Le dialogue continue avec les pharmaciens nous assure-t-on à la CNAM. La dernière réunion a eu lieu le 8 avril 2014, la Caisse prépare actuellement des réponses aux revendications des pharmaciens qui leur seront proposées lors de la prochaine réunion.
Allonger les délais de remboursement
Les délais de paiement, qui sont de sept jours selon la convention, vont être revus à la hausse. Lorsque la CNAM a commencé son activité en 2008, personne n’a pu évaluer le volume de travail auquel elle aurait à faire face. Aujourd’hui elle prend en charge la santé de 8 millions de personnes, soit 3,2 assurés et leurs ayants droit. Une charge énorme de travail que la CNAM a du mal à gérer. Dans les bureaux de la CNAM, on dit que la Caisse aurait dû attendre la mise à niveau des hôpitaux publics avant son démarrage. Chose qui n’a pas eu lieu et qui explique l’engouement des citoyens pour la filière tiers payant au détriment de la filière publique qui aurait soulagé la Caisse, puisque les médicaments sont distribués gratuitement lors de la consultation.
À la CNAM on précise qu’actuellement 50% des factures des pharmaciens sont réglées dans les quinze jours, 30% dans un délai d’un mois et que seulement 20% accusent des retards à cause des irrégularités constatées dans les dossiers. Allonger les délais de paiement pour 100% des factures est envisagé par la Caisse. Une décision à prendre en accord avec le syndicat des pharmaciens.
C’est dans le cadre de la filière médecin de famille ou tiers payant et pour les médicaments avec accord préalable que les pharmaciens présentent des factures à la CNAM. Pour les tiers payant, le malade paye 30% des frais de l’ordonnance et le pharmacien se fait rembourser à hauteur de 70 %. Pour les médicaments avec accord préalable, c’est la totalité du traitement qui est avancée au malade sans qu’il ne paye le moindre millime. La CNAM rembourse le pharmacien à 100%. On rappelle que tous les assurés, quelle que soit leur filière de remboursement, peuvent bénéficier de médicaments avec accord préalable, quand ces derniers coûtent très cher.
La CNAM n’est pas un payeur aveugle
En dehors du nombre astronomique de dossiers, il y a d’autres explications à ces retards dans les délais de remboursement. La CNAM a découvert beaucoup de malversations qui se sont terminées devant la commission paritaire et les tribunaux. Des dossiers fictifs de malades, des dossiers de malades décédés, des malades qui consultent plusieurs fois par semaine, des quantités de médicaments qui dépassent les posologies réelles, des médicaments contre-indiqués pour les pathologies déclarées, etc. Citoyens, professionnels de santé de tous bords sont impliqués dans ces fraudes. Nous ne sommes pas un payeur aveugle nous dit-on à la CNAM, nous devons contrôler toutes les surconsommations, les fraudes, les fuites, etc. Donc sept jours c’est trop court pour étudier tous les dossiers et les contrôler, particulièrement dans les grandes villes où il y a beaucoup de pharmacies. Un système informatique très performant sera mis en place incessamment, avec un paramétrage spécial qui permettra de détecter toutes les fraudes : chevauchement des traitements, répétitions des consultations, contre-indications des traitements, etc.
Les irrégularités dans les dossiers
Autre motif de retard de paiement, les rejets pour irrégularités où l’assuré est tenu de régulariser sa situation.
Cartes de soins non valables : l’assuré présente au pharmacien une carte apparemment «valable», mais en réalité il a changé de filière et a gardé l’ancienne carte que la CNAM aurait du confisquer. (L’assuré trouvera toujours une excuse, carte perdue, volée, etc.) La CNAM va refaire les cartes en raccourcissant la période de validité et en y ajoutant une photo.
Carte qui n’ouvre pas droit : lorsque l’employeur ne paye pas la CNSS, la CNAM bloque le remboursement. Le pharmacien devient alors une «victime collatérale.»
Le cas des étudiants : avant d’avoir le bac, les jeunes scolarisés sont couverts par l’assurance de leurs parents et quand ils deviennent étudiants ils changent automatiquement de régime.
Que faire dans ces cas ? Jusqu’à présent ces dossiers litigieux étaient traités devant la commission paritaire entre pharmacien et représentants de la CNAM, mais la solution proposée par la Caisse est l’octroi d’un accès informatique aux pharmaciens pour vérifier la situation de l’assuré.
Mieux encore, au sein de la CNAM a été constitué un comité de pilotage pour la mise en œuvre des cartes à puce. Elles coûteront très cher à la CNAM, mais «on ne peut plus reculer» nous dit-on dans les bureaux de la Caisse. La carte va simplifier beaucoup de choses et faire gagner du temps à tous les intervenants, professionnels de santé, assurés et agents de la CNAM.
Qu’en est-il de l’accueil des pharmaciens dans les bureaux de la CNAM ?
Les pharmaciens se sont plaints du comportement irrespectueux, voire indigne, de la part des agents de la CNAM. À la CNAM on nous précise que dans chaque centre il existe un bureau réservé aux professionnels de santé qui ne font pas les files d’attente avec le reste des citoyens. Or, comme dans toute administration tunisienne en relation directe avec le public, on ne peut garantir la courtoisie des uns et des autres. De toute façon avec la carte à puce les déplacements ne seront plus nécessaires pour les professionnels de santé.
La convention sera-t-elle suspendue ?
On imagine mal les pharmaciens d’officine suspendre la convention sectorielle avec la CNAM. Tout d’abord il en va de la santé du citoyen et ensuite la CNAM est la poule aux œufs d’or. Depuis son avènement, le chiffre d’affaire des pharmaciens a augmenté. En 2013, au titre des remboursements de médicaments dans les trois filières, 342 milliards de millimes sont partis en frais de médicaments, ce qui représente 50% des frais de soins dans le secteur privé, soit autant que les frais de consultation, d’hospitalisation dans les cliniques privées, de radiologie, de biologie, d’hémodialyse réunis ! On imagine mal les pharmaciens renoncer à cette manne.
La CNAM va bien
On ne peut visiter la CNAM sans poser la question qui nous préoccupe tous : la CNAM est-elle en faillite, comme semblait nous le dire un ancien ministre ? Non, nous assure-t-on, elle dispose de quoi assurer sa pérennité pour les années à venir. Elle a connu un déficit en 2012 et 2013 à cause des cotisations non payées par la CNSS et la CNRPS. Si l’on arrive à faire le recouvrement de ces des comme prévu, on est sauvé pour de longues années.
Samira Rekik