Après les dettes souveraines portugaises et surtout grecques, les banques espagnoles sont-elles en train de faire vaciller l’Europe au risque de la précipiter dans une crise sans précédent ? C’est ce que commencent à penser les responsables politiques et les experts depuis quelques jours. On savait depuis la grande crise globale de 2008 que les banques espagnoles étaient touchées par la crise du secteur immobilier et qu’elles devaient être recapitalisées. Mais, on était persuadé que cette crise se limitait aux caisses régionales et que les banques privées comme Santander et Bankia étaient plus solides. Or, l’appel pressant de Bankia (troisième banque privée du pays), à l’État et l’annonce du 10 mai par le gouvernement espagnol du plus important plan de sauvetage dans l’histoire de l’Espagne et la nationalisation de la banque ont totalement changé la donne. La grande crise bancaire que tout le monde craignait a bel et bien commencé en Espagne et les 23 milliards d’euros avancés par l’État espagnol à Bankia ne constituent qu’un début dans ce qui sera probablement la grande saga du sauvetage et de la recapitalisation des banques européennes.
Le processus de recapitalisation des banques européennes a commencé il y a quelques mois et toutes les banques devaient augmenter leurs capitaux propres avant le 30 juin 2012 afin de répondre aux critères de solidité mise en place par l’Autorité bancaire européenne. Cette autorité avait fait en décembre 2011 une estimation de 115 milliards d’euros pour recapitaliser les banques et augmenter leurs fonds propres. Mais, cette estimation semble lointaine aujourd’hui et nettement en dessous des besoins réels suite à la grande dégradation des dettes souveraines qui étaient dans le bilan des banques. Pour la plupart des experts, les banques françaises, allemandes et italiennes ne devraient pas avoir de grandes difficultés à répondre aux exigences européennes et à assurer leur recapitalisation. Mais la situation est différente pour les pays qui traversent la crise des dettes souveraines. Aussi les banques grecques, portugaises et espagnoles commencent-elles à s’inquiéter. Pour la Grèce et le Portugal, la situation semble maîtrisée, dans la mesure où la recapitalisation des banques faisait partie des plans de sauvetage de la troïka. Le Portugal vient d’annoncer un plan de recapitalisation de 78 milliards d’euros de ses trois grandes banques. En Grèce, le gouvernement a nationalisé le secteur bancaire et injectera près de 50 milliards d’euros en provenance de l’appui international fourni au pays.
Mais c’est la situation espagnole qui inquiète aujourd’hui les responsables politiques et économiques. Plusieurs raisons sont à l’origine de ces doutes et de ces craintes. La première est bien évidemment liée à l’importance de l’Espagne et à l’inquiétude croissante sur la capacité de l’Europe à répondre à une chute de la maison Espagne. Il faut souligner que l’Irlande, la Grèce et le Portugal, qui ne représentent que 6% du PIB de la zone euro, ont exigé la bagatelle de 450 milliards d’euros pour leur sauvetage (85 milliards d’euros pour l’Irlande, 78 milliards pour le Portugal et 292 milliards pour la Grèce). Or, l’Espagne est la quatrième puissance économique de la zone euro avec ses 12% du PIB et son sauvetage exigera certainement des sommes nettement plus importantes. Le second motif d’inquiétude est relatif aux sommes nécessaires à la recapitalisation des banques espagnoles. Le gouvernement espagnol estime aujourd’hui le montant de ces sommes à 60 milliards d’euros, alors que pour les experts cette évaluation est faible et l’appel de fonds nécessaire et pourrait se situer à des niveaux nettement supérieurs, avoisinant les 120 milliards d’euros.
Mais le motif d’inquiétude le plus important est lié aux atermoiements habituels des autorités européennes pour venir en aide aux banques espagnoles. Le gouvernement espagnol espère que cette aide pourrait provenir directement du Fonds de secours de la zone euro et aider ainsi les banques espagnoles à se recapitaliser. Or, cette proposition est repoussée par les autorités allemandes qui estiment que l’Espagne devrait, comme tous les autres pays européens, négocier un plan de réformes avec la troïka et intensifier ses programmes de stabilisation économique. Une proposition qui évacue les appels récents en faveur de la croissance et continue à soutenir bec et ongles les plans d’austérité au niveau européen et à en faire le seul remède face aux crises européennes. Mais ces atermoiements ne font que renforcer les doutes et la nervosité des marchés mondiaux.
La crise bancaire espagnole est une nouvelle étape dans les crises européennes ; mais une étape plus grave et plus dangereuse, compte tenu du poids de l’économie espagnole dans la zone euro. Une crise qui inquiète les responsables politiques au plus haut niveau, l’administration américaine ne cesse de presser les Européens à apporter des solutions vigoureuses aux problèmes européens. Car ce qui n’est qu’une crise de la zone euro ne cesse de peser sur le monde et pourrait de nouveau le précipiter vers l’abîme !
Par Hakim Ben Hammouda