Les causes de l’échec de Monsieur Habib Essid

En janvier 2015, toute la Tunisie avait hâte de sortir de la lamentable période post révolutionnaire provisoire qui n’a donné à aucun gouvernement assez de légitimité pour conduire les affaires du pays. Le problème de la légitimité ayant été enfin résolu par les élections de 2014 donnant un mandat quinquennal au nouveau pouvoir, tout le monde s’attendait à un gouvernement fort qui puisse mettre en avant l’intérêt national, frapper avec force les maux qui ont plombé le pays depuis plusieurs années et assurer le relèvement de la Tunisie sur des bases saines et solides par un puissant plan de développement et une lutte sérieuse contre le terrorisme et la corruption.

Un homme non outillé pour gouverner

Sur conseil de M. Ridha Belhaj, le directeur de son Cabinet Présidentiel, M. Béji Caïd Essebsi a décidé de nommer M. Habib Essid.
Ancien ministre de l’Intérieur d’une période trouble (2011), ancien membre des cabinets des deux chef de gouvernement nahdhaoui, cet ingénieur agronome n’a aucune connaissance de l’économie et aucun charisme, il est très loin d’être un meneur d’hommes. Il a des difficultés à s’exprimer, ce qui, dans le cadre de la présidence d’un gouvernement est une tare car un premier responsable se doit d’être déterminé, clair et persuasif. Trois qualité parfaitement absentes. Le choix était donc à la base très douteux, mais les Tunisiens, positifs, lui ont quand même accordé leur confiance.

Rétablir la confiance était parfaitement possible pour un nouveau gouvernement car dans les trois domaines essentiels, économie, antiterrorisme, corruption,  il suffisait de quelques décisions pour inverser les tendances négatives.
En économie par exemple, la réactivation des dizaines de projets dormants aurait pu provoquer, en quelques mois, l’enthousiasme des opérateurs et initier le décollage de l’économie.
D’autre part, les problèmes mineurs de la Société des phosphates de Gafsa auraient pu, grâce à la légitimité nouvelle du gouvernement, être résolus immédiatement surtout que la Compagnie des Phosphates peut, à elle seule, assurer le service de la dette! Mais M. Essid n’a même pas jugé utile de se déplacer à Gafsa pour discuter avec les protagonistes !
La question du terrorisme aurait pu, elle aussi, être résolue rapidement car, au sein du ministère de l’Intérieur comme de la Justice, tout le monde savait ce qui se tramait contre l’intérêt national.
Enfin, en ce qui concerne la corruption, les personnalités qui couvrent la corruption sont connues et n’importe quel vrai chef de Gouvernement aurait réussi, avec un minimum de courage politique, à frapper les têtes. Mais rien n’a été fait.

L’échec économique

Côté grands projets, M. Habib Essid a opposé aux entrepreneurs de ces projets les motifs pitoyables que l’administration leur avait déjà présenté. Au lieu de trouver des solutions, de réunir tous les services concernés, de mettre à contribution l’ARP, de créer un staff de résolution des problèmes administratifs empêchant leur réalisation, Monsieur le Chef du Gouvernement a, au contraire, appuyé l’administration dans le blocage de ces projets !
Les exemples sont très nombreux, contentons nous du projet de reprise, par des investisseurs chinois, de la Compagnie Sfax-Gafsa. Des Chinois ont offert au gouvernement tunisien une excellente proposition de reprise en y ajoutant la création de 10 000 emplois! De quoi largement mobiliser toute la région de Gafsa contre les détracteurs de la CPG. Mais, miné par la corruption au sein de son propre cabinet, M. Essid ne fera rien de valable pour défendre l’intérêt supérieur de la Tunisie. Et ce sera la même chose pour une bonne douzaine de projet géants qui, additionnés, représentent au moins 100 milliards de dinars, de quoi largement relancer l’économie du pays pour plusieurs années.

L’échec dans la lutte antiterroriste

Côté antiterrorisme, plusieurs spécialistes de la question avaient, depuis 2012, présenté les plans nécessaires pour contrer de façon sérieuse et rapide le terrorisme. Mais l’incapacité et la mauvaise foi de la Troika avaient aggravé la situation. Début 2015, M. Habib Essid, au lieu de corriger le problème, l’aggrave en laissant vacant le le poste de Directeur Général de la Sûreté Nationale qui est le véritable chef d’orchestre de la lutte antiterroriste, car c’est lui qui assure la coordination entre les 7 directions générales de la police.
Immédiatement, les spécialistes lui font la remarque : ce poste ne peut rester vacant, il y va de la sécurité nationale! Mais cette simple mesure applicable en 30 secondes sera rejetée par M. Habib Essid. Après l’attentat du Bardo, ne voulant pas reconnaître sa faute, il persiste à laisser le poste vacant. Après Sousse, il continue dans son aveuglement. Quand, M. Habib Essid a-t-il enfin décidé de nommer quelqu’un à ce poste? Après le troisième attentat, celui contre la Garde Présidentielle.
Depuis, aucun attentat important n’a été commis. Malheureusement, le mal était fait.

L’échec de la lutte contre la corruption

Côté corruption enfin, la Tunisie post révolutionnaire est entrée dans une zone de grande corruption. Les corrupteurs, très hauts placés et soudoyant des centaines de responsables, commencent à devenir les vrais maîtres du pays. L’économie souterraine, en chiffre d’affaire, est passée devant l’économie légale.
Qu’a fait M. le Chef de Gouvernement?
Rien. M. Chawqi Tabib, nouvellement nommé à la tête d’une Instance anti-corruption, a plusieurs fois lancé l’alerte, déclarant que la corruption venait du pouvoir lui-même, ou était couverte par lui. Mais aucune réaction du pouvoir. Il n’y a qu’au sein de la Présidence de la République qu’un appui total a été donné à M. Tabib, alors que les soupçons de corruption commençaient à s’approcher très sérieusement de M. Essid lui-même qui, au sein de son cabinet, compte des conseillers très largement compromis dans de très grosses affaires dont l’une vient d’être mise à jour par la Commission Contre la Corruption de l’ARP et qui concerne un marché de la STEG à hauteur de 290 milliards.

Ainsi, concernant les trois priorités de l’État: l’économie, le terrorisme et la corruption, le bilan de M. Essid est particulièrement mauvais. Il a en fait contribué de façon directe à appauvrir le pays, affaiblir l’État et augmenter le terrorisme et la corruption.

Le Président Béji Caïd Essebsi a désormais un choix important à faire. Soit il met à la tête du gouvernement un homme capable sérieusement de relancer l’économie et d’attaquer de front les petitesses qui plombent la Tunisie, soit il va poursuivre la politique de  l’impunité, de l’amateurisme et de l’unanimisme et contribuer ainsi à jeter le pays dans le précipice de la non gouvernance.

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