Par Alix Martin
Le bois de Gammarth
Même si nos orchidées sont plus petites et moins « extravagantes » que leurs cousines exotiques, elles n’ont rien à leur envier en ce qui concerne la diversité des formes et des couleurs.
Avant que le bois et la colline de Gammarth ne soient incendiés puis transformés en dépotoir, avant que l’urbanisation forcenée et la construction d’une marina bien peu « accueillante » ne réduisent, de façon drastique, le boisement, le dernier poumon vert de la banlieue nord, plus d’une quinzaine d’espèces d’orchidées sauvages était une des parures curieuses de ces lieux.
Pourquoi nous intéresser aux orchidées ? D’abord parce qu’elles existent, ensuite parce qu’elles sont belles et curieuses, enfin parce qu’elles ne supportent pas les pollutions chimiques agricoles.
Elles sont connues depuis l’Antiquité. Jusqu’à une date récente, on en considérait certaines comme des plantes médicinales. En Turquie, on fabrique encore avec des racines d’orchidées broyées, le « Soulep » qui passe pour avoir des vertus aphrodisiaques !
Une des premières à fleurir à Gammarth : l’Ophrys tenthredinifera est appelée « meit ou haï » : morte et vivante. Sa racine en forme de deux petits bulbes est vendue, en grand secret, par les herboristes, aux épouses trompées par un mari volage. L’absorption d’une des deux boules : la « Sèche », la « morte » portera un coup fatal à la virilité du Dom Juan. Il ne s’en remettra qu’à condition d’absorber le deuxième bulbe de … la même plante !
En se promenant lentement, on observe les plantes parce que nos orchidées, à part la géante « Barlia » qui pousse sous les pins de la zone touristique et qui « élève » ses fleurs rose indien à 60 centimètres du sol, dépassent rarement 40 centimètres de haut.
Et l’on découvre, au milieu du terre-plein central, près d’un tombeau antique comblé qui borde la piste, tout un groupe de « subfusca » que les spécialistes nomment : Ophrys aspea, Ophrys battandieri ou flameola.
Plus bas, au-dessous du château d’eau, on découvre d’abord les Ophrys lutea tout jaunes, puis, le long des pistes, des Ophrys flammeola, funerea bleu sombre et des Ophrys speculum : le miroir de Venus au labelle bleu électrique !
En arpentant les pentes Sud-Ouest, on découvre dès le mois de Février les Orchis collina roses qu’on croyait disparus de Tunisie, les tout petits Ophrys bombyliflora grenat et tardivement les grands Ophrys apifera aux pétales rose vif.
De temps en temps, si on fait bien attention, on croise un petit Serapia, parviflora : le pauvre : à petites fleurs ! On avait trouvé, en bas, au Sud, dans une ancienne carrière, souvent inondée, de superbes Anacamptis coriophora fragrans au parfum subtil d’anis mêlé de vanille.
Le Jebel Ammar
Un peu plus loin, au carrefour de la route de Bizerte et de celle menant à Sidi Thabet, on choisit d’aller, à gauche, vers Jabès ou Zabeus, selon le panneau indicateur. Cette petite route conduit, après les dernières maisons, au pied du Jebel Ammar, surmonté, à cet endroit, d’une tour de surveillance forestière et d’un campement militaire.
Rangez votre véhicule à droite et regardez dès que vous avez traversé la route : les fusca s’épanouissent offrant les bleu nuit, grenat, lie de vin, bleu canard des Ophrys funerea, iricolor, valesiana. De temps en temps, on croise un Ophrys que les « spécialistes » s’entêtent à appeler « Scolopax subsp apiformis » alors que nous le nommons « Ophrys Jugurtha » en raison de la « macule » originale de son labelle et de ses pétales vert clair. On le rencontre dans tout le Nord de la Tunisie : c’est donc une espèce !
On y croise aussi le très curieux Orchis anthropophora au labelle en forme d’un « petit homme » orangé, le magnifique Anacamptis papilionacea aux grandes fleurs rose indien et la très discrète Neotina maculata aux feuilles tachetées. Il reste certainement d’autres espèces à découvrir, au moins, sur la colline située du côté droit de la route que nous n’avons jamais explorée tant nous avions vu d’orchidées sur le Jebel Ammar.
Il resterait aussi à s’arrêter, en allant ou en revenant, sur la colline, éventrée par des carrières désaffectées servant de dépôts d’ordures, bordant la route de Borj Touil menant au centre commercial « Géant ». De grandes pistes, destinées aux bennes à ordures y mènent. Sur les pentes, entre les carrières, parmi de jeunes plants d’arbres, s’épanouissent les splendides fusées roses des Orchis italica. Nous n’en avons jamais vu ailleurs d’aussi grands et d’aussi colorés !
Les colllines de Ghar el Melh
Allons plus loin ! À la sortie du village d’Aousja, on emprunte la route menant à Rafraf. À deux kilomètres d’Aousja, on arrive dans un « col » entre l’extrémité ouest du Jebel Nadhour surplombant Ghar El Melh et une chaîne de petites collines qui va d’Aousja jusque vers Metline. Beaucoup sont couvertes de bois de pins d’Alep ou de « maquis à moutons ».
À gauche et à droite de la route, à l’orée du boisement, de préférence : les orchidées aiment un certain ensoleillement, pas trop « violent », nous avons trouvé une bonne vingtaine d’espèces d’orchidées. Il y en a certainement d’autres à découvrir par des randonneurs aguerris. Elles fleurissent du mois de Mars au mois de Juin. Nous avons même vu des Ophrys speculum : le miroir de Vénus, ainsi que de grands iricolor bordeaux et des caesiella bleu gris rayé, fleuris à la mi-février.
À la « bonne » saison, au soleil déjà chaud d’Avril, quand dans la campagne, en fête, tout est éclosions, vies, parfums et couleurs, avec les cailles qui « rappellent », les perdrix accouplées qui s’envolent une après l’autre, l’envol des dernières grives, les chants éperdus des passereaux, clamant qu’ils ont installé leur nid tout à côté, les querelles des moineaux, affairés aux transports de pailles ou de brins d’herbe pour construire leur nid dans les acacias épineux, les sous-bois sont accueillants. On y flâne avec plaisir. Les rôtisseries, le long des routes exhalent leurs parfums de viande grillée qui font saliver le randonneur aux alentours de midi. Parfois il « délaisse » son casse-croûte « spartiate » et s’offre une grillade chaude et parfumée !
On reparle alors d’aller éventuellement sur le Jebel Kochabta, tout proche vers l’Ouest, de l’autre côté de l’autoroute menant à Bizerte. Mais on s’aperçoit que depuis l’embranchement de la route de Bizerte et celle de Ghar El Melh, depuis Gournata jusqu’à Aousja, au Nord de la route, il y a toute une ligne de collines inexplorées.
Nous pouvons vous assurer qu’elles sont aussi des « collines à orchidées » et à promenades. Il suffit d’y aller !
Alix Martin