face au niveau de violence qui a pris une tournure dangereuse, menaçant la paix sociale et créant une atmosphère tendue qui attise la haine et alimente les conflits entre les régions, et en coordination avec le ministère de la Justice, les stades seront désormais interdits d’accès devant les personnes soupçonnées ou reconnues coupables d’incidents violents », a-t-il été décidé le 18 février dernier par le ministre de la Jeunesse et des Sports.
Il faut pourtant convenir qu’il y a quelque chose de paradoxal dans ces mesures prises chaque saison contre la violence dans les stades en ce sens où l’effet paraît plutôt inoffensif, voire anesthésiant tellement ces actes reviennent régulièrement au galop comme si de rien n’était. Cruellement, la perversité moqueuse de la violence se révèle increvable. De quoi s’interroger sérieusement sur le pourquoi du comment de cette plaie incurable.
Tarak Gharbi
Légende photo de couverture :
Le sommet ASK-JSK a failli tourner au cauchemar pour la délégation aghlabide. Pourtant, il n’y eut guère d’incidents sur la pelouse entre les 22 acteurs.