Les maîtres de la voltige

Par Alix Martin

Les avez-vous vus, à plus de 200 km / h, les ailes repliées, les rémiges caudales serrées, comme un véritable missile, fondre sur leur proie, les « chasseurs de haut vol » ?

D’autres, lancés en zigzags, entre les branches ou au ras des buissons poursuivent des cailles et des grives affolées. La splendide aisance de vol du faucon, la rapidité et l’agilité de l’épervier, telles sont les qualités recherchées par des hommes pour qui le nombre de « prises » n’est pas l’objectif d’une chasse dont la tradition se perpétue à El Haouaria.

El Haouaria

Abritée par les pentes du Jebel Sidi Abiadh, El Haouaria a sans doute existé depuis l’aube de l’histoire. Des débris d’obsidienne découverts sur un site préhistorique vers Ras Dreck attestent que, dès cette époque, des hommes vivaient là et commerçaient avec leurs voisins de l’île volcanique de Pantelleria puisque l’obsidienne n’existe pas en Tunisie.

D’« Hermaia akra » : le promontoire d’Hermès, en grec, au « Promunturium Mercurii », dédié à Mercure, dieu romain du commerce et des voyageurs, comme Hermès, les auteurs anciens ont attribué ces noms à une divinité qui avait un temple en ces lieux, sans doute, sous la ville d’El Haouaria ou à l’emplacement du Marabout de Sidi Bel Abiadh.

Les conquérants arabes l’ont appelé Ras Addar, nom qui dérive sans doute du punique : « Ras Addir » : le cap élevé, puissant.

Baigné par une Méditerranée d’azur, le promontoire jouit d’une côte rocheuse au nord-ouest et d’une longue plage de sable au sud-est.

Les pentes septentrionales des collines bordant la mer ont été creusées par d’énormes carrières où vivaient, très misérablement, esclaves et prisonniers. Les blocs rocheux ont atteint, par la mer, Carthage et toutes les bourgades de la côte.

L’arrière pays a longtemps été isolé par une grande dune de sable éolien sur laquelle a été plantée la forêt de Dar Chichou. Mais le sous-sol argileux a dû être drainé pour offrir, aujourd’hui, un kaléidoscope de petits champs fertiles et soigneusement travaillés.

Deux fois par an, au printemps et en automne, les cieux sont parcourus par un peuple d’oiseaux migrateurs venant ou rejoignant l’Europe. Les détroits entre l’Afrique, la Sicile et la Sardaigne relativement étroits, sont sur une des principales voies de migration des oiseaux.

C’est sans doute en ces lieux que les troupes romaines commandées par le Consul Regulus ont débarqué pour aller prendre puis détruire Kerkouane et Kélibia voisines avant d’attaquer Carthage. Les soldats puniques qui montaient la garde dans le fortin construit au sommet de Ras Dreck, les ont certainement vus débarquer ainsi que les Syracusains d’Agathocles qui ont brûlé leurs vaisseaux sur la plage pour bien marquer leur désir de vaincre ou de mourir en Afrique. Kerkouane ne survivra pas alors que Kélibia, « Aspis » ou « Clipea » : le bouclier de Carthage, sans doute en raison de sa position stratégique, sera de toutes les guerres. Une fière citadelle ottomane se dresse sur la colline.

Sidi Daoud / Missua, à l’instar d’autres bourgades du Cap Bon : Korba / Curubis, Nabeul / Neapolis, Sidi Raïs / Carpis, ont gagné des fortunes en commerçant avec Rome et en exportant du « garum » : un condiment à base de poissons macérés dans une saumure aromatisée.

Le festival d’El Haouaria

Chaque année, à l’entrée de l’été, le festival d’El Haouaria rassemble les passionnés de la « chasse au vol ». Ils ont capturé et entraîné leurs rapaces pendant deux mois. Les cailles migratrices, leurs proies préférées, sont arrivées avec le printemps. Les faucons pèlerins au bonnet marron et les éperviers au plumage clair tavelé de gris sont les chasseurs préférés. Mais après quatre ou cinq « prises » que le « maître » se réserve, il faut les laisser en plumer et en manger une, sinon ils cessent de chasser, ce qui fait que le carnier du « maître » est toujours léger contrairement à celui du propriétaire d’un fusil qui peut tirer toute la journée. Les orbes ascensionnels des faucons qui prennent de l’altitude pour « dominer » leur proie, leur « piqué » fulgurant dès qu’ils l’ont repérée, rarement un « manqué », en quelques minutes, le drame est joué. « C’est cruel et inutile » disent les « anti-chasse ». « C’est naturel : animal contre animal, l’homme n’intervient pas contrairement au boucher qui égorge l’agneau dont on se régale » rétorquent les « fauconniers ». Nous ne prenons que très peu de gibier, contrairement aux « tueurs de grives » qui tirent des centaines de cartouches – voire des milliers ! – par jour.

Bien sûr, les corridas, les battues au sanglier, les chasses au sloughi ainsi que la chasse au vol sont des « spectacles » sanglants. Est-ce que les « âmes sensibles » ont déjà visité un abattoir, en particulier un de ceux où l’on « exécute » des volailles par milliers ? Et, si la chasse au faucon les rebute, El Haouaria et ses alentours offrent bien d’autres centres d’intérêt.

Les loisirs

D’abord en ce moment, les plages et la mer attirent presque tout le monde et El Haouaria est privilégiée. Les familles « lézarderont » sur les plages de sable dont les abords se couvrent de résidences et de guinguettes plus ou moins sophistiquées où toutes les « bourses » peuvent se régaler. Même un pique-nique, à l’ombre d’un parasol, n’est pas dépourvu d’intérêt.

De l’autre côté de la ville et jusqu’au bout du promontoire rocheux, pour les courageux qui iront jusque-là, une Méditerranée transparente baigne des fonds rocheux superbes et encore poissonneux malgré une fréquentation intensive.

Parfois, l’observateur patient arrive à repérer un objet antique : un col ou une anse d’amphore, une petite pierre de moulin domestique et quelquefois, coincée dans les rochers, les restes d’une ancre. Sars, dentés, murènes, poulpes sont toujours au rendez-vous même si les oursins deviennent de moins en moins nombreux.

Les collines offrent des parcours de randonnées aussi longs et aussi parfumés par les maquis méditerranéens, qu’on le souhaite. A certains endroits, la colline a été reboisée et les pins offrent une ombre agréable. Le fortin et le temple puniques – les seuls du pays – de Ras Dreck ainsi que son fort « ottoman » motivent bien des curieux.

Les marabouts des alentours dont celui du village d’Achref construit à côté d’un énorme olivier « carthaginois », la grande plage de Takerdouch, Kerkouane et ses nécropoles attirent beaucoup de monde.

Après les hôtels-restaurants d’El Haouaria, des maisons d’hôtes et des gîtes ont été aménagés. La « Villa Zembra » en particulier, gérée par Monsieur Dominique François, offre 6 chambres confortables et coquettes ainsi qu’une table d’hôtes. Le maître de maison a fait des aménagements récents et il capable de vous faire pratiquer bien des plaisirs de la mer.

Sur le Jebel Sidi Abiadh, à mi-pente, en face de la pinède, bénéficiant d’une « vue » magnifique sur la vallée entre collines et plage, un très agréable gîte a été installé. Le maître des lieux est à même de vous entraîner dans de magnifiques randonnées dans tout le Cap Bon qu’il connaît parfaitement.

Baignades, plongées, chasses, randonnées, pique-niques ou guinguettes et restaurants connus, vestiges historiques et curiosités diverses, tout est présent à El Haouaria qui semble être une destination privilégiée à fréquenter sans modération.

A.M.

 

Related posts

Charles-Nicolle : première kératoplastie endothéliale ultra-mince en Tunisie

Affaire du complot : Qui sont les accusés en fuite ?

Une opération sécuritaire inédite : Saisie de plus d’un million de comprimés d’ecstasy (Vidéo)