Les leçons de démocratie de Mr. Obama aux Africains

A la fin du mois de juillet, le Président américain Barack Obama a entrepris une visite officielle dans deux pays africains, le Kenya et l’Ethiopie. Ces visites étaient importantes. En effet, même s’ils ne sont pas considérés par l’administration américaine comme des exemples de démocratie, ces deux pays hôtes sont néanmoins des alliés essentiels dans la lutte contre la terrorisme en Afrique de l’Est et particulièrement contre les groupes d’Al-Shabab qui se montrent de plus en violents et déstabilisent la région par leurs actions.
Cette visite a été ponctuée par des discours importants au Kenya et surtout à Addis-Abeba au siège de l’Union africaine. Tout un symbole pour le Président Obama dans la mesure où ce discours ne va pas se limiter aux confins du pays visité, mais va avoir une portée continentale. En effet, le Président américain a choisi sans surprise de mettre l’accent sur les questions politiques, et plus particulièrement la défense des principes démocratiques sur le continent. Cette orientation s’explique probablement par la volonté de certains chefs d’Etat au pouvoir de changer les constitutions pour briguer de nouveaux mandats. Ces décisions ont été à l’origine d’importantes tensions politiques dans ces pays et d’une forte déstabilisation du système politique, voire même d’une révolution comme ce fut le cas au Burkina Faso. Plus proche de nous au Burundi, le Président sortant, Pierre Nkurunziza, s’est basé sur une lecture très particulière de la constitution pour briguer un nouveau mandat. Et, bien d’autres présidents semblent s’apprêter à faire de même et rejoindre les inamovibles Robert Mugabe qui, du haut de ses 91 ans, continue à veiller de la manière la plus autoritaire sur les intérêts du Zimbabwe ou de Yoweri Museveni, le président de l’Ouganda qui ne semble pas pressé de quitter le pouvoir.
Et le chemin qui mène à ces changements de constitution est bien connu. Nous l’avons déjà expérimenté en Tunisie par le passé. Il commence par les appels de certaines personnalités au « guide éclairé de la Nation » de rester en poste pour assurer la stabilité et aider le pays à relever les défis futurs. Les arguments ne manquent pas alors pour justifier ces appels qui vont même à implorer le Chef suprême à continuer à bercer le pays par sa sagesse habituelle. Lors de l’étape suivante, ce sont les partis au pouvoir qui se saisissent de cette question pour mobiliser les citoyens de manière «volontaire» afin de supplier le Président de continuer son œuvre « sublime » à la tête du pays. Lors d’une troisième phase, ce sont les experts et les juristes de « paille » qui vont se charger de bricoler le texte de la constitution comme s’il s’agissait d’un vulgaire texte juridique pour enlever la limitation des mandats à la tête de l’Etat et permettre au « chef bien aimé et garant de la stabilité » de se présenter autant de fois qu’il le souhaite. Et, enfin, c’est la mise en place en catimini d’un référendum qui valide le changement constitutionnel et ouvre la voie à une présidence à vie que les Tunisiens ont connu par deux fois, comme si nous n’apprenons pas de nos expériences. Des présidences à vie qui ont ouvert la voie à des dérives politiques avec un excès d’autoritarisme, économiques avec la montée d’une corruption endémique et sociales avec un accroissement de la marginalité.
Les pays changent mais les méthodes restent les mêmes. De nombreux pays se sont lancés dans ce processus de changement constitutionnel ouvrant la voie à des présidences à vie faisant fi des aspirations de leurs peuples pour vivre de véritables démocraties avec des alternances à la tête du pouvoir, et des expériences malheureuses des autres pays.
Le Président américain dans ses discours au Kenya et en Ethiopie, s’est attaqué à ces processus. Il a été, on ne peut plus clair, dans son discours au siège de l’Union africaine qui vient pourtant d’élire comme président en exercice en janvier dernier l’inamovible Robert Mugabe. Il a indiqué de manière directe que « personne ne devrait être président à vie ». Il a développé son argumentaire devant un public qui a accueilli sa déclaration avec un tonnerre d’applaudissements en soulignant « j’adore mon travail mais notre Constitution ne me permet pas de me présenter de nouveau ». Il a mis l’accent sur les risques d’instabilité provoqués par les présidents qui veulent rester au pouvoir et « le risque de créer de l’instabilité et des conflits comme on l’a vu au Burundi ».
Dans ses discours, il a également martelé ses autres thèmes de prédilection dont la lutte contre la corruption qui constitue selon lui « le plus grand obstacle à la croissance du Kenya ». Il a aussi fustigé les appartenances ethniques, le tribalisme et leurs effets néfastes sur les systèmes politiques en soulignant « une politique fondée sur l’appartenance à une tribu ou à une ethnie est une politique qui condamne un pays à se déchirer ». Il a également défendu le droit des femmes en indiquant qu’un pays ne peut pas se développer en laissant la moitié de sa population sur la touche. Enfin, il a aussi défendu le droit des homosexuels dans des pays connus pour leur homophobie et a déclaré « quand vous commencez à traiter les gens différemment parce qu’ils sont différents, vous vous engagez sur un chemin où la liberté s’érode ».
Les discours et les messages forts de Barack Obama ont été applaudis par des populations désireuses de véritables changements du système politique pour mettre les principes démocratiques, et particulièrement l’alternance au centre de la pratique politique et pour une lutte déterminée contre la corruption. Toute la question est de savoir si ces messages seront suivis d’effets par la politique américaine et constitueront des critères importants dans la politique d’aide aux pays africains, ou que ces principes vont rester des vœux pieux comme par le passé et ne seront pas suivis d’effets. Une question d’autant plus importante que les pays qui ne suivent pas les principes énoncés par le Président Obama en Afrique sont ses alliés majeurs dans la lutte contre le terrorisme dans la région.

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