Les effets du COVID-19 sur l’industrie du Football

Par Adel BEN YOUSSEF, Professeur Université Côte d’Azur et UFTAM, affiliée au GREDEG-CNRS (Nice), GLO (Bonn) & ERF (Le Caire) et Adel KHATTELI, Maître Assistant à Université de Carthage, Coach Sportif, Chroniqueur

 

Le football, en tant que spectacle mondial diffusé dans les quatre coins du monde, a été fortement perturbé par la pandémie mondiale en 2020 et en 2021. Ce spectacle est capable d’attirer des foules allant jusqu’à 100 000 personnes en mode présentiel et des milliards de spectateurs derrière le petit écran. Toute une industrie tourne autour de ce spectacle juteux : équipements sportifs, paris sportifs, centre de formations, vente/achat de joueurs, jeux vidéo, chaines de télés, etc… Une véritable industrie dont le chiffre d’affaire est colossal.

Touché par le COVID-19 comme le reste de l’économie, ce secteur n’a pas échappé aux mesures de restrictions lors de la première vague de la pandémie. Les spectacles ont été complètement arrêtés, plongeant des chaines spécialisées dans une ambiance surréaliste – sans contenu. Il fallait trouver des zones dans le monde ù l’on joue encore au football pour assurer un minimum de contenu. Mais avec le temps, le secteur s’est révélé capable d’une résilience forte et a adapté ses approches et ses méthodes pour été réinventé.La mise en place de protocole spéciaux et l’amélioration des situations sanitaires par période a permis le redémarrage des championnats majeurs. Aujourd’hui, on pourrait s’attendre à un retour à la normale d’ici le lancement des prochains championnats 2021/2022.Toutefois, le COVID-19 marquera à jamais le football mondial.

Nous voulons ici mettre l’accent dans ce billet sur trois modifications majeures.

Premièrement, une transformation de la nature du spectacle amenant les joueurs de football à changer de rôle : d’acteurs de théâtre les joueurs sont devenus des acteurs de cinéma.

Alors que la majorité des joueurs ont l’habitude d’être stimulés par les ambiances survoltés liés à la présence des spectateurs et à l’ambiance des gladiateurs dans les arènes romaines, l’absence de spectateurs et des tribunes complètement vides ont désorientés les plus grands joueurs du monde. Dès lors, les joueurs, habitués à jouer devant des spectateurs – digne des ambiances des théâtres – ont été obligés de se recentrer sur leurs rôles premiers : joueurs professionnels dans des postes bien déterminés. Les ambiances sur le terrain se sont adoucies et l’on constate de rares débordements en fin de matchs ou des échauffourées pendant les matchs. La tension a baissé d’un cran. Ceci marquera cette génération de joueurs, qui aura au moins joué pendant de longues semaines sans spectateurs et aura compris le professionnalisme dans son sens le plus pur.

La qualité des spectacles n’a pas été fortement modifiée et force est de constater que les ambiances artificielles – faux spectateurs (dans les cadres de télévision), fausse ambiance avec une bande son de spectateurs ont pu pallier les ambiances en Angleterre et en Espagne. L4adaptation à des cadres plus adéquats comme c’est le cas au Réal Madrid montre qu’un petit terrain d’entrainement maquillé et où les joueurs avaient leurs repères les a aidés à faire un parcours exceptionnel et finir par arracher la LIGA. Globalement, la qualité du football a été sauvegardé dans les championnats majeurs. Il faut dire que jouer dans une salle vide pour un acteur peut également avoir des avantages – notamment pour les plus jeunes joueurs.

Deuxièmement, le modèle d’affaire a été fortement touché amenant des négociations à la baisse des salaires de 30% dans le monde

La perte des revenus générés par les spectateurs, la perte des recettes publicitaires liées au contexte du COVID, la renégociation des contrats de télévision – notamment en France – a fortement impacté le business model – modèle d’affaire – des clubs professionnels. Les estimations calculées par notre ami, Mathieu LLORCA, économiste à l’université de Dijon, font état d’une baisse de salaires des joueurs professionnels de l’ordre de 30% en moyenne. Les clubs ont été obligés de renégocier les salaires sur la base du nouveau contexte. Justement, avec des millions de personnes au chômage, une centaine de millions de pauvres de plus dans le monde, les joueurs de football étaient pointés du doigt et la renégociation n’a pas été difficile dans la plupart des clubs. Ces calculs permettent de montrer l’importance des spectateurs dans cette industrie et du marchandising autour.

Mais plus généralement, les équilibres financiers des clubs ont été touchés. L’inexistence d’assurance spécifique pour des épisodes comme le COVID-19 amène à redéfinir le modèle d’affaires et à revoir les stratégies. L’été 2020 a été peu animé en transferts majeurs et des clubs mythiques ont des pertes colossales au stade de demandes des aides spéciales à leurs gouvernement au même titre que les autres industries. L’après COVID-19 conduira à une redéfinition forte des modèles d’affaires du football mondial.

Troisièmement, une diminution des phénomènes d’extrémisme, de hooliganisme et de tension sociale autour de la gestion de la crise du COVID-19.

Le football permet l’expression des frustrations d’une frange de la jeunesse. Le hooliganisme, les phénomènes des ultras, la xénophobie entourant le football continuent de gangrener le football mondial. Ceci permet à une frange de la population – surtout jeune – d’exprimer leursfrustrations de la société. Les champs des ultras des virages au Maroc, en Algérie, en Tunisie ou ailleurs dans le monde sont principalement dirigés contre la classe politique et le sort de la jeunesse. Ils ont été les catalyseurs de plusieurs contestations sociales récentes en Afrique du Nord. Ils expriment clairement une opinion politique de refus de l’existant. Les virages deviennent les pouls de la société.

Les virages, reprennent de manière spectaculaire les champs des rappeurs. Sur les terrains italiens, les cris de singe et les banderoles racistes ont constitué une vraie plaie pour le football italiens. Les ultras parisiens et leurs banderoles insultant les non parisiens (les lillois, marseillais et autre campagnards) ont plus que choqué le monde entier.

En étant mis à l’écart lors du nouveau format du football, cette tension n’a pas disparue, mais continue de s’exprimer ailleurs. Pour notre part, notre inquiétude c’est de la voir retourner de plus bel dès les nouvelles autorisations pour les spectateurs ou de la voir se déplacer sur l’espace virtuel. Ce ne sont que des intuitions qui nécessitent des investigations complémentaires que nous allons réaliser.

L’avenir des jeunes est presque plombé pour de deux décennies…mais au moins le moral est sauf puisque les championnats de football se déroulent normalement !

 

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