Quelles avancées décisives ont été accomplies par la Tunisie en huit ans ?
Hormis la liberté d’expression, dont les médias ne font toujours pas le meilleur usage, l’organisation d’élections libres et transparentes (législatives, présidentielle et municipales), la Tunisie ne peut pas se prévaloir d’un bilan flatteur depuis le 14 janvier 2011. L’incompétence des équipes dirigeantes qui se sont succédé depuis cette date, leur propension à se servir plutôt qu’à servir, l’incohérence des organisations nationales, notamment l’UGTT qui, en usant abusivement du bras de fer, a desservi aussi bien les Tunisiens que les entreprises économiques tout en se cloîtrant dans un discours dogmatique éculé, et l’amateurisme d’une société civile décalée et défendant souvent des causes perdues, ont été les facteurs qui ont précipité la Tunisie dans un cercle vicieux infernal.
La crise politique qui sévit, depuis plus d’un an, entre les deux têtes du pouvoir exécutif, les errements incontrôlables de l’ARP, devenue une arène de combat politique de seconde zone, et l’impossible consensus, ont bloqué le processus de transition et suscité des doutes sur l’organisation des prochaines élections législatives et présidentielle.
En ce début 2019, annonciateur de tous les défis et de tous les dangers, les indicateurs montrent que le pays peine à repartir du bon pied et que les graves tensions politiques et sociales et les difficultés économiques risquent d’être les sources qui peuvent conduire le pays à une nouvelle phase d’instabilité.
A l’évidence, huit ans après le 14 janvier 2011, le pays a épuisé toutes ses cartes et ne possède plus aucune marge de manœuvre qui lui permet de répondre à des attentes lancinantes et de conduire un véritable changement qui vient rompre définitivement avec le passé et redonner des raisons d’espérer à des jeunes gagnés par la désillusion et perdant tout repère. Devant une situation aussi complexe que difficile, aucune piste n’est désormais possible pour poursuivre la politique de saupoudrage et encore moins de pompier que tous les gouvernements successifs ont adoptée pour acheter la paix sociale, céder au diktat d’une Centrale syndicale dont le dérapage a fait plus de tort aux Tunisiens au lieu de leur présenter de sérieuses perspectives.
Manifestement, il faut aujourd’hui un véritable miracle pour éviter au pays un naufrage presque inévitable. Seule s’impose une prise de conscience, aujourd’hui impensable, de l’UGTT, qui ne cache plus ses ambitions politiques, et des Tunisiens appelés plus que jamais à considérer que seuls le travail et l’effort sont l’unique voie pouvant permettre un sauvetage d’une Tunisie prise en tenaille par le jeu pervers d’une classe politique qui ne se résout pas à tirer les leçons de ses échecs et qui persiste dans l’erreur.
Pour corroborer le blocage dans lequel se débat le pays aujourd’hui, huit indicateurs permettent de mesurer son dérapage et l’incapacité notoire de tous les acteurs à transcender les difficultés qui n’ont fait que gagner en profondeur et en complexité.
215 partis politiques ont actuellement une existence légale. Un chiffre qui risque de s’accroître à la faveur des évolutions que connaît le paysage politique national en prévision des prochaines échéances électorales. Une inflation qui, loin d’être synonyme de qualité de programme ou d’action, traduit néanmoins une fuite en avant des acteurs politiques qui cherchent moins à se mettre à l’écoute des préoccupations des Tunisiens qu’à assouvir leur désir de s’approprier le pouvoir.
9 gouvernements se sont succédé au pouvoir sans résultat apparent. Tous ont géré les affaires du pays d’une manière calamiteuse, sans vision ni détermination à trouver des solutions efficaces et adaptées à des problèmes de fond.
La croissance du PIB ne doit pas dépasser 2,6% en 2018, un rythme qui traduit le blocage des moteurs de la croissance et la difficulté de conduire des réformes et de résoudre des problèmes structurels de façon autre que par de simples expédients.
L’inflation a atteint en 2018 le seuil de 7,5%. En dépit de tous les efforts consentis, il s’est avéré difficile de contenir cette spirale qui n’a cessé d’éroder le pouvoir d’achat des Tunisiens. L’affaiblissement de l’autorité de l’Etat a ouvert la voie aux spéculateurs pour mettre sous leur coupe des pans entiers de l’économie tunisienne.
Le chômage, notamment des jeunes diplômés, reste élevé et le taux global demeure à un niveau élevé estimé à 15,5%. Peut-on infléchir cette tendance quand l’investissement peine à décoller, la productivité continue à baisser et la confiance peine à se restaurer ?
La pauvreté estimée par l’INS à 15,2% reste endémique, notamment dans les régions intérieures du pays, exclues du développement. 1,7 million de Tunisiens appartiennent à cette catégorie.
La dette publique continue d’exploser, atteignant en 2018, 71,4% du PIB, soit 76,1 milliards. En 2011, ce taux ne dépassait pas 40,7%_
Enfin, le Dinar poursuit sa chute libre perdant, en huit ans, presque 50% de sa valeur par rapport à l’Euro (1 euro s’échangeait en fin 2010 contre 1,927 dinar, contre aujourd’hui plus de 3,5 dinars) .