J’ai insisté à plusieurs reprises, dans cette même rubrique, sur le fait qu’il n’y a pas plus vil que d’être un agent vendu à l’étranger, car cela témoigne de la faillite de ce qui fait l’humanité de l’être. C’est la face immonde de l’être humanoïde, poursuivi par la malédiction du ciel et de la terre, pourchassé par la justice du monde, châtié le jour du jugement dernier. Les traîtres et les félons finissent toujours dans la poubelle de l’histoire, après avoir été traînés dans les égouts crasseux de la félonie, après avoir goûté au pain de la honte, bu la ciguë des parjures. Les exemples sont hélas nombreux, mais ils sont bien inscrits dans les livres d’histoire qui insistent sur le fait que l’espace où se meuvent les traîtres est étriqué et l’Histoire n’a jamais vu réussir les projets des traîtres et des opportunistes !
Depuis le quatorze janvier 2011, les Tunisiens ont relevé leur degré d’exigence vis-à-vis de tous les politiciens. Ils ne supportent plus qu’ils trahissent la patrie. Ils les veulent irréprochables, non seulement sur le plan de la légalité, mais aussi de l’éthique patriotique. Derrière cette exigence on lira, symboliquement, tous les tourments de la Tunisie postrévolutionnaire. Née de cette jonction entre l’espoir féerique et le puritanisme fantasmagorique, cette revendication populaire est particulièrement incisive lorsqu’elle vise notre relation à la politique politicienne en général et à la horde des politicards de la vingt-cinquième heure du soulèvement en particulier. Il est courant, en effet, de convoquer à leur sujet l’idée de puissances prédatrices, voire maléfiques. Surtout que la trahison est un phénomène omniprésent dans notre histoire ainsi que dans le for intérieur de notre imaginaire collectif. Il nous semble que la traîtrise et la trahison du passé s’associent à celles d’aujourd’hui. À chaque génération ses traîtres. À chaque étape de la décadence morale, le peuple a sous-estimé le danger et réagi avec un temps ou deux de retard. Mais les souvenirs de la trahison répétée durant notre longue histoire sont toujours vivaces. C’est que le traître, comme l’affirment les faits relatés par l’Histoire ancienne et moderne, ne conçoit le monde qu’à travers le lorgnon de son opportunisme abject et vil, à tel point qu’il en devient capable de se défaire de tout, jusqu’à la feuille de vigne qui couvre ses parties honteuses, afin de satisfaire ses maîtres qui ne cessent de lui promettre monts et merveilles, promesses qu’ils se garderaient bien de tenir dès qu’ils n’auront plus besoin de ses services.
Quels que soient les faits et l’inexorabilité de la triste fin des traîtres, les nouveaux venus au cloaque de la félonie ne possèdent pas le discernement nécessaire et la force psychologique et morale indispensables pour tirer la leçon de ce qui est arrivé à ceux qui les ont précédés sur les sentiers de la honte. Car, l’assujettissement au maître protecteur les prive du reste d’humanité et la traîtrise transforme son auteur en un ennemi hystérique de son pays et de ses concitoyens. La félonie rend aveugle et paralyse les esprits.
Ces dernières années, une poignée de descendants d’Abou al-Hassen al-Hafçi -celui qui a appelé les Espagnols à son secours pour se maintenir au pouvoir, devenant ainsi le symbole des traîtres, attribut que lui colle l’Histoire jusqu’à nos jours- ont profité de l’obscurité de la traîtrise pour s’infiltrer, accompagnés par une horde de la race de Mustapha Ben Ismaïl, qui ont réparé à sa stérilité naturelle pour lui assurer une vile descendance, en appliquant sa méthode félonne, puisqu’il recevait du consul de France à Tunis les ordres de saboter l’économie tunisienne. Ses protecteurs l’ayant abandonné par la suite, quand il est devenu inutile, il a passé le restant de sa vie à errer dans les rues de Paris et d’Istanbul, pour être ramassé un matin d’hiver, mort de faim et de froid sur les trottoirs !
Je défie quiconque serait capable de me fournir le nom d’un seul traître qui ait réussi dans ses ignobles desseins, après avoir vendu son pays et fait appel à l’étranger contre son peuple.
La Tunisie a toujours été et restera toujours plus grande que les traîtres qui passeront inexorablement à la trappe des égouts de l’Histoire.