Les événements du 26 janvier 1978, surnommés également « Jeudi noir », représentent une étape décisive dans l’histoire de la Tunisie moderne. ces évènement tragiques marquent un affrontement violent entre la population tunisienne et le régime de Habib Bourguiba, dans un contexte de crise économique profonde et de mécontentement généralisé face aux politiques réformistes menées par le gouvernement.
À la fin des années 1970, la Tunisie traversait une grave crise économique, aggravée par une forte augmentation des prix des produits de base. En 1977, le gouvernement tunisien décida d’augmenter les prix de certaines denrées alimentaires essentielles, une mesure qui a eu des conséquences dévastatrices pour les classes populaires, déjà fragilisées par la montée du chômage et l’accroissement des inégalités sociales. La politique économique menée par Bourguiba et son Premier ministre Hédi Nouira, visant à moderniser le pays, s’est avérée inefficace pour répondre aux attentes des syndicats et de la population. Cette situation a exacerbé la frustration des travailleurs et des citoyens.
Face à cette crise, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), le principal syndicat du pays, a lancé une grève générale le 26 janvier 1978 pour protester contre la situation économique et revendiquer la défense des droits syndicaux et des libertés. Ce mouvement a rapidement pris de l’ampleur. Bien que soutenue par une grande partie de la population, la grève a dégénéré en violences et affrontements entre les manifestants et les forces de sécurité, soutenues par l’armée. Des milliers de travailleurs et de jeunes, principalement issus des classes populaires, sont descendus dans la rue pour exprimer leur colère.
Le gouvernement a réagi par une répression violente, déployant massivement les forces de l’ordre pour écraser le mouvement. L’usage de balles réelles a fait plusieurs dizaines de morts et de nombreux blessés. Plusieurs dirigeants de l’UGTT, dont son Secrétaire général Habib Achour, ont été arrêtés ou persécutés. Cette répression a également conduit à une rupture définitive entre le gouvernement de Bourguiba et les syndicats, qui ont vu leurs demandes d’autonomie et de réformes sociales ignorées.
Les événements du 26 janvier 1978 ont profondément marqué le paysage politique tunisien. Ils ont révélé le fossé de plus en plus large entre le pouvoir de Bourguiba et la classe ouvrière, tout en consolidant le rôle de l’UGTT en tant que force centrale de la contestation contre un gouvernement jugé autoritaire. Cette révolte a exacerbé les tensions sociales qui couvaient depuis plusieurs années.
En dépit de la répression brutale, les événements du 26 janvier 1978 sont devenus un symbole fort de la lutte contre les politiques économiques injustes et un jalon dans l’histoire des relations entre le gouvernement tunisien et la société civile. Ces événements ont montré la capacité des syndicats, en particulier l’UGTT, à mobiliser la population contre l’autoritarisme et à revendiquer des réformes sociales. Bien que ces manifestations n’aient pas entraîné de changement immédiat, elles ont jeté les bases des luttes sociales futures et continuent d’influencer la mémoire collective du pays.
Med Ali Sghaïer