Les jeunes et la danse sur le volcan 

Par Malik Arif, stagiaire

Il est clair que la Tunisie vit, aujourd’hui, ses moments les plus sombres, marqués par de multiples crises mais aussi par la genèse d’un mouvement appelé la « Wrong Generation », ou « la mauvaise génération ».
Les membres de cette nouvelle « secte » considèrent que la police pratique une sorte de tyrannie envers le peuple et que la liberté d’expression, dix ans après la révolution du 14 Janvier 2011, n’est pas en ce moment garantie . La « Wrong Generation » n’a pas manqué l’occasion de manifester une seconde fois lors de la marche  commémorative de l’assassinat de Chokri Belaîd soutenue par l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et d’autres organismes  de la société civile pour scander les mêmes revendications, à savoir, « travail, liberté et dignité ». Ce qui nous amène à poser les questions suivantes : Est-ce-que ce mouvement reflète réellement les aspirations des jeunes tunisiens ? Quelles sont les origines de ce mouvement ?
Pour commencer, ces mouvements ne reflètent pas tout à fait les vraies aspirations de la jeunesse tunisienne. En effet, les membres de ce mouvement dénoncent la violence policière et l’absence de certaines libertés individuelles notamment sexuelle. En fait,  les défis réels auxquels la jeunesse tunisienne fait face de nos jours –  augmentation du taux de chômage, accentuation  de la pauvreté, une tendance à l’adhésion à des groupes terroristes, immigration clandestine, criminalité… – , ne s’inscrivent pas totalement dans leurs priorités. Alors que la frénésie affichée par ce mouvement ne peut que détruire nos jeunes et les éloigner d’un avenir académique et professionnel brillant. La sexualité ou la violence policière ne sont pas des priorités pour la majorité des jeunes aujourd’hui. Il n’empêche que des chiffres publiés par une chaîne américaine, « Voix Maghrébines », classifient notre pays comme un grand exportateur de djihadistes, après la Libye avec plus de 3000 individus.
D’autres chiffres dévoilent, par ailleurs, que l’augmentation  du nombre de migrants clandestins tunisiens vers l’Italie a franchi la barre de 12 ,933 personnes, selon le site Front ex Europa.
Autre problème du mouvement de la « Wrong Generation » c’est qu’il n’essaye pas d’encourager les jeunes à participer et à s’impliquer sur la scène politique. En effet, les membres de ce mouvement développent un discours haineux envers les acteurs de cette scène, ils n’ont pas proposé d’alternatives ou de programmes afin de faire sortir la jeunesse de cette crise. Le problème réel est que les jeunes sont exclus de la vie politique et des postes de décision. Aussi sont-ils désormais des victimes de « Mainstream media » qui véhiculent une image abominable et décourageante  de la scène politique à travers les  talkshows télévisés diffusés en live, avec des politiciens qui n’arrêtent pas de crier et de se disputer sur des intérêts étriqués qui tournent autour des postes de responsabilité.
Cette image, devenue  typique, désormais  gravée dans les esprits de nos jeunes, les décourage à devenir des membres actifs de la scène politique. Et pour cause, selon des statistiques publiées par l’ISIE (Instance Supérieure Indépendante pour les Elections),  les taux de participation des jeunes aux joutes électorales n’ont pas dépassé 13 % aux législatives de 2019, contre une forte participation des adultes.

 Aux origines de ce mouvement
Le mouvement « Wrong Generation » a vu le jour grâce à deux facteurs majeurs. Le premier est en rapport avec la victoire de Kaïs Saïed à l’élection présidentielle et l’émergence de la doctrine populiste « le peuple veut »  qui appelle à l’implication des jeunes sur la scène politique et la  rupture avec la classe politique actuelle considérée comme « corrompue » et «  incompétente ». Mais, ces jeunes ont été finalement trahis par le discours du président qui n’a pas respecté les limites de ses prérogatives malgré son expertise en droit constitutionnel. Ils ont eu donc recours à la violence. L’autre facteur qui a conduit à l’émergence de ce mouvement est l’incident de Georges Floyd aux Etats-Unis qui a renvoyé une mauvaise image de la police, la considérant même comme étant raciste et fasciste. Image amplifiée par les effets de la pandémie de la Covid-19 et l’influence des médias internationaux qui ont fait campagne pour  la naissance du mouvement Black Lives Matter, mouvement antiraciste qui s’est inscrit dans une démarche antiviolence policière.
En conclusion, les jeunes tunisiens cherchent à l’heure actuelle une identité qui va les aider à déterminer leur véritable rôle au sein d’une société en dégénérescence, appauvrie et déchirée par les crises économique, politique et sociale.
Face à cette montée de la violence, la classe politique doit donc agir et réagir immédiatement pour éviter à nos jeunes toute possibilité de dérapage et les arracher à ces turpitudes et à ce chaos en imaginant des  programmes et actions adaptés aux ambitions de cette jeunesse à priori désœuvrée  et lui éviter de danser sur un volcan.

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