Les dessous d’une réélection

Par Mohamed Ali Ben Sghaïer

La boucle est bouclée. Les congressistes du mouvement Ennahdha ont enfin réélu leur grand leader Rached Ghannouchi  à la tête du mouvement. Avec 72% des voix, l’homme fort et le co-fondateur du mouvement islamiste ne semble pas prêt, contrairement à ce qu’il ne cesse de dire, de passer le flambeau à une nouvelle génération. Agés d’au moins de 50 ans chacun, aucun des douze candidats choisis par les congressistes, n’a eu le mérite de concurrencer Rached Ghannouchi. Il faut dire que l’élection du chef du mouvement était sans suspens, étant donné qu’il n’y avait aucune personne capable de rassembler une majorité de nahdhaouis. Seul Rached Ghannouchi peut le faire. D’ailleurs, même cette “hésitation” du “père” de se présenter à la présidence du parti n’était qu’une manœuvre politique pour faire croire aux Tunisiens que l’alternance fait partie des traditions du mouvement, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Après tout, personne n’est capable d’imposer, ni à Ghannouchi, ni à quelqu’un d’autres de postuler à un poste politique quel qu’il soit.  Les douze autres candidats qui ont joué la concurrence à Rached Ghannouchi pour simuler la démocratie et la transparence, connaissent à l’avance les résultats du scrutin. Ils ont servi de décor pour une cérémonie d’allégeance. Il est difficile et même impossible de voir qu’un parti comme Ennahdha changer aujourd’hui de chef et ce pour de multiples raisons.

Nul ne peut nier que Rached Ghannouchi est la tête pensante de l’équipe au pouvoir. D’ailleurs il n’a pas cessé de donner l’image de quelqu’un qui se comportait en chef d’Etat, que ce soit lors de ses visites à l’étranger ou à l’occasion d’invitations des hauts responsables de certains pays, ainsi que  de négocier au nom de la Tunisie. Hamadi Jebali et son gouvernement ont toujours nié cet état de fait et pourtant les propos de Ghannouchi lors du congrès  concernant l’évantuel remaniement ministériel confirment que la majorité des décisions politiques sont prises en consultation avec l’homme fort du mouvement at home et non à La Kasbah.

En plus, ayant eu l’occasion historique de se transformer d’un parti d’opposition à un parti au pouvoir, Ennahdha cherche inlassablement à garder la stabilité et la continuité, condition sine qua non pour se maintenir au pouvoir. Ghannouchi représente à cet égard, l’homme providentiel pour assurer la cohésion au sein du parti. Contrairement à ses partenaires de la Troïka secoués par des crises politiques très dangereuses, Ennahdha se veut un parti rassemblé autour d’un leader charismatique. Rached Ghannouchi demeure le seul garant de cette unité et de la continuité du bon fonctionnement de la machine politique du parti. 

Ceci dit, et voulant se montrer homme de dialogue, modéré et libéral, le père Ghannouchi qui vient à peine de cueillir les fruits de longues années de répression et de torture, est conscient que son maintien à la tête d’Ennahdha lui permettra, non seulement de résister face à la campagne acharnée  qui vise le parti islamiste, mais aussi de concrétiser les principes et les idéaux qu’il a défendus durant de longues décennies.

D’ailleurs la “guerre annoncée” aujourd’hui entre Ennahdha et le reste des partis d’opposition et même de la Troïka sur la nature du régime politique du pays, démontre que le mouvement ne veut plus perdre de temps. Ayant opté pour un régime parlementaire, il veut accaparer les deux pouvoirs : législatif et exécutif.

Le congrès d’Ennahdha, dont l’organisation a démontré encore une fois qu’il s’agit d’un parti structuré, donne le coup d’envoi  pour un travail de longue haleine que le parti envisage d’entamer. Il ne s’agit que d’un premier pas. La réélection de Rached Ghannouchi va contribuer à concrétiser son projet de société.

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