Les héritiers de la «folie» romaine !

J’ai rappelé à maintes reprises dans cette rubrique que l’Histoire ne se répète pas, mais qu’elle se pense, et entre autres par analogie, prouvant, époque après époque, une capacité à renouveler les faits et les thèmes, autrement dit à faire du neuf avec du vieux. Cela contribue à assagir notre rapport au passé, à lui restituer toutes ses leçons, à fournir une dose de sagesse à une époque qui en manque tant. Malheureusement, on ne trouve que peu de recherches où il y a cette grande audace qui donne la superbe profondeur de l’Histoire et nourrit la réflexion en fournissant un socle, la conviction que l’on est situé dans un ensemble où une foule d’ancêtres continue de nous informer.
En l’an soixante-cinq après Jésus-Christ, les Parthes de la Perse antique venaient d’envahir la Cœlé-Syrie, royaume allié de l’Empire romain. Antioche, capitale du royaume, fut emportée en un jour et brûlée. Furieux, Néron envoya contre eux ses troupes et à leur tête le général Corbulon, le plus grand homme de guerre qui fût alors. Les Parthes, effrayés, demandèrent la paix. Elle leur fut accordée, et même le royaume fut remis au plus vorace d’entre eux, un suceur de sang, à condition qu’il vînt, dans le Camp des Romains, déposer son diadème aux pieds de la statue de l’empereur.
Il n’est pas besoin d’avoir minutieusement analysé les évènements récents en Syrie et la politique, étrangement chaleureuse, des États-Unis et ses alliés envers le pouvoir moyenâgeux de ce pays, qualifié, il y a quelques semaines seulement, de terroriste, pour découvrir que la comparaison est tentante et toute ressemblance avec l’actualité n’est pas forcément un hasard, et ce n’est pas céder à une forme de dénigrement que de dire que la Syrie d’aujourd’hui ressemble à ce qu’a été la Cœlé-Syrie de l’année soixante-cinq. Le temps semble dévaler comme un torrent. Impossible à dompter. Son cours est encore plus implacable dans un Occident soumis au syndrome impitoyable de l’éternel recommencement de la tyrannie romaine. Des épisodes effrayants d’un monde aveugle, dans lequel construction et destruction se contrebalancent éternellement. Ce qui demeure inchangé en ce temps d’affolement avancé, c’est le rapport affreux à l’horreur. Il ne choque pas. L’Occident s’y fait et, s’il ne le justifie pas, il l’admet au nom de ses intérêts.
On oublie toujours qu’en suivant aveuglément ses intérêts, le puissant Empire romain a sombré dans l’autocratie, le totalitarisme, la tyrannie et la folie de grandeur, après des siècles de succès et de prospérité. Des fléaux qui influencent profondément ses héritiers d’aujourd’hui qui ont porté un coup terrible, sinon définitif, à l’ordre mondial de l’après-guerre.
Telle est, en substance, l’une des conclusions qu’on peut tirer honnêtement. Car il est question de respecter le droit international par ceux qui l’ont instauré, de se conformer à ses règles, à supposer que ces règles soient claires.
Ce qui frappe les observateurs impartiaux, partout dans le monde, c’est la renonciation à ce qui est non seulement l’autorité civilisationnelle, l’honneur d’une grande puissance, mais aussi à ce qui est probablement le moteur, le seul, d’une présence brillante dans l’histoire de l’humanité : l’idée de grandeur morale.
l’Histoire a ceci de cruel que les tyrans ne peuvent s’oublier, que leurs crimes ne s’effacent jamais des mémoires. Elle garde dans ses tiroirs de sauvages obscurités dont chacun voudrait bien éviter la vue.
Dernier épisode : quelques mois après sa nomination par Néron, le chef des Parthes entendit le bruit des cavaliers romains qui arrivaient au galop, pour l’arracher de son trône et le traîner à l’échafaud. Sa traîtrise n’a pas suffi à le sauver.

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