La Tunisie peut s’enorgueillir, légitimement, d’avoir réussi un processus électoral démocratique, libre et transparent. Après trois années de tâtonnement et d’improvisations malheureuses tant au niveau de nos relations extérieures que dans la stratégie de notre sécurité nationale, les défis pour la nouvelle présidence (on parle d’institution républicaine) sont pléthoriques à bien des égards. Car si la critique fut souvent acerbe pour les trois années du gouvernement de la Troïka, on se demande dès lors si le nouveau président et son équipe se rendent compte, d’une part, des dégâts causés par des politiques irresponsables qui ont conduit à obérer nos relations étrangères avec de nombreux pays amis et, d’autre part, l’affaiblissement de l’Etat qui a favorisé l’ « essor du terrorisme ». D’une façon synthétique, nous allons développer quelques points des véritables défis qui attendent le nouveau Président de la République dans un contexte politique qu’on peut qualifier de relativement stable.
Le défi sécuritaire : une priorité
Avec l’assassinat de l’agent de la Garde Nationale à El Fahs, dans la nuit de dimanche à lundi, la loi anti-terroriste et la question sécuritaire pèsent aujourd’hui lourdement sur la scène politique. Par son statut de chef suprême des forces armées et de président du Conseil de la Sécurité Nationale, nous pensons qu’il serait grand temps de réviser le statut et la place de l’armée dans la préservation de la sécurité nationale. Opter pour une armée de métier serait un défis majeur pour la Tunisie afin de palier à de nombreuses déficiences au niveau des compétences requises et surtout dans la participation de l’armée dans la guerre contre le terrorisme et son devoir de relever le niveau de vie des Tunisiens. N’oublions pas que l’armée doit être prête à affronter plusieurs fronts : guerre contre le terrorisme, la protection de nos frontières, catastrophes naturelles, épidémies, intervention dans les infrastructures et aides aux régions difficiles etc… Ainsi, le rôle de notre armée nationale dans la vie des Tunisiens est primordial pour garantir le prestige de l’Etat et sa souveraineté, car le véritable combat aujourd’hui est de rehausser la Tunisie au rang des pays développés. Même si une armée de métier nécessite un budget conséquent, il serait probant d’engager l’idée et de la construire à petite échelle, c’est la garantie aussi d’avoir une armée bien équipée et à la pointe de l’évolution technique et technologique. Non moins importante serait aussi l’ouverture de l’armée sur le monde académique et universitaire : faire la jonction entre la demande technologique de l’armée dans différents secteurs et nos compétences universitaires sur la base du développement et de la promotion des inventions tunisiennes pour évoluer vers le lancement d’une industrie militaire tunisienne ? L’exemple de la Turquie et du Brésil est à méditer.
Loin des discours fanfarons et creux, il faut penser sérieusement à réformer notre armée nationale et lui donner les moyens de ses ambitions, et cette demande se justifie encore plus avec les dangers qui guettent notre pays de tous parts.
Avec cette vision que nous qualifions de stratégique n’oublions surtout pas le côté social de notre armée, du simple soldat au plus haut gradé : penser à épargner notre armée des soucis de la vie quotidienne, c’est lui permettre de se consacrer pleinement à sa fonction première : la défense de la patrie.
Enfin, pour le recrutement annoncé, nous pensons qu’il faudrait y consacrer une réflexion profonde afin que les nouveaux élus doivent apporter un plus et donner la priorité aux diplômés et combler les lacunes au niveau des métiers lacunaires.
Les relations étrangères
La Tunisie n’a jamais vécu une période aussi creuse et parfois insensée dans sa politique étrangère, et j’en parle en tant qu’historien qui sait fort bien que la Tunisie fut longtemps la destination préférée des chefs d’Etats africains et arabes pour chercher des compromis ou régler des conflits. Il serait grand temps que notre diplomatie revienne à défendre les intérêts de la Tunisie d’abord et non la gloire d’une personne. Rétablir les relations diplomatiques avec la Syrie, l’Egypte et remettre la pendule à l’heure avec l’Algérie, les Emirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite doivent être une priorité. Pensons aussi à la diplomatie économique et à la situation des Tunisiens à l’étranger dans de nombreux pays, leur représentativité compte beaucoup pour soutenir l’effort économique qui nous attend pour les années à venir.
On déplore aussi le manque d’antennes sécuritaires dans nos ambassades à l’étranger, la dissolution de la police politique avait laissé un vide et de nombreuses associations douteuses avaient trouvé un terrain de prédilection afin de noyauter des jeunes et financer des projets en Tunisie.
Il faudrait à notre sens exploiter au plus haut point cet engagement démocratique de la Tunisie afin que son image resplendisse et redorer son blason, car on regarde avec beaucoup d’admiration de ce processus accompli, et elle peut être l’émissaire de paix. Les hommes qui doivent représenter cette diplomatie doivent être à l’image de la politique étrangère du pays et les qualités de compétence, de propreté et d’intégrité doivent être des conditions absolues pour être les ambassadeurs de notre pays.
Ce sont quelques idées à creuser certes et à développer, mais pensons que les défis et les enjeux se jouent dans les cinq années à venir.
Fayçal Chérif
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