À la fin de l’été 2012, des bandes de « réprouvés » ont attaqué les bâtiments qui, à leurs yeux, étaient le symbole du « Pouvoir » gouvernemental, en particulier de nombreuses écoles rurales isolées. Heureusement, des citoyens se sont ligués pour que les enfants ne soient pas privés de l’enseignement qui doit assurer leur avenir.
La barbarie
Le 17 Septembre 2012, l’école de Haïdra, située aux environs de Jérissa, est attaquée par … devinez qui peut vouloir détruire les écoles primaires de la République. Comme ils sont très courageux, « ils » attaquent les écoles rurales isolées que personne ne peut défendre.
Leurs objectifs : détruire de fond en combles le bâtiment « administratif », piller la maisonnette dans laquelle des volontaires distribuaient des repas à des enfants, très jeunes, venant de plusieurs kilomètres et brûler le bâtiment abritant les classes.
Un humaniste affirmait qu’« ouvrir une école, c’était fermer une prison » ! Quelle est donc l’intention de ceux qui brûlent les écoles ? « Les écoles » : parce qu’il y en a eu plusieurs de détruites dans la région.
Mais des citoyens tunisiens se sont dressés contre la barbarie obscurantiste. L’Association « Terre verte », impliquée depuis plusieurs années, dans l’aide aux écoliers « délaissés » a quêté auprès d’entrepreneurs aisés pour faire réparer, au moins, les classes : que l’enseignement, la formation des enfants, l’avenir de « la Tunisie de demain » ne soit pas brisé par la folie de petits groupes d’inconscients.
Les « maîtres » ont fait réparer sommairement portes et fenêtres. Ils ont été obligés d’équiper les fenêtres de barres de fer à béton fixées par du ciment. Certaines portes ont été doublées d’une porte en fer parce que les assaillants revenaient la nuit, brisaient portes et fenêtres en bois pour achever leur œuvre.
Nous avons raconté que des cartables « garnis » avaient été distribués lors de la rentrée, que des bicyclettes avaient été données aux enfants qui habitaient loin de l’école, et que des fêtes avaient été organisées, pour prouver que les écoles brûlées, renaissaient et que les enfants étaient heureux d’y revenir.
Certes, tout n’est pas fini. Les logements administratifs n’ont pas encore été tous reconstruits. Les bâtiments scolaires ont souvent plus de 50 ans et leur construction, à l’époque où le Président Bourguiba a lancé la campagne de la scolarisation totale, a été réalisée à « bon marché » parce que les écoles ont été bâties par milliers partout. Elles auraient donc bien besoin, au minimum, d’une sérieuse restauration sinon d’une reconstruction complète.
Aussi, après leur incendie, les bâtiments scolaires ont-ils été « retapés » sommairement, repeint pour faire disparaître les traces de fumée et offrir aux enfants un cadre correct.
La fête
Le Dimanche 19 Janvier, quelques membres de l’Association « Terre verte » et des « Lions » d’El Manar ont décidé de rendre visite aux écoliers et d’apporter à l’école deux portes neuves. De nouvelles fenêtres arriveront bientôt.
Le temps était à la fête : la météo avait annoncé de la pluie. Pourtant le soleil rayonnait dans un ciel tout bleu et la tempête de vent glacial qui a suivi ne s’est levée que vers 15 heures au moment où l’on se quittait avec beaucoup de regrets et la ferme intention de revenir bientôt pour apporter, au moins, des portes en fer.
Tous les enfants grands et tout-petits avaient revêtu leurs habits de fête. Avec leurs instituteurs, ils avaient préparé, pour nous recevoir, d’abord une collation traditionnelle délicieuse : « tabouna » tiède, miel, huile et fromage blanc. Ensuite, ils nous ont présenté des chants, des danses et de charmantes scénettes. Un grand garçon s’est déguisé en clown, puis en fantôme puis en « mort » – ressuscité. Des fillettes mignonnes et délurées ont mimé, avec beaucoup de « conviction » et de naturel, un défilé de mannequins puis ont donné la réplique au « clown » et au fantôme. Ils avaient même prévu un accompagnement musical pour rythmer les danses des fillettes, fardées et déguisées à ravir.
Après de chaleureux applaudissements, tout le monde s’est amusé : les visiteurs avaient apporté un grand sac d’oranges, un autre rempli de mandarines, des biscuits et des bonbons à profusion.
L’un d’eux a eu un succès fou : il avait de très nombreux ballons de baudruche, allongés en forme de longues saucisses qu’il gonflait. Il leur donnait, à la demande des enfants, des formes différentes en les courbant et en les pinçant. Tous avaient leur cœur, leur couronne, leur sabre ou leur chien !
Deux jeunes femmes ont maquillé les enfants toute la matinée. Les joues roses étaient ornées d’un cœur, d’une fleur, d’un papillon ou de moustaches de chat. Une autre dame a organisé un concours de dessins. Bien sûr, les feuilles de papier, les crayons de couleur et les boites d’aquarelle avaient été apportés. Les thèmes étaient laissés au choix des enfants. En finale, beaucoup de dessins originaux ont reflété la personnalité et les préoccupations des écoliers.
Félicitons-les : la consommation des oranges, des mandarines, des bonbons et des biscuits n’a pas engendré de déchets abandonnés par terre. Par petits groupes, les enfants se rendaient à la grande poubelle installée dans la cour !
Les perspectives
Certes, de nombreuses associations se sont mobilisées pour « aider » les écoles rurales de l’Ouest – et d’ailleurs – du pays. Mais il reste encore beaucoup à faire. Certaines n’ont pas l’eau courante. Nous connaissons une équipe qui recherche une citerne mobile. La plupart mériteraient une restauration qui permettrait de faire construire, en face des portes des toilettes, un muret séparant d’abord celles des fillettes de celles des garçons et assurant un minimum « d’intimité » aux utilisateurs : les portes seraient « masquées ».
Sans espérer la création de ramassage scolaire ni de « cantines scolaires » généralisées, ne pourrait-on pas dans ces écoles de montagne prévoir un système de chauffage économique, électrique par exemple, même si certaines ne sont pas encore équipées de l’électricité !
Essayez de rester assis, immobiles, pendant une heure, dans une pièce dépourvue de chauffage, quand la température est voisine de 10° et que portes et fenêtres, mal jointes, laissent passer des « vents coulis » glaciaux ! On pourrait penser à une alimentation électrique par des panneaux solaires puisque l’école n’est occupée que pendant la journée. Mais nous craignons que les « voyous », qui reviennent casser les fenêtres et fracturer les portes en bois, ne montent facilement sur la terrasse et détruisent l’installation. Peut-être un petit groupe électrogène, qu’on rentrerait, en fin de journée, suffirait pour alimenter … quelques ampoules, sûrement, mais un chauffage par salle de classe ?
Le problème est à étudier sérieusement, parce qu’il reste encore deux mois froids, pour cette année au moins. Ces enfants, nous les avons appelés « La Tunisie de demain », ne méritent-ils pas, non pas notre compassion, mais une aide qui leur ferait prendre conscience de la solidarité, de la cohésion nationale ?