Les confessions d’un francophone !

Je n’ai pas l’habitude de m’expliquer sur les étiquettes saugrenues que des abrutis essaient de me coller. Mais, sans sombrer dans un «humanisme béat», je partage avec Voltaire, Goethe, Ibn Arabi et Mahmoud Messadi une détestation de l’introversion identitaire. Pourtant, je comprends que certaines révélations puissent susciter des réserves, voire une levée de boucliers, dans un pays en pleine crise d’identité. Reconnaître, par exemple, que vous êtes francophone vous exposera à une campagne de haine sur les réseaux sociaux : c’est que depuis l’avènement de l’islam politique dans notre pays, l’ignorance ne cesse de faire des progrès. Pendant les meetings des islamistes et de leurs idiots utiles les populistes, il y a toujours un bon moyen de se faire applaudir par l’assistance en délire, vitupérer contre l’Occident colonialiste, déverser des tombereaux de brocards, d’injures et d’outrages sur la francophonie. 
Effet garanti. Parce que, pendant la dernière décennie, les islamistes et les nationalistes populistes ont joué avec un discours identitaire irrationnel, sans le contrer par un plaidoyer universaliste convaincant. Mais cela ne m’empêche nullement de reconnaître ma francophonie malgré mon bilinguisme, suivant la leçon de Léopold Sédar Senghor, dont le mérite consiste à avoir intégré à l’histoire des idées humaines, telle la tolérance comme outil de penser en soulignant magistralement que «la francophonie s’inscrivait en rupture avec le colonialisme». Parfois la lumière vient d’un ancien colonisé qui parle de miséricorde. En fait, notre rapport à la francophonie devrait être régi par le principe d’une transparence imprégnée des valeurs humaines prêchées par la Révolution française, source d’inspiration pour le monde entier. 
Être francophone, c’est justement prendre en considération plusieurs autres choses que la langue française. Dans ce sens, moi qui ai tant adoré le génie d’Albert Camus, je suis contraint d’admettre qu’il a démontré un coupable chauvinisme en affirmant :« Ma patrie, c’est la langue française». Non, la francophonie n’est pas seulement une langue, c’est un espace favorable à l’épanouissement des revendications émancipatrices. Une perspective de développement et de sécurité à la fois. 
Une culture qui croise tant d’atouts. Elle mérite mieux que des propositions mal pensées et jamais appliquées. Elle peut néanmoins évoluer pour s’adapter à de nouvelles réalités sans pour autant remettre en cause ses fondements. Surtout que l’espace francophone se trouve au cœur des risques liés à la dynamique de chaos qui s’est emparée du Moyen-Orient et de l’Afrique subsaharienne. Cette dernière présente tous les symptômes du syndrome somalien propre aux guerres ingagnables. Le «djihad» ne cesse de s’étendre du Mali vers le golfe de Guinée. 
Dans ces pays francophones, les dents de l’islamisme et du nationalisme sont en train de repousser pendant que les valeurs universelles, liées à la francophonie, perdent leurs attraits et ce ne sont pas les sommets, si bien organisés soient-ils, qui retourneront le vent de l’histoire. Par ces temps de dérive radicale, de violence galopante et d’emballement, voire d’affolement du système international, il est absolument nécessaire de passer des discours à l’action et réinventer un projet commun permettant le développement d’une capacité de gestion des crises et de réaction urgente et une stratégie qui lie les enjeux de sécurité et de développement au sein d’une nouvelle alliance francophone. Ce projet doit prendre la forme d’un concept stratégique sans être totalement déconnecté de la politique intérieure de chacun de ses membres, de son dynamisme économique et culturel, de sa cohésion nationale et de ses particularités sociales. 

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