Les entreprises tunisiennes, une résilience à bout !

Le Cabinet Ernst & Young vient de publier son rapport sur l’état d’esprit des entreprises et des investisseurs tunisiens intitulé « Baromètre 2018 des entreprises en Tunisie ». Il s’agit d’un rapport exhaustif sur l’humeur des chefs d’entreprises et leur perception de la situation politique, économique et sociale du pays que le Cabinet EY a pris l’habitude de publier depuis quelques années.
Le rapport de cette année est venu comme à son habitude riche de données, d’enseignements et d’analyses. Et, les premiers chiffres poussent plutôt à l’optimisme et éclaircissent la grisaille actuelle. En effet, près de 60% des chefs d’entreprises nous indiquent que leurs chiffres d’affaires ont connu une évolution positive en 2018. Un résultat plutôt en progression de 6% par rapport à celui de 2016. Et, les raisons qui expliquent cette progression sont plutôt de nature interne, avec notamment l’amélioration des produits et l’amélioration de la force de vente et du marketing.
Cette progression devrait se poursuivre et près de 66% s’attendent à une amélioration de leurs chiffres d’affaires au cours des douze prochains mois. Certes, ce résultat est légèrement en dessous de celui de 2016 mais reste élevé.
Cette augmentation est à l’origine d’une amélioration de la trésorerie des entreprises. Une préoccupation majeure apparaît tout de même auprès des chefs d’entreprises en matière de trésorerie et concerne l’évolution du taux de change. En effet, si 67% des entreprises exportatrices considèrent que la plus grande flexibilité des taux de change est positive et qu’elle a amélioré leur trésorerie, 48% des entreprises locales estiment qu’elle a eu un effet négatif et qu’elle s’est traduite par de plus grandes tensions sur la trésorerie. Mais, une grande majorité (85%) des entreprises dans certains secteurs liés au marché interne, et notamment l’agroalimentaire, estiment que la flexibilité du dinar a eu des effets négatifs sur leur trésorerie.
Un autre résultat optimiste concerne les intentions d’investissement avec près de 45% des chefs d’entreprise qui ont projeté d’effectuer des investissements lors des douze prochains mois. Certes, ce résultat est en léger retrait par rapport à celui de 2016 mais reste relativement élevé. Il faut également mentionner deux autres éléments essentiels dans la stratégie des entreprises tunisiennes au cours des prochains mois. La première concerne la volonté de se développer sur les marchés internationaux et particulièrement en Afrique, et près de la moitié des entreprises sont déjà présentes sur ces marchés ou envisagent de le faire rapidement. Le second élément concerne la digitalisation où un grand nombre d’entreprises se sont engagées dans cette dynamique de modernisation.
Ainsi, ce rapport laisse apparaître une vision plutôt optimiste avec des entreprises qui, en dépit des difficultés et des contraintes politiques et économiques, parviennent à développer leurs chiffres d’affaires et à réduire les tensions sur leurs trésoreries. Par ailleurs, ces entreprises cherchent également à s’internationaliser et à tirer profit des opportunités offertes sur les marchés africains. Elles cherchent également à se moderniser en s’engageant sur le chantier de la digitalisation.
Cependant, cette image doit être nuancée par les inquiétudes et les préoccupations des entreprises. En effet, cette enquête soulève un grand nombre de griefs et de peurs. La première préoccupation concerne la résilience des entreprises et leur capacité à faire face aux crises et aux difficultés. A ce niveau, il faut souligner que 40% des investisseurs considèrent que leurs entreprises connaîtront de graves difficultés dans les deux prochaines années si la situation actuelle perdure. Ce résultat est en nette progression de près de 15 points par rapport à celui de 2016.
Et, les chefs d’entreprises ne manquent pas d’évoquer les motifs de leurs préoccupations et de leurs inquiétudes sur l’avenir. Ls situation politique est à l’origine des inquiétudes de près de 88% d’entre-eux qui considèrent que la situation politique est instable. D’autres préoccupations d’ordre économique sont également présentes, notamment l’évolution de la politique de change, la pression fiscale de plus en plus forte, ainsi que l’instabilité sociale et les tracasseries administratives qui sont de nature à décourager l’investissement et à réduire la prise de risque.
Cette étude a présenté une série de résultats importants qui sont significatifs de l’humeur des chefs d’entreprises et de l’évolution de l’investissement lors des prochaines années. Cette étude a montré des résultats plutôt positifs avec notamment l’évolution des chiffres d’affaires de nos entreprises et des intentions d’investissements au cours des prochains mois. Mais, elle a également soulevé de grandes inquiétudes notamment liées à la détérioration de la résilience des entreprises ainsi que leurs motifs d’inquiétudes sur les plans politique, économique et social.
Cette étude met également en exergue la détérioration de l’environnement économique et financier dans l’analyse des chefs d’entreprises. Des indications qui montrent que la crise de notre économie ne peut pas se résumer à la crise des finances publiques mais que le mal est plus profond et exige une vision économique claire et audacieuse capable de porter l’investissement et de maîtriser les grands équilibres macroéconomiques. n

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