Les grands projets “Khaliji” : Mirages ou difficultés conjoncturelles ?

La plupart des grands projets d’aménagement urbain dans le Grand Tunis, promus par des institutions financières célèbres, originaires du Golfe persique et annoncés en grande pompe à la fin des années 2000, connaissent un statu quo inexplicable. Ils n’ont même pas été entamés pour certains, et connaissent de grandes difficultés et des retards considérables, pour d’autres.
Alors que l’Etat tunisien leur avait accordé des concessions “impensables”, des conventions très avantageuses avaient été signées à l’époque en leur faveur.
L’opinion publique et la presse tunisienne, à l’époque, avaient été bernées par les promesses annoncées par les promoteurs avec l’aval des responsables tunisiens au pouvoir : des mirages pour ce qui est des investissements massifs à consentir par lesdites institutions, des emplois à créer par dizaines de milliers pour les diplômés du supérieur au chômage, ainsi que plusieurs pourcentages additionnels annuels de croissance du PIB de la nation, outre la dynamisation de l’économie tunisienne avec l’installation sur place d’entreprises étrangères et le transfert de savoir-faire et de technologie au projet du personnel tunisien.
Dix ans après, le bilan que l’on peut faire est non seulement maigre voire insignifiant, mais, également décevant lorsqu’on le compare aux avantages et aux concessions accordées. Il s’agit surtout de vastes terrains, occupant une position stratégique aux portes de la capitale ou dans un site touristique, bradés à des prix incroyables sinon symboliques ou, comme dans le cas de Sama Dubaï, 800 hectares ont été cédés dont le port de commerce de Tunis selon une convention approuvée par le parlement en 2008 gratuitement (au dinar symbolique) alors que le projet n’a même pas démarré à ce jour.
Il est toutefois vrai, dois-je le mentionner, qu’un pavillon de 200 m2 environ a été construit en 30 jours pour la pose de la première et dernière pierre en fanfare avec la participation de l’émir de passage à Tunis. Convention non dénoncée à ce jour pour des motifs tenus jalousement secrets.
Je ne peux pas, je ne veux pas non plus, croire que la signature de cette convention et sa non-dénonciation à ce jour au bout de dix gouvernements successifs, soient empreintes de suspicion de corruption !
Parmi les avantages accordés, la liberté de circulation des capitaux en devises avec l’étranger, l’exonération de paiements d’impôts sur les bénéfices pour les entreprises étrangères qui s’implantent, la réalisation des amenées de réseaux de fluides et le financement des infrastructures de base par l’Etat tunisien jusqu’aux limites des superficies des zones concédées,…
Les travaux relatifs à la réalisation du port financier de Raoued avancent lentement, par saccades, en ce sens que le calendrier initial n’a pas été respecté et qu’il y a eu une longue interruption après le déclenchement du soulèvement populaire du 14 Janvier 2011.
Faut-il invoquer une fatalité liée plus ou moins à la fantaisie des grandes fortunes nées fortuitement avec les gisements de pétrole du Moyen-Orient et l’argent facile ou encore les mirages du désert, troublés par le choc de la crise financière de 2008 et ses retombées sur les spéculateurs du Moyen-Orient sur les places boursières internationales ?
Je suis plus enclin à penser qu’il s’agit d’investisseurs orientaux, conseillés par des experts étrangers qui saisissent les opportunités qui leur sont offertes par des chasseurs locaux de commissions occultes pour se faire beaucoup de bénéfices grâce à de grandes opérations immobilières qui sont le socle de base du projet. Le reste, c’est de l’habillage : hôtellerie, commerces, bureaux. On prend le terrain pour “rien” ou pour 4 sous, on vend les logements très cher sur plans, vu le site, et on construit avec l’argent des clients.
On conçoit le projet en plusieurs étapes de façon à recycler les recettes des ventes antérieures.
Si on a besoin de financements, on emprunte chez les banques locales de préférence, suite à une garantie sur hypothèque immobilière.
Pour les bureaux, on vend très cher aux entreprises qui veulent s’installer en faisant valoir les avantages acquis lors de la signature de la convention : pas d’impôts sur les bénéfices, personnel local compétent mais payé bon marché…

Related posts

Le danger et la désinvolture 

Changer de paradigmes

El Amra et Jebeniana